Mouna Les méduses ne vivent pas éternellement Chapitre 13 : Dorian Crowe 2/2

Chapitre 13 : Dorian Crowe 2/2

— Elles sont magnifiques, souffle-t-elle.


Sa voix est douce, presque rêveuse. Elle s’approche un peu plus de la vitre, les pupilles dilatées par la lumière tamisée. Je me demande si elle s’identifie à elles, aussi. À leur dérive infinie, à leur façon de se laisser emporter sans résister.


Je l’observe en silence, partagé entre l’admiration et la douleur.


— Tu savais qu’il existe une espèce qui ne meurt jamais ? dis-je, la voix plus rauque que je ne l’aurais voulu.


Elle tourne légèrement la tête vers moi.


— Oui je m’en souviens. Tu me l’as déjà dit. Elle peut inverser son processus de vieillissement. Infiniment.


Elle s’en souvient.


— Elle ne meurt jamais. Seulement si elle est dévorée ou détruite par quelque chose d’autre.


Elle reste un moment silencieuse, le regard perdu dans la danse hypnotique des créatures flottantes.


— Pourquoi elles sont là ?


— Non…


— Ah…


J’entends la déception dans sa voix.


Je serre les poings dans mes poches.


Si je pouvais être comme elles et défier la mort.


Je n’ai jamais eu peur de la mort. Pendant des années, je l’ai même attendue. La laisser m’emporter aurait été la solution la plus simple. Plus de douleur, plus de regrets. Juste le vide.


Puis on m’a annoncé que j’allais mourir. Et je n’ai rien ressenti. Pas au début. Comme si la sentence n’avait aucun poids, comme si j’avais toujours su que je finirais comme ça. Un corps qui lâche, une existence qui s’éteint sans bruit.


Mais maintenant qu’elle est là, maintenant qu’elle est à portée de main…


Je veux vivre.


Et ça me rend fou.


— Dorian ?


Sa voix me ramène à la réalité. Je cligne des yeux, réalise que mes mâchoires sont serrées au point d’en être douloureuses.


— Hm ?


Elle me regarde avec une ombre d’inquiétude dans le regard.


— T’as l’air… tendu.


Tendu.


J’aimerais pouvoir rire, mais je ne fais que détourner les yeux vers l’eau en mouvement.


— Je réfléchis.


— À quoi ?


À l’injustice.


À l’ironie dégueulasse de cette situation.


À moi, qui ai passé toute ma vie à la haïr, cette putain de vie, et qui maintenant, comme un lâche, voudrais tout faire pour la garder.


Mais je ne peux pas lui dire ça.


— Pardon Oriana. Du fond de mon âme. Pardon de t’avoir abandonné et encore plus sans avoir donné de raisons.


— Non. Non. Arrête.


— Si Oriana. Je veux que tu m’oublies et que tu vives en étant heureuse…


— Ferme la je te dis. C’est trop facile !


Un silence s’installe.


— Après quoi ? Toi tu n’auras plus à culpabiliser et je soulagerai ta conscience ? C'est ça ton plan ?


Un rictus orne mon visage. Si seulement elle savait.


— Tu es loin du compte.


Je prends un ton sérieux, presque grave.


— Je suis déjà mort moi. C’est toi que je dois libérer.


— Ouais ben je crois que c’est mort. Regarde moi hein. Je ressemble à la définition du bonheur pour toi ?


— C’est justement ça le problème. Tu le mérites. Tu dois te reprendre. Tu crois que je vaux la peine pour détruire ta vie à cause de moi ?


Silence.


— L’indifférence est la meilleure des vengeances.


Elle se rapproche, folle de rage.


— D’accord alors qu’est ce que j’ai fait pour que tu veuilles te venger en m’ignorant ce jour-là ?


— C’est pas toi, c’est… Je ne pouvais plus être heureux après ce qui s’est passé. Je devais partir. Je n’avais aucun plan. Mais tu méritais mieux que moi.


Elle fronce les sourcils, ne voyant pas de quoi je parle.


— De quoi tu parles ?


Je ne veux pas replonger là dedans mais si ça nous permettra d’avancer alors je le ferai…

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