Fyctia
Chapitre 1: Entrée fracassante
Jamais je n’aurais imaginé revenir un jour à Lac Sur Iver, ce minuscule village au fin fond des Alpes, où les montagnes semblent décider seules du destin de ceux qui osent s’y aventurer. En ce moment précis, elles avaient clairement décidé de m’en faire baver. Ma fidèle petite Peugeot, épuisée et probablement rancunière d’avoir quitté Paris, ronronnait comme un vieux félin au bout de ses neuf vies. J'entrai dans le village et dépassai le centre pour me diriger vers la dernière maison : une immense bâtisse entièrement rénovée par mes chers parents. De ruines décrépies, ils en avaient fait un véritable palace.
Il fallait avouer que Lac Sur Iver méritait son nom de "lieu féérique montagnard". Les flocons de neige habillaient le magnifique paysage qui s'imposait à moi et donnaient une ambiance magique. Les lumières chaleureuses des lampadaires commençaient à illuminer les rues pavées couvertes d'un manteau blanc étincelant.
Ma petite voiture fatiguée se dirigeait à présent vers "l’impasse des bouquetins". Et oui… la montagne et son folklore ! Alors que je commençai à grimper, mon moteur émit cette fois une plainte que je ne lui connaissais pas.
— Allez, juste encore quelques mètres, suppliai-je, tapotant nerveusement le volant. On y est presque…
Mais comme pour me punir de mon optimisme déplacé, le moteur rendit l’âme dans un dramatique dernier souffle. Je sentis ma voiture reculer dangereusement sur la route enneigée. Une seconde plus tard, je percutai quelque chose dans un fracas retentissant.
— Oh misère, soupirai-je.
Je descendis précipitamment et glissai sur une plaque de glace, évitant de peu une chute aussi humiliante que douloureuse. Devant moi s’étalait ce qui fut autrefois une jolie bibliothèque communautaire, désormais réduite à une pile de bois et de livres détrempés : un cimetière littéraire.
— Non mais sérieusement ? Vous êtes complètement aveugle ou quoi ? s’écria une voix masculine furieuse.
Je me retournai vivement, prête à contre-attaquer, mais ma colère fondit instantanément comme neige au soleil. Lac Sur Iver avait visiblement décidé d’embaucher des mannequins pour attirer les touristes. Je connaissais à peu près toutes les familles de ce village et aucune n’avait une génétique suffisamment exceptionnelle pour avoir créé… ça ! J’étais tellement saisi par la beauté de cet homme que l’option « son » de mes sens s’était tout simplement coupée.
Ses cheveux sombres et rebelles lui tombaient légèrement sur le front. Sa stature impressionnante était digne d’un dieu grec sans oublier ses yeux d’un vert intense qui auraient pu faire fondre un glacier.
Ses deux émeraudes me fixaient avec colère mais je me pouvais m’empêcher de le dévisager.
— Je suis désolée, bredouillai-je maladroitement. J’ai glissé et…
— Évidemment, coupa-t-il froidement. Encore une citadine qui s’imagine dompter les routes enneigées avec une voiture en carton.
La pique contre ma Peugeot fut la goutte d’eau de trop. Le charme s'éteignît.
— Je vous signale que cette « voiture en carton » m’accompagne partout depuis des années, répliquai-je sèchement. Je suis prête à vous rembourser votre… étagère.
— C’est une bibliothèque, me corrigea-t-il, exaspéré. Et je n’ai pas besoin de votre argent.
Il s’avança sans attendre et entreprit de pousser ma voiture sur le côté. Lorsqu'il passa à côté de moi, je m'aperçus qu'il me dépassait d’au moins une tête et demie. Loin d'être impressionnée, mes lèvres refusèrent de se celer et ma fierté prit le dessus :
— Je n’ai pas besoin de votre aide !
Il continua ce qu’il était en train de faire sans me prêter attention. J’agrippai son bras et il se retourna vivement comme si je l’avais brûlé. Son geste brusque créa un vide dans mon esprit et, instinctivement, je levai les bras pour me protéger. La peur m’envahit et mon corps ne répondit plus, préférant s’isoler dans un état second.
Soudain, le regard de l’homme changea et son visage se fit plus doux.
— Je n’avais pas l’intention de vous faire du mal. Sa voix restait sèche mais je sentais que la pointe d’amertume avait disparu.
— Je… Je suis désolée. Je vous promets que je paierai pour les réparations… Je… Je…
Son regard passa soudainement de la colère à une inquiétude sincère, presque troublée.
— Tout va bien. Je… Je ne voulais pas vous faire peur, dit-il doucement.
Je baissai les bras lentement, embarrassée par ma réaction incontrôlée.
— Non, c’est moi. Désolée, murmurai-je, prise au piège d’une vulnérabilité que je détestais.
Un silence gênant s’installa, jusqu’à ce qu’une voix familière vienne à notre secours.
— Emma ! Ma chérie, tout va bien ?
Mon cœur se serra et je me retournai vers la personne dont j’avais le plus besoin à cet instant.
— Bonsoir maman… Tout va bien. J’ai simplement eu un petit accident.
— Un accident ? Tu es blessée ? Le visage inquiet, ma mère me rejoignit et me serra dans ses bras. Elle avait toujours eu l’habitude de trop me couver mais… j’adorai ça !
— Aucune perte à déplorer Lydie, annonça l'homme avec une pointe de sarcasme, sauf peut-être quelques livres traumatisés.
— Samuel ! répondit ma mère avec un rire chaleureux. Je vois que tu as déjà rencontré Emma.
Samuel. Évidemment, il fallait que cet ours des montagnes ait un prénom biblique, pensai-je en levant les yeux au ciel.
— Je dirais plutôt qu’on s’est entrechoqués, répondis-je avec une ironie à peine voilée.
Il esquissa un léger sourire, me lançant un regard où la provocation se mêlait subtilement à une certaine fascination.
— Oh, Samuel, intervint ma mère, toujours positive, les élèves seront ravis de reconstruire cette bibliothèque. Ce sera un nouveau projet pour Noël.
Génial. J’étais officiellement devenue le Grinch de Lac Sur Iver dès mon arrivée.
— Je vais garer votre voiture un peu plus loin, proposa-t-il soudainement, tendant la main vers mes clés.
Je les lui tendis à contrecœur, nos doigts s’effleurèrent, et je sentis mon visage s’embraser comme celui d’une adolescente gênée. Il remarqua immédiatement ma gêne et son sourire arrogant s’élargit.
— Vous pourriez lâcher vos clés, sinon je risque d'avoir du mal à déplacer votre… fidèle compagne.
Mortifiée, je retirai brusquement ma main tandis qu’il s’éloignait en riant doucement.
— Viens, Emma, rentrons avant que tu n’attrapes froid, intervint ma mère, amusée par la scène.
En montant la pente vers la maison, mes bottines glissèrent encore et je m’étalai de tout mon long sur la neige fraîche. Une voix familière éclata de rire derrière moi.
— Décidément, tu n’as vraiment pas changé, Emma Laurent !
Je relevai la tête et souris malgré moi en reconnaissant Adam, mon meilleur ami d’enfance. Au moins, lui serait ravi de me revoir. Je venais de rentrer à la maison, pour le meilleur et pour le pire.
34 commentaires
Aline Puricelli
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Il y a 8 jours
MelinaSANYA
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Il y a 6 jours
mima77
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Il y a 11 jours
MelinaSANYA
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Il y a 6 jours
La rêveuse d'encre
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Il y a 12 jours
MelinaSANYA
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Il y a 6 jours
MarwanS
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Il y a 14 jours
MelinaSANYA
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Il y a 14 jours
Krissa Danos
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Il y a 14 jours
MelinaSANYA
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Il y a 14 jours