Serahne Les Meilleures Intentions du Monde 9. Comme un calamar (p.1)

9. Comme un calamar (p.1)

... dans l'eau.


Chez Momo

9 avril 2023 - 13h08


Simon me mena jusqu’au parking, où sa voiture était garée - une vieille Matra Rancho qui avait dû être blanche il fut un temps - et m’ouvrit la portière côté passager. J’eus une demi-seconde d’hésitation, où je me fis la réflexion que monter dans la voiture d’un quasi-inconnu n’était peut-être pas très malin. Je plissai les yeux.


— Quelles sont les probabilités que mon cadavre soit retrouvé demain dans un ravin ? lui demandai-je sérieusement.


Il sourcilla à peine.


— Très élevées, répondit-il, le frémissement d’un sourire au coin des lèvres. Tu préfères retourner à l’intérieur et retrouver les autres ?


Nous nous observâmes un instant, de chaque côté de la portière. Ses cheveux étaient toujours humides, ce qui lui allait à n’en pas douter bien mieux qu’à moi : après mon plongeon dans la piscine, ils pendaient lamentablement autour de mon visage, plats, lourds, et empestant le chlore.


— Je vais prendre le risque, décidai-je après avoir pesé le pour et le contre.


Au pire, quoi ? Je mourrais. Ce qui restait plus plaisant que de devoir aller manger une pizza avec Hunter, Isaac et le reste de leur petite bande, ainsi que Nora me l’avait gentiment proposé. En entendant ça, Isaac avait décrété que c’était une excellente idée, Constant avait pincé les lèvres si fort qu’elle s’était mise du gloss partout sur les dents. Hunter avait tapoté avec indulgence l’épaule de Nora puis s’était tourné vers moi avec un sourire à faire froid dans le dos.


“Mais oui, Ariane, viens avec nous.”


Brr.


— Excellent, fit Simon. Tu as faim ? Je connais une adresse, pas loin. L’endroit ne paye pas de mine mais ils font des burgers du tonnerre.


— … je croyais que tu étais juste censé me ramener ? lui rappelai-je, perplexe.


Il me jeta un regard en coin, visiblement amusé.


— Est-ce que quelqu’un t’a déjà dit que tu étais paranoïaque ?


Je croisai les bras contre ma poitrine.


— Je préfère le terme prudente, je te remercie.


— Sois sympa, je meurs de faim, répondit Simon. Je t’invite bien sûr.


Si je devais être honnête, rester deux heures les fesses sur un gradin à m’ennuyer ferme m’avait moi aussi creusé l’estomac et je n’aurais pas dit non à une assiette de frites… de plus, il y avait quelque chose de presque contre-nature à refuser l’invitation d’un garçon aussi beau. Cela n’aurait eu aucun sens.


— D’accord, concédai-je.


Le visage de Simon s’illumina ( improbable ! ), et il démarra la voiture. Je me sentais répugnante dans mon jean trempé qui allait sans doute laisser une trace sur le siège de Simon. J’avais pu récupérer un T-shirt à l’effigie des Calamars à l’entrée de la piscine, mais pas de pantalon. Le mien me collait donc les fesses et les cuisses de la plus déplaisante des manières.


Chez Momo n’était qu’à une dizaine de minutes de l’université, et Simon avait eu raison sur un point : l’endroit ne payait pas de mine. Je n’aurais sans doute jamais découvert l’endroit par moi-même tant la devanture du restaurant, coincée entre celle d’une pâtisserie et d’une salle de sport, était difficilement repérable.


Mais une fois la porte d’entrée passée, le décor ne pouvait pas laisser indifférent. Le patron devait être un aficionados des western, car il avait fait de l’endroit un saloon un peu kitsch, avec de fausses ( enfin, j’espérais ) peaux de bêtes accrochées un peu partout, un mobilier tout en bois et quelques cactus disséminés ça et là pour évoquer le désert du Far West.


— Plutôt atypique, non ? me fit Simon, tout sourire.


Je n’aurais sans doute pas utilisé ce mot, mais il n’avait pas tort.


— Très dépaysant, répondis-je en avisant une collection de lassos qui pendait le long d'un escalier à la stabilité douteuse. Comment est-ce que tu as découvert cet endroit ? J’imagine que ce n’est pas le genre de restaurant où l’équipe de natation vient régulièrement ?


Simon renifla, mais ne répondit pas. Une serveuse parée d’un chapeau de cowboy et d’une chemise en flanelle vint nous diriger vers un tonneau converti en table et flanqué de deux chaises rustiques.


— Pas vraiment, non, reprit Simon une fois perché sur la sienne. Entre Momo et moi c’est une longue histoire. Ma mère me déposait ici quand j’étais gamin, quand elle devait travailler et que la voisine n’était pas disponible. Il me fichait la frousse à l’époque, avec sa grosse voix qui résonnait jusque depuis la cuisine.


Son expression s’attendrit l’espace d’un instant.


— Mais il m’aimait bien, je crois. Il m’appelait ‘le gamin’ et ne disait jamais rien quand les employés me faisaient passer un burger ou une barquette de frites en douce.


Wow. Je clignai des yeux et observai l’endroit de nouveau, essayant de deviner comment il avait dû paraître à un petit Simon. Là où je voyais du ridicule et du mauvais goût, il avait dû y voir un monde fantastique à explorer.


— Je donne un coup de main le week-end, quand je n’ai pas de compétition, fit-il. Les affaires ne vont pas très fort en ce moment, mais je n’imagine pas cette ville sans Momo. C’est impossible.


J’eus un petit sourire, surprise par cette sentimentalité inattendue. La serveuse réapparut pour prendre nos commandes.


— Pour moi ce sera deux doubles, à point, énonça Simon. Ajoutez-y dix nuggets et une grande portion de frites. Et un milkshake banane.


Il s’interrompit pour me jauger du regard un instant.


— Et un burger de Momo pour mon amie, conclut-il avec un sourire espiègle. C’est la première fois qu’elle vient ici. Autant que ce soit mémorable.


Je lui retournai un regard interdit alors que la serveuse s’éloignait.


— Risqué de commander pour quelqu’un que tu connais à peine, notai-je.


— Si ça ne te plaît pas, tu commanderas autre chose. Mais fais-moi confiance : ça va te plaire.


Il ponctua son affirmation d’un clin d'œil, sûr de lui. Je sentis avec horreur mes joues s’empourprer et détournai le regard. Est-ce que c’était un rendez-vous ? La possibilité ne m’avait pas traversé l’esprit pour des raisons évidentes - nous nous connaissions à peine, je venais de réchapper d’une noyade, j'empestais la piscine - mais j’avais assez vécu pour savoir que le cerveau des hommes fonctionnait parfois mystérieusement.

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5 commentaires

CoraliaDell

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Il y a 5 mois

J'aime beaucoup ce garçon 😊

Diane Of Seas

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Il y a 10 mois

Ce n’est pas son cerveau, c’est son cœur. ☺️❤️

Serahne

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Il y a 10 mois

C'est mignon ;)

Gabrielle H. Davis

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Il y a 10 mois

La suite la suite la suite la suite (supprime pas mon commentaire stp), je les trouve trop cute

Emilie Ewing

-

Il y a 10 mois

💕
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