Serahne Les Meilleures Intentions du Monde 1. Méfiez-vous... ( partie 2 )

1. Méfiez-vous... ( partie 2 )

Je le savais, et c’était d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle cette place était si prisée de ma personne. Son positionnement était idéal : ni trop loin, ni trop près du chauffage, à portée de vue de la fontaine à eau, et avantageusement planquée derrière le poussiéreux rayon des ouvrages philosophiques. Elle était si parfaite que je ne pouvais pas en vouloir aux autres étudiants de s’y installer.


Je pouvais, en revanche, leur en vouloir de la vandaliser.


— Il n’y a pas de caméras ? avais-je demandé à tout hasard.


La responsable avait dardé sur moi un regard incrédule.


— Écoutez, je veux bien être patiente, mais si vous n’arrêtez pas avec vos histoires, je vais devoir vous demander de sortir.


Être face à quelqu’un qui souhaitait trouver des solutions avait semblé la perturber. Elle ne devait pas avoir l’habitude. Certainement pas le matin devant son miroir, avais-je ruminé. Pas très charitable de ma part, mais j’eus au moins le bon sens de ne rien répliquer à voix haute, ne voulant pas me faire jeter dehors. La mort dans l’âme, je m’étais résolue à m’installer à une autre table, beaucoup plus loin de la fontaine à eau, et bien trop près du rayon dédié aux atlas d’anatomie. Par chance, la plupart des étudiants en médecine étaient encore en plein coma éthylique à une heure aussi matinale, et cette partie de la bibliothèque ne se changeait véritablement en le dixième cercle de l’Enfer qu’une fois dix heures sonnées.


Puisqu’il était impensable que je revissasse dans ces conditions sous-optimales, je m’étais attelée à ma lettre pour le Dr. Desarches. Et m’étais arrachée les cheveux pendant toute l’heure à essayer de pondre quelque chose qui semblait assuré sans être suffisant, différent sans être lèche-bottes, et intellectuel sans être prétentieux. Une équation plus insoluble que je ne l’avais prévue.


J’avais parfois du mal à me rappeler que l’Université de Fairmont était une bonne université.


C’était le cas – en tout objectivité, il s’agissait même d’une des meilleures du pays. On retrouvait un nombre impressionnant de ses alumni parmi les personnalités les plus influentes du pays, que ce soit dans le milieu scientifique, politique ou médiatique. Il m’était arrivé plus d’une fois de chercher sur internet le nom d’une sommité dans telle ou telle discipline pour découvrir, au détour de sa page Wikipédia, qu’elle était issue de nos rangs.


Il y avait un astronaute, un vrai qui avait été dans l’espace et tout le toutim, et avait même posté sur son Instagram quelques photos géniales prises de là-haut, qui avait fait ses études à Fairmont. Il avait l’air d’un type épatant dans les interviews qu’il avait donné à la télévision.


J’aurais été jusqu’à dire que ce n’était pas le genre à écrire pute avec deux t, lui.


Fairmont était une bonne école. Être étudiant ici ne garantissait pas la réussite (à part avoir des parents riches, rien ne le garantissait), mais c’était un excellent marchepied.


Vu tout ce qui s’était passé, je serais partie depuis longtemps si ce n’était pas le cas.



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2 commentaires

Penthesilee

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Il y a 10 mois

Très bon chapitre, hâte de lire la suite !

Diane Of Seas

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Il y a un an

Très belle fluidité d’écriture. ☺️
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