Fyctia
2. Au royaume englouti... (p3)
Avec le recul, peut-être que ce n’était rien du tout. C’était une soirée, tout le monde se grimpait dessus sans s’embarrasser de formalités. Mais je mentirais si je disais que je l’avais vécu comme rien. Je me rappelais encore de ce moment avec la même lucidité qu’on se rappelait d’un cauchemar au réveil. Je revoyais les spots lumineux rouges et verts qui balayaient la salle et lui donnaient un air irréel. Je me souvenais de la musique exacte qui passait à ce moment-là (Hotline Bling de Drake) et de la fille qui était passée en courant devant nous en vomissant à moitié dans ses mains. Aussi cliché que cela fût, cette soirée avait cassé quelque chose en moi.
Ce soir-là, j’avais compris que le reste du monde se trompait au sujet d’Eddie Hunter. Qu’il n’était peut-être pas le prince charmant de l’histoire, peu importait à quel point le costume semblait lui être taillé sur mesure.
J’ignorais ce qui avait été le pire, cela dit, entre la soirée elle-même et ses répercussions. Car c’était l’après que je payais encore jour après jour, malgré tous mes efforts pour oublier et passer à autre chose. C’était l’après qui hantait mes nuits, les remplissait de ‘et si ?’ et me laissait entrapercevoir une réalité alternative où j’avais été assez maligne pour peser les bénéfices potentiels et les pertes probables d’une entrée en guerre contre le type le plus influent du campus.
J’avais envie de crier. Je serai le poing si fort que je sentis mes ongles rentrer dans la paume de ma main. Et pourtant, alors que Nora me détaillait joyeusement les sms que Hunter et elle s’étaient échangés, avec une attention et un sens de l’analyse qu’elle n’avait jusque-là jamais crû bon de démontrer en cours, je ne pipai pas un mot. Ils étaient là, au bord de mes lèvres, ils se bousculaient sous ma langue pour sortir, mais je redoutais les conséquences si je les laissais s’échapper. Alors je gardai la bouche obstinément fermée.
Mais je ne pouvais pas non plus me résoudre à ne rien faire, quelque chose au fond de moi brûlait de passer à l’action et Nora me donnait même une incitation morale pour le faire. C’était une fille bien, qui méritait d’être traitée comme telle, pas de se faire briser le cœur et annihiler ses illusions sur l’humanité par un affreux jojo.
Ce fut pour cette raison, et cette raison seulement, que je décidai de me rendre à la piscine une fois les cours de la matinée terminés. Il fallait que je parle à Hunter. Il fallait surtout que je lui promette la castration sans anesthésie si jamais il faisait pleurer Nora.
Cela aurait-il un impact sur son comportement ? Pour être honnête, je n’en avais aucune idée.
Mais au moins, j’aurais essayé.
3 commentaires
elsaign
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Il y a 10 mois
Serahne
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Il y a 10 mois
Diane Of Seas
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Il y a un an