Fyctia
7. Dans la vie, c'est... (p3)
Je tournai la tête vers elle. Elle aussi était affublée d’un T-shirt ridicule. Ses boucles brunes étaient relevées en un chignon artistiquement négligé. Son regard vert forêt me lançait des éclairs.
— Me lever n’a pas été évident, admis-je platement. Mais je n’aurais raté ça pour rien au monde. Allez les pieuvres. Youhou.
— Calamars, siffla Constance.
— Rappelle-moi la différence ? lui demandai-je, un sourire innocent sur le visage, sachant parfaitement qu’elle l’ignorait.
Elle ouvrit la bouche puis la referma, et ses joues s’empourprèrent.
— Personne n’a oublié, fit-elle. Ce que tu as osé raconter sur ce pauvre Hunter… c’est honteux.
— Je ne sais pas si ‘pauvre’ serait un qualificatif que j’utiliserais pour parler d’Eddie Hunter, notai-je.
Elle émit un bruit proche du chuintement. Elle n’appréciait pas mon humour. Mais la vérité, c’était que je n’avais aucune peur de Constance. Le jour où j’avais perdu mon ticket pour le Golden Club de l’université, il m’était resté mes bonnes notes, ma charmante personnalité (si, si), et un père aimant qui me soutenait sur tous les plans. Toute la vie de Constance ne tenait qu’à son horrible relation avec Isaac. Le jour où il la larguait (oooh, comme j’aurais aimé voir ça), c’en était fini d’elle.
Je ne la craignais pas, mais je la haïssais. Tellement, tellement fort.
Quand je m’étais exprimée contre Hunter, je savais que ses amis risquaient de faire bloc autour de lui. Mais j’avais espéré que les filles me soutiendraient. J’avais été naïve. Constance avait été la pire garce imaginable à cette période. J’avais la tête dans la cuvette et elle s’était attelée à consciencieusement tirer la chasse pour me noyer pour de bon.
— Si tu avais la moindre once d’amour-propre, tu ne serais pas ici, cracha-t-elle avec tout le mépris qu’elle pouvait exsuder.
— Et si tu avais une once d’amour-propre tu irais sucer Hunter littéralement au lieu de le faire métaphoriquement, dis-je en retour. Ou mieux encore, tu irais te pendre avec tes valeurs morales. Oh, tu ne risquerais pas grand-chose : elles sont aussi solides que du papier de soie.
C’est à ce moment-là que Nora reparut.
— Hey, Constance ! Tu vas bien ? Désolée de ne pas être encore passée vous voir, toi et les filles, Ariane voulait se mettre devant. De quoi vous papotez ?
Elle me dit tendit mon coca.
— De la différence entre les pieuvres et les calamars, répondis-je avec un sourire. Tu la connais, toi ?
Nora réfléchit.
— Le calamar a six pattes, et la pieuvre huit, non ?
— Le calamar en a dix, la corrigeai-je.
— Ah ! Oui, je confonds avec les araignées !
L’annonceur au micro intervint pour nous prévenir de l'imminence de la première course. Constance hésita quelques secondes, le regard fixé sur moi, mais il était évident qu’elle ne voulait rien dire de plus devant Nora. Ce qui, de mon point de vue, signifiait qu’elle ne se savait pas toute blanche. Si elle avait été convaincue de sa supériorité morale, elle n’aurait eu aucun mal à balancer toute l’histoire à mon amie.
Elle salua Nora puis retourna vers ses amies.
— J'adore cette fille, elle est tellement gentille, dit Nora, avec qui tout le monde était toujours gentil. Et j’ai vu Hunter ! Il ne fait pas la première course. Simon, oui, par contre ! Oooh, on va voir comment il se débrouille. Il faut qu’il soit à la hauteur de toi, hm ? S’il ne gagne pas, pas de récompense ce soir !
Parfois je me disais que vivre dans la réalité de Nora devait être plaisant.
Incroyablement dystopique.
Mais plaisant.
6 commentaires
Gabrielle H. Davis
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Il y a 10 mois
Diane Of Seas
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Il y a un an
Serahne
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Il y a un an
KBrusop
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Il y a un an
Emeline Guezel
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Il y a un an