Fyctia
De l'eau a peut-être (p3)
Déclaration un poil dramatique, je l’admettais volontiers. Une partie de moi vivait dans une telenovela sud-américaine et hésitait entre épouser un type nommé Pedro et s’enfuir avec un type nommé Amos.
— D’accord, d’accord, on se calme deux minutes, répliqua-t-il, l’agacement se mêlant à la confusion initiale sur son visage. Tu viens près de ma piscine. Tu cherches à me parler après trois ans, alors que je ne t’ai absolument rien demandé. Et quand je me montre assez sympa pour ne pas t’envoyer paître, tu décides de m’insulter. Tu es qui, exactement, pour me parler de cette façon ?
Le ton de sa voix était tellement froid que j’étais surprise que les mots qu’il me jetaient à la figure ne sortaient pas gelés de sa bouche, sous forme de mini-stalactites. Malgré tout, je refusai de me démonter.
Autour de nous, les conversations s’étaient tues et tout le monde nous regardait, divertis par la scène mais un poil déconcertés, comme des spectateurs qui auraient commencé à regarder un film par le milieu.
— Ce n’est pas le sujet, marmonnai-je, serrant les poings pour ne pas me mettre à trembler de rage. Je ne suis pas là pour moi. Je suis là pour Nora, c’est mon amie.
L’humeur de Hunter sembla encore empirer.
— Et on sait tous à quel point l’amitié, c’est important pour toi, n’est-ce pas, Ariane ? répliqua-t-il, railleur.
J’entendis un hoquet de surprise du côté de Constance, qui avait dû enfin faire deux plus deux, mais pas question de détourner le regard de mon adversaire pour m’en assurer. Hunter ne sembla même pas l’entendre.
Il poursuivit :
— Donc si je comprends bien, Nora est à ce point sans défense qu’elle n’est pas capable de venir elle-même ? Elle craint tellement de se faire dévorer qu’elle doit envoyer son amie transmettre un message au grand méchant loup ?
— Tu dis n’importe quoi, Nora ne m’a rien demandé !
Je me rendis compte trop tard que ce n’était pas la chose à dire. Le visage de Hunter, qui n’avait déjà plus rien d’amical, se fendit en un rictus cruel.
— Donc tu vas derrière le dos de tes copines pour casser leurs plans ?
— Seulement quand leurs plans impliquent des types dans ton genre.
— Fascinant. Et c’est quoi, exactement, mon genre ? demanda-t-il en faisant un pas vers moi.
Je reculai par réflexe et son sourire s’élargit. Furieuse contre moi-même, je m’avançai de deux grands pas, me retrouvant à moins d’un mètre de lui. Il attendait ma réponse, dardant sur moi un regard de défi.
— Un… un…
L’ombre d’un sourire triomphant au coin de ses lèvres me fit perdre mes mots. Je pataugeais. Une partie de moi espérait que Hunter flipperait en me voyant, parce que j’étais une des rares personnes qui savait ce qui se cachait sous son aveuglante carapace dorée. Quelque chose comme ça. Assez naïf de ma part, malheureusement : si je n’avais pas réussi à l’ébranler à l’époque, aucune chance que j’y parvinsse trois ans plus tard.
Il profita de mon hésitation pour attaquer de front.
— Tu es sûre que ce n’est pas plutôt de la jalousie ?
— Pardon ? m’étranglai-je.
— Ta copine est sympa, je suis certain que je ne suis pas le premier mec intéressé. Par contre, toi, tu es tellement chiante que même le plus déterminé des mecs renoncerait à t’écarter les jambes.
J’étais livide, mortifiée par le coup qu’il venait de me porter. J’avais surtout conscience que Hunter était en train de m’infliger une humiliation publique en bonne et due forme. Du coin de l’œil, je vis Constance, main sur la bouche, feignant de ne pas se repaître du spectacle. J’aurais préféré qu’elle applaudisse - cela aurait été sincère, au moins. J’étais tellement en colère que la bile me monta à la gorge.
— C’est une fille bien, rétorquai-je, implacable. Mille fois meilleure que moi, un million de fois meilleure que toi. Je veux juste que tu la traites comme elle le mérite, c’est tout. Je me moque bien de ce que tu penses de moi. Je n’en ai jamais eu rien à faire, espèce de connard narcissique.
Hunter me toisa en silence. Je maintins le contact visuel sans ciller, refusant par principe de montrer le moindre signe de faiblesse. Ses yeux bleus clairs étaient si froids que je me surpris à frissonner. L’assemblée autour de nous retint son souffle. Il était irréel. Il me terrifiait. Il le savait – cela se ressentait jusque dans le sourire victorieux qu’il m’adressa avant de me répondre très calmement :
— Puisque tu t’es donné la peine de venir jusqu’ici par pure bonté d’âme, je vais te promettre deux choses : la première, c’est que je serai le parfait gentleman ce soir. Je ne sais pas si ta copine Nora t’en remerciera, mais il ne se passera rien que la bonne morale chrétienne ne réprouve.
Il s’avança lentement, jusqu’à ne plus être qu’à quelques centimètres de moi. Il était tellement grand que j’étais obligée de lever la tête pour continuer à soutenir son regard, et lui de se pencher vers moi.
— La deuxième, c’est que le jour où je la baiserai, tu seras dans toutes mes pensées.
Puis il m’adressa un clin d’œil charmeur et tourna les talons, s’éloignant du reste de ses amis sans même un regard en arrière, ni vers eux ni vers moi.
Mon cœur battait à cent à l’heure, je sentais le sentais tambouriner contre ma poitrine. Ma mission était un échec, et Hunter était définitivement le pire humain que cette terre ait jamais porté.
La seule bonne nouvelle, c’était que je n’avais plus du tout mal au nez. Il ne devait pas être cassé en fin de compte.
Youpi.
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