Fyctia
1. Méfiez-vous... ( partie 1 )
... de l'eau qui dort
Université de Fairmont, Bibliothèque
4 avril 2023 - 9h46
Chère Dr. Desarches,
̶J̶e̶ ̶v̶o̶u̶s̶ ̶é̶c̶r̶i̶s̶ ̶a̶u̶ ̶s̶u̶j̶e̶t̶ ̶d̶u̶ ̶p̶r̶o̶g̶r̶a̶m̶m̶e̶ ̶d̶’̶é̶t̶é̶ ̶q̶u̶e̶ ̶v̶o̶u̶s̶ ̶a̶v̶e̶z̶ ̶l̶a̶n̶c̶é̶
̶J̶e̶ ̶m̶e̶ ̶p̶e̶r̶m̶e̶t̶s̶ ̶d̶e̶ ̶v̶o̶u̶s̶ ̶é̶c̶r̶i̶r̶e̶ ̶d̶a̶n̶s̶ ̶l̶e̶ ̶c̶a̶d̶r̶e̶ ̶d̶e̶ ̶m̶o̶n̶ ̶i̶n̶s̶c̶r̶i̶p̶t̶i̶o̶n̶ ̶à̶ ̶v̶o̶s̶ ̶c̶l̶a̶s̶s̶e̶s̶ ̶d̶’̶é̶t̶é̶
Étant une grande admiratrice de votre travail depuis ‘Comprendre l’importance de la création de la minuscule carolingienne’, et ayant lu l’intégralité de vos livres, je tenais d’abord à vous assurer du respect absolu que j’ai pour votre personne.
Il y a quatre mois, j’ai soumis ma candidature à votre programme d’été et je suis jusque-là dans l’attente d’une réponse, qu’elle soit négative ou positive. ̶A̶p̶r̶è̶s̶ ̶q̶u̶e̶l̶q̶u̶e̶s̶ ̶r̶e̶t̶o̶u̶r̶s̶ ̶d̶’̶a̶u̶t̶r̶e̶s̶ ̶i̶n̶s̶c̶r̶i̶t̶s̶ ̶s̶u̶r̶ ̶l̶e̶s̶ ̶f̶o̶r̶u̶m̶s̶ ̶q̶u̶e̶ ̶j̶e̶ ̶f̶r̶é̶q̶u̶e̶n̶t̶e̶,̶ ̶i̶l̶ ̶s̶e̶m̶b̶l̶e̶ Il m’est parvenu l’écho que les premières lettres ont été reçues la semaine du 7 avril. Je reste, de mon côté, toujours dans l’incertitude, et
Frustrée par ma propre indécision, je chiffonnai mon quatrième brouillon de la matinée et le jetai dans la corbeille à papiers - panier. Ne pas avoir reçu de réponses après avoir été parmi les premières à postuler au stage de huit semaines du Dr. Desarches - et joint un dossier de trente pages motivant ma candidature - était déjà une gifle cuisante sur la joue métaphorique de mon égo. Et voilà que j’étais prête à en risquer une deuxième en lui envoyant une lettre de relance : je voulais ce stage. Le Dr. Desarches était l’une des plus grandes spécialistes européennes de la période carolingienne. Un stage avec elle me donnerait un sacré avantage sur mes camarades une fois mon diplôme en poche.
Je me laissai glisser contre le dossier de ma chaise, dépitée. Cette journée avait atrocement commencé de toute façon. Je m’étais réveillée une demi-heure après mon réveil, et avais à peine eu le temps de boire un verre de jus d’orange avant de devoir filer à l’arrêt de tramway. En arrivant juste à l’heure, j’avais découvert avec joie que M. Wilkanowski, que j’étais censée avoir en première heure, avait eu un accident de voiture et ne serait pas là de la journée.
Je m’étais donc traînée à la bibliothèque pour réviser un peu en attendant 10h, confiante que personne à cette heure ne serait installé à ma table préférée, pour découvrir en arrivant qu’elle avait été victime d’un acte barbare pendant la nuit : un petit rigolo s’était amusé à y inscrire en gros, et au feutre rouge : ‘Constance Hertford est une grosse putte’.
Pas que je fus en désaccord avec le fond du message - pour des raisons qui m’étaient propres, je n’étais pas la plus grande fan de Constance – même si je ne l’aurais sans doute pas formulé de cette manière. Mais était-il bien nécessaire d’immortaliser cette opinion, aussi juste fut-elle, sur ma table de la bibliothèque ?
Cela me paraissait excessif.
Et surtout, rien, absolument rien ne pouvait justifier cette atroce faute d’orthographe sur le dernier mot. Tout le monde savait écrire ce mot. Que quelqu’un ait pris le temps et l’énergie d’y ajouter un t supplémentaire me dépassait.
Ce message était l’œuvre d’un psychopathe, tel était mon diagnostic.
J’avais pris la peine de prévenir la responsable de la bibliothèque de ce crime. Celle-ci avait des cernes sombres qui lui coulaient sous les yeux, tel de l’eye-liner sous ceux d’une étudiante en fin de soirée, et était en train de siroter une tasse de café de la taille d’un petit tonneau. Elle avait soupiré et m’avait informé d’un ton monocorde que la table serait nettoyée durant le week-end, ‘comme d’habitude’ (sic). Son manque d’empathie et de réactivité m’avait presque plus choqué que le message lui-même. On parlait quand même d’une grave insulte à teneur sexiste à l’égard d’une étudiante de cette université… qui certes, le méritait sans doute, mais ça l’administration n’en savait rien. J’avais l’impression que cela n’aurait pas dû être autant pris à la légère.
— Je suis venue hier, l’avais-je obligeamment informé, et il n’y avait pas de graffiti quand je suis partie à… disons seize heures trente ? Vous vous rappelez qui s’est assis à cette table après seize heures trente ?
— Non, bien sûr que non, m’avait-elle répondu avant d’étouffer un bâillement derrière sa main. J’ai autre chose à faire que m’occuper de ce que fabriquent les étudiants tant qu’ils sont silencieux. Et puis, on la voit à peine d’ici, cette table. Il faudrait que je bouge ma chaise. Ce n’est pas pratique du tout.
10 commentaires
Sarah Pegurie
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Penthesilee
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Eleanor Peterson
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elsaign
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Diane Of Seas
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