Fyctia
Chapitre 16: Oriana Delmar 1/2
Chapitre 16 : Oriana Delmar
La ville était différente, comme un souffle apaisant venu interrompre un long voyage. Le bruit de la mer, l'air salé, et la lumière douce du soleil couchant créaient une ambiance féerique. Apaisant toute animosité qui aurait pu exister entre nous.
Ce n'était plus un simple périple en quête de réponses, mais une expérience humaine, une étape où l'on se trouve, où les masques tombent. Dorian et Oriana, malgré le poids du passé, semblaient plus proches que jamais.
— C’est trop beau, dis-je.
Cela fait longtemps que je ne suis pas allée à la mer.
— Qui est mon peut-être père cette fois ?
— Carlos Delmar. Et il ne fait rien dans la vie. Enfin plus maintenant.
Je ne sais pas pourquoi je continue encore de courir après quelqu’un qui m’a abandonné. Mais vu comment les choses semblent s’arranger récemment en confrontant la réalité, je suis prête à briser mes dernières chaînes.
Dorian et moi nous sommes rapprochés lentement, mais sûrement, transformant les non-dits qui nous ont longtemps séparés en un silence rassurant. Je me dis que peut être ça pourrait être le cas avec mon paternel.
Dorian prend le relais et nous conduit à l’aquarium de la ville. Encore une fois. Je peste et il m’a entendu.
— Ton père. Enfin celui qui pourrait l’être. Il nourrit les poissons de l’aquarium bénévolement.
Nous descendons et entrons dans les lieux.
— C’est quoi le plan cette fois ?
Il sourit machiavéliquement, une idée derrière la tête. Il me tend la main attendant que je la prenne et c’est ce que je le fais.
Sa main est chaude, rassurante. Un contact presque anodin, mais chargé d’une tension silencieuse qui flotte entre nous depuis des jours. Je l’attrape sans réfléchir, et Dorian m’attire légèrement vers lui, un sourire toujours accroché aux lèvres.
Une fois à l’intérieur, Dorian pointe du doigt un homme pour m’indiquer que c’est lui.
— Évanouis-toi, me souffle-t-il à l’oreille.
Je fronce les sourcils.
— Quoi ?
— Maintenant.
Je le regarde comme s’il venait de me demander la lune.
— Dorian, c’est pas le moment de tes conneries, tu ne penses pas qu’il y a plus simple.
— Fais-moi confiance, coupe-t-il, son regard rivé sur l’homme devant nous.
Carlos Delmar est là, à quelques mètres, concentré sur son activité. S’il est vraiment mon père, alors ce cheveu que Dorian veut récupérer va tout changer.
Je serre les dents. Puis, sans plus discuter, je laisse mon corps se détendre et je tombe en arrière.
Le sol se rapproche dangereusement, mais avant que je ne m’écrase, une poigne ferme me rattrape.
— Hey ! s’exclame une voix paniquée.
Carlos s’est précipité vers moi, les mains tremblantes, me soutenant maladroitement.
— Mademoiselle ? Vous allez bien ?
Son visage inquiet est juste au-dessus du mien.
C’est à cet instant que Dorian agit. D’un geste rapide et discret, il passe sa main derrière la tête de Carlos et en tire un cheveu avant de le glisser dans sa poche.
— Je crois qu’elle a juste eu un coup de chaud, déclare-t-il d’un ton faussement soucieux.
Carlos m’aide à me redresser doucement.
— Vous êtes sûre que ça va ?
— Oui… je… je crois, murmuré-je, jouant le jeu jusqu’au bout.
— Vous devriez boire un peu d’eau et vous asseoir un peu, conseille Carlos, visiblement soulagé.
— Merci, monsieur, vraiment…
Dorian passe un bras autour de moi et me guide vers le coin des méduses. Dès qu’on y est, il éclate de rire.
— Putain, t’es douée pour ça.
Je lève les yeux au ciel.
— J’ai cru que j’allais finir par terre.
Il sort le cheveu de sa poche et le fait tourner entre ses doigts.
— T’en fais pas. Ça en valait la peine.
J’inspire profondément. On allait enfin savoir.
— Or ! Viens là !
— Pour que tu te foutes de moi encore ? Non merci.
Il me tend de nouveau la main et je la saisis sans hésitation.
— Regarde, dit-elle en pointant du doigt une méduse.
Puis comme si une connexion s’était faite entre deux neurones. Je comprends.
— Non ?
Oh mon dieu. Je me tourne pour lui faire face et lui saute au cou, sous l’effet de l’excitation.
Je l’embrasse rapidement sur la joue et me retourne pour la regarder.
L’air est chargé d’une étrange sérénités.
— Comme promis, tranche-t-il d’un ton presque soulagé.
Leur danse est hypnotique, créant une atmosphère d’une tranquillité suspendue.
L'éclairage tamisé. Le bleu profond projette des ombres qui donnent l'impression de se trouver dans un autre univers, un monde d'immensité et de silence.
Nous nous tenons côte à côte, nos mains s’effleurent parfois les parois de verre, observant la créature marine qui glisse lentement sous l’eau.
La Méduse éternelle est au centre de tout cela, dans un bassin spécifique, tout à fait isolé, entourée d’une aura lumineuse presque irréelle. C’est comme si cette créature, si vieille, si sage, n’appartient pas à ce monde. La beauté de la scène est telle qu’elle en devient presque dérangeante. Elle n’est pas une simple créature aquatique, mais une icône de l’immortalité.
Dorian la scrute intensément, le regard fixe, comme hypnotisé. La Méduse se mouvoit lentement dans l'eau, ses tentacules ondulant comme des fils d’argent suspendus dans l’espace.
Une créature immortelle, certes, mais une créature privée de toute forme de mémoire. Dorian ressent un étrange malaise, une sensation de vide en la regardant.
— Elle est magnifique, brisais-je le silence d’une voix douce.
— Tu crois que je peux être comme elle ?
— Je sais que tu as attendu cela toute ta vie. Que tu as eu ton lot de souffrances aussi. Mais moi je préfère être moi même.
Dorian hoche lentement la tête.
— Tu veux vraiment une vie sans souvenir. Une vie où quand tu recommences ton cycle de vie tu ne te souviens de rien ?
Je marque une courte pause mais c’est lui qui prend le relais.
— J’aj attendu ce moment toute ma vie… Je croyais que j’aurai une réponse…
— Tu as raison, murmure-t-il, comme s’il venait de se réveiller d’un long cauchemar. Je me suis perdu en cherchant quelque chose que je n’aurais jamais dû chercher.
Il tourne les yeux vers moi, et, pour la première fois depuis longtemps, il me regarde vraiment. Pas comme une alliée ou une complice de son voyage, mais comme une personne avec qui il peut être sincère, sans artifice.
— Ce que je cherche… c’est toi, Oriana. Je cherchais ton pardon.
Ses mots sont si simples, mais pourtant chargés d’une intensité qu’il n’a jamais partagée avec quiconque auparavant.
Je lui souris sincèrement. Pas un sourire compliqué, ni amical. C’est plus profond.
Un silence s’installa entre nous.
Une tension croissante, une proximité qui semble nous rapprocher de manière irrévocable. Nos corps se cherchent dans un rapprochement presque imperceptible.
Mon cœur cœur bat plus fort et mon souffle se ralentit.
Nos mains s’effleurent brièvement, puis nous nous échangeons des regards furtifs.
Tout cela formait une sorte de danse, une chorégraphie tacite de désir et de complicité.
Les minutes s’étirent, devenant une éternité.
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