Fyctia
2. Au royaume englouti... (p2)
Elle n’avait de toute évidence aucune envie de m’écouter émettre la moindre critique à l’égard de son futur rencard, beaucoup trop heureuse d’avoir ses faveurs pour cela. Ça ne me surprenait pas : sur le campus, Eddie Hunter pesait. Tout le monde le connaissait, au moins de réputation.
D’abord parce que son père, Edouard Hunter, était le dirigeant d’une des plus grandes banques d’investissement du continent. Il était excessivement blindé, ce qui avait toujours tendance à provoquer une étrange fascination chez les gens. Ensuite, parce que Hunter était plus ou moins la coqueluche de l’université : avec ses biceps parfaitement dessinés, son sourire aussi insolent qu’éclatant, et son statut de meilleur nageur de l’équipe de natation de la fac, comment pourrait-il en être autrement ? Nora avait toutes les raisons du monde de flotter deux mètres au-dessus du sol. Et moi de me réjouir pour elle.
J’aurais dû, vraiment. Je voulais me réjouir pour elle. Mais il y avait un problème : je ne supportais pas les membres de l’équipe. Notre université avait la particularité de disposer d’une des meilleures filières Sport-Études du pays pour ce qui était de la natation. Tout le monde en était très fier, il y avait même un petit présentoir dans le hall d’entrée à la gloire de tous les médaillés olympiques qui avaient arpentés nos couloirs. (Notez pour votre culture générale que ledit présentoir avait subi quelques pertes à la suite de l’affaire de dopage de 2016. Notre université formait des champions, et parfois, être un champion signifiait se faire injecter assez d’anabolisant par intraveineuse pour filer un cancer du foie à un cheval).
Trêve de badinerie, la vérité était que les nageurs de l’équipe étaient bons, très bons, et pire que tout, ils le savaient : il suffisait de les voir se pavaner dans les couloirs, suivis dans leur sillage par une odeur persistante de chlore et un troupeau d’admiratrices aux yeux énamourés pour en être persuadé.
Tout ça pour dire qu’ils méritaient, à mon avis pas si humble, d’être victimes d’une tentative d’assassinat. Pas un vrai meurtre, je n’étais pas un monstre. Juste une petite frayeur, histoire de dégonfler leur énorme tête.
Mais plus grande encore que mon aversion envers l’équipe de natation en général était celle que j’entretenais spécifiquement envers la personne d’Eddie Hunter, cela à cause d’un incident qui s’était déroulé trois ans auparavant, lors d’une fête étudiante. J’y étais allée avec l’une de mes colocataires de chambre, Paula, à l’époque où je pensais encore que la colocation était un merveilleux concept. Paula était une étudiante portugaise, venue passer deux semestres en France. J’avais été chanceuse d’être tombée avec elle, car j’étais terrifiée à l’idée d’être mal considérée par la bonne société estudiantine. Paula, elle, s’en fichait bien de l’opinion des autres : il exsudait d’elle un tel charisme et une telle assurance qu’il était impossible de ne pas succomber à son charme.
C’était pour ça que j’étais encore à ce jour persuadée que c’était elle qui avait charmé Hunter, pas l’inverse. Il était déjà très, très populaire à l’époque, mais loin d’être aussi intouchable. Je doutais sérieusement qu’il aurait eu le cran de la draguer si elle ne l’y avait pas encouragé.
Tous les deux formaient le couple de la fac, la jolie histoire qui filait des papillons dans le ventre de tous ceux qui en étaient témoins. Je n’étais en rien immunisée contre l’aura magnétique de Hunter, et le moindre de ses gestes et de ses regards me faisait l’effet d’une combustion spontanée, mais l’admiration que j’avais pour mon amie m’évitait de ressentir la moindre envie à son égard. Tout était parfait, du moins jusqu’à cette maudite soirée où j’avais brutalement été éjectée de mon fauteuil de spectatrice et propulsée sur scène dans un rôle que je n’avais jamais pensé tenir un jour. Cette soirée où Hunter avait essayé de tromper sa copine avec moi alors que celle-ci dansait à quelques mètres de là : une seconde j’étais tranquillement en train de siroter un diabolo-menthe, à penser au papier que je devais rendre le lendemain matin en histoire antique, la suivante, il me plaquait contre le mur près de l’entrée des toilettes, sa langue était dans ma bouche et une de ses mains tentait de se frayer un chemin dans ma culotte.
Tout s’était passé si vite que je n’avais même pas eu le temps de réfléchir – je connaissais Hunter, et une partie de moi l’appréciait. Une partie de moi, dont j’avais terriblement honte aujourd’hui, était attirée par lui. Mais c’était le petit copain de mon amie, alors j’ai dû faire ce qui était juste, me comporter comme la gentille de l’histoire. Je m’étais débattue, je l’avais repoussé. Il était dans un tel état d’ébriété que lui glisser entre les doigts n’avait pour finir pas été si difficile.
2 commentaires
Diane Of Seas
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Il y a un an
Lyse236
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Il y a un an