Serahne Les Meilleures Intentions du Monde 5. C'est la pataugeoire (p1)

5. C'est la pataugeoire (p1)

... qui se moque du jacuzzi


Chez moi

4 avril 2023 - 16h30


Je passai la demi-heure suivante sur mon téléphone, à essayer de trouver une solution au problème ‘Hunter’. Bon, en réalité je passai cinq minutes à chercher une faille juridique dans notre constitution qui m’aurait permis de l’assommer avec une pelle sans que cela ne se retournât contre moi d’un point de vue légal ( ce fut un échec : les gens qui écrivaient les lois savaient ce qu’ils faisaient ) et les vingt-cinq suivantes à regarder des vidéos de bébés animaux pour me calmer les nerfs. Celle avec les hiboux me permit finalement de retrouver la paix intérieure. Impossible de ne pas fondre devant leurs grands yeux tout ronds.


Je voulais un bébé hiboux comme je n’avais jamais rien voulu de ma vie. J’étais sûre que mon père n’y verrait aucun inconvénient.


Une fois les cours de l’après-midi terminés, je pris le tramway jusque chez moi. Avoir rejeté la vie de campusarde signifiait que j’avais dû retourner vivre chez mes parents, et me résoudre à commuter par le tram, quarante minutes deux fois par jour, cinq fois par semaine. On s’y faisait : le matin, je finissais tranquillement ma nuit, écouteurs enfoncés dans les oreilles, et le soir, je revoyais les cours de la journée et m’avançais pour les révisions.


Cet après-midi-là, toutefois, ma tête était remplie de la discussion que j’avais eu un peu plus tôt avec Hunter. Je me rejouais la scène, mais cette fois elle tournait à mon avantage. J’avais les bons mots, les bonnes phrases, le bon timing. ‘Tu es un psychopathe narcissique, probablement terrifié à l’idée que le reste du monde te voit tel que tu es vraiment et non tel que tu t’échines à leur faire croire que tu es’, lui disait mon Moi-imaginaire, beaucoup plus digne et un peu mieux coiffée que la Moi-réelle. ‘Et aussi, le fait que je sois chiante ne t’a apparemment pas empêché de vouloir fourrer ta langue dans ma bouche donc, hein, bon.’ Ou une variation de ça. Peu importait, tant que ça finissait avec Hunter au sol en train de regretter le jour où nos routes s’étaient croisées, en pleine introspection sur toutes les choses horribles qu’il avait faites au cours de sa vie et prenant finalement la décision de quitter la fac et de partir faire un voyage spirituel en Patagonie pour se purifier l’âme.


J’avais conscience que ce genre de chose n’arrivait pas dans la réalité, mais juste y penser était déjà étrangement satisfaisant.


J’arrivai chez moi un peu avant seize heures. Mon père devait être là, sans doute en plein travail dans son bureau, mais j’avais le reste de la maison pour moi toute seule. D’aussi loin que je m’en souvinsse, j’y avais toujours vécu. Mes parents l’avaient acheté quand ma mère était tombée enceinte, quand ils avaient jugé que leur appartement étriqué du centre-ville qui convenait parfaitement pour deux personnes risquait d’être un peu petit pour trois. Peut-être aussi que, à l’époque, ils envisageaient que je ne fusse pas le seul bébé à grandir entre ces murs. Je n’en savais trop rien, je ne leur avais jamais demandé.


Toujours était-il que j’adorais ma maison. De l’extérieur, on aurait dit une maison de Sims. Elle était toute carrée, massive, entièrement construite en pierre grise et s’étirait sur un rez-de-chaussée et deux étages dont l’un était entièrement consacré aux travaux de recherche de mon père. La maison était ancienne, du XIXème siècle et, pendant mon enfance, j’étais obsédée par l’idée de dénicher un passage secret. Il devrait forcément y en avoir un selon moi. Tous mes efforts se révélèrent vains, ce qui restait une des plus grandes déceptions de ma vie.


Elle était située en bordure de la ville et n’était pas mitoyenne, ce qui lui conférait un petit air de maison de campagne – pour autant que cela fut possible avec un supermarché à deux pâtés de maison et un boulevard quatre-voies au coin de la rue.


Je récupérai le courrier dans la boîte aux lettres avant de rentrer, sachant qu’il y avait peu de chance que mon père s’en fut chargé. Facture, catalogue publicitaire, facture, flyer pour une salle de sport qui venait d’ouvrir et, enfin, le programme du parti écologiste pour les municipales. Rien qui ne me concernait ni ne m’intéressait. Après avoir rapidement pris connaissance de leur contenu, je les déposai en évidence sur la table de la cuisine pour que mon père s’en occupe quand il avait un peu de temps.


Tout en bas de la pile, je fus surprise de trouver une carte postale envoyée par ma mère. Cela ne faisait que trois semaines depuis sa dernière et je ne m’étais pas attendu à en recevoir une nouvelle si tôt. La carte montrait une plage de sable fin, des cocotiers et des hamacs au bord de l’eau et proclamait fièrement que ‘Ça balance aux Bahamas !’, le truc typique vendu dans les attrapes-touristes. Je parcourais le dos de la carte, laquelle m’apprit qu’elle était arrivée à Cooperstown quelques jours auparavant, y avait déniché un emploi au jardin botanique du coin, et passait ses journées à s’occuper des plantes et à profiter du soleil.


Chanceuse, soupirai-je tout haut en jetant un coup d’œil au ciel que j’avais vu passer d’ensoleillé à nuageux à franchement menaçant pendant mon trajet en tram.


Qu’est-ce que je n’aurais pas donné pour être à l’autre bout du monde, allongée sur une plage, à n’avoir à m’inquiéter de rien si ce n’était du choix de la couleur de mon maillot de bain ?


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11 commentaires

Quentinn

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Il y a un an

A jour dans ton histoire, n'hésite pas à venir me faire petit coucou ✨

François Lamour

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Il y a un an

Like du "Connard romantique" 😁

Emeline Guezel

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Il y a un an

🥰

KBrusop

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Il y a un an

🥰❤️ et un petit coup de pouce ne serait pas de refus 😋

Elo40

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Il y a un an

J'attends tes chapitres avec impatience ,hâte d'avoir la suite de l'histoire 😊

Diane Of Seas

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Il y a un an

J’ai bien ri lorsqu’elle rêve de le voir partir en voyage spirituel. Ça ne me semble pas son truc. 🤭

Serahne

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Il y a un an

Effectivement elle risque d'être un peu déçue ^^

Diane Of Seas

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Il y a un an

Sans aucun doute
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