Fyctia
9. Comme un calamar (p.2)
Le silence s’étira paresseusement entre nous, me laissant de plus en plus perplexe sur les intentions de Simon.
— Du coup, toussotai-je, gênée. Merci de m’avoir fait découvrir cet endroit, c'est très, euh, romantique.
Il fronça les sourcils et parcourut la salle du regard, s’arrêtant brièvement sur le taureau mécanique qui trônait près du bar. Lui aussi portait un chapeau de cowboy.
— De rien ? répondit-il, perplexe. Écoute, Ariane. Pour être honnête je ne t’ai pas amené ici sans raison.
Oh non, songeai-je. Que le diable emporte mon charme irrésistible. C’était quoi le problème que les nageurs avaient avec moi ? Pourquoi étaient-ils attirés par ma personne comme par un bonnet de bain particulièrement aérodynamique.
Le regard de Simon se fit soudain plus sérieux :
— Je voulais te parler de…
Interrompant ce que j'imaginais être une déclaration bien trop gênante, la serveuse arriva avec mon burger et le repas pour quatre personnes qu’avait commandé Simon pour lui tout seul. Elle réussit miraculeusement à tout déposer sur la surface étroite de notre tableau-tonneau.
J’observai mon burger de Momo avec prudence. A priori, rien d’extravagant. Steak à point, oignons frits, cornichons, cheddar et sauce.
— Vas-y, teste, s’amusa Simon en me jetant un coup d'œil. Je te promets qu’il ne va pas te mordre en retour.
Je levai les yeux au ciel puis mordis mon burger à pleine dents. Ma première impression fut qu’il s’agissait d’un très bon burger - bien cuit, bien équilibré, avec les oignons croquants comme je les aimais et non pas tout mous comme dans certains fast-food - mais pas de quoi casser trois pattes à un canard.
Et puis je goûtai la sauce. Et le paradis.
Le sourire de Simon s’élargit en voyant mon expression.
— Alors ? demanda-t-il, satisfait de lui-même.
Je ne parvins même pas à m’émouvoir de son arrogance.
— Je veux épouser ce burger, répondis-je, très sérieusement.
Simon éclata de rire.
— Toi et tous les clients de Momo ! Il paraît qu’il est le seul à connaître la recette de la sauce qu’il met dans ce burger. Un jour, quand j’avais neuf ans, un type en costard est arrivé avec une mallette pleine de billets en lui disant qu’elle était à lui s’il acceptait de la lui vendre. Il l’a fichu dehors à coups de pied aux fesses.
L’expression de son visage s’adoucit.
— Tu devrais le rencontrer un jour, il est incroyable.
— J’en suis certaine.
Incapable de résister, je repris une bouchée. Incroyable. Il fallait que je sache s’ils faisaient des burgers à emporter, mon père devait absolument goûter ça. Tout en mangeant, j’observai Simon déballer son festin avec une pointe de jalousie. Il ne me semblait pas normal que quelqu’un avec des abdos si bien dessinés puisse engloutir huit mille calories en un repas. Il croisa mon regard et dut y lire mes pensées car il me tendit ses frites.
— Sers-toi.
— Je m’en voudrais que tu viennes à manquer.
Son regard pétilla de malice.
— Je consens à ce sacrifice, déclara-t-il dramatiquement.
Étonnement, je me sentais bien. Simon avait beau être un nageur, il y avait une chaleur en lui qu’aucun autre membre de l’équipe ne possédait. Quelque chose dans la courbe de son sourire, dans l’intensité de ses yeux sombres, dans la tendresse qui colorait le ton de voix lorsqu’il évoquait ses souvenirs de Chez Momo… avait le don de me filer des papillons dans le ventre.
Ou peut-être que c’était un truc dans la sauce du burger. Je n’aurais pas été surprise que la fameuse recette secrète contienne quelques substances euphorisantes.
Simon se tut soudainement, et se mit à m’observer avec attention.
— Ariane, dit-il. Je voulais te parler de quelque chose.
On y est, songeai-je. Notre interlude gastronomique m’avait presque fait oublier sa déclaration avortée. J’aurais aimé que ce soit également le cas pour lui. Aussi charmant Simon était-il, je ne pouvais pas. Comme une nonne rentrant au couvent et rejetant les hommes, je m’étais jurée à moi-même des années auparavant que jamais plus je ne me mêlerais aux nageurs de Fairmont.
Une promesse certes mise à l’épreuve ces derniers jours, mais pour la bonne cause.
— Je voulais te parler de Hunter, poursuivit-il.
Quelle étrange stratégie, pensai-je. Quelqu’un devrait lui dire que parler d’un autre garçon n’est pas la meilleure façon de draguer une fille. Magnanime, je hochai la tête et me fendis malgré tout d’un sourire.
— Oui ?
Il hésita un instant puis se lança à l’eau :
— Il faut que quelqu’un l’arrête. Et j’ai besoin de toi pour ça.
Attends, quoi ? Je clignai des yeux devant l’intensité de son regard. Il n’était pas impossible que mon interprétation de la situation ait été erronée.
— Ce n’est pas un rendez-vous ? demandai-je, confuse.
Confusion sans doute contagieuse, puisqu’il fronça à son tour les sourcils.
— Un rendez… non, Ariane. Ce n’est pas un rendez-vous, répondit-il, mi-alarmé, mi-embarrassé. Ce n’est pas contre toi, tu as l’air d’une fille géniale, intelligente, très jolie, mais je…
— Oh, dieu merci ! m’écriai-je, soulagée. J’ai eu peur l’espace d’un instant.
Simon ouvrit la bouche, puis la ferma sans laisser échapper un seul son, estomaqué. Pour ma part, je respirais un peu mieux.
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CoraliaDell
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