Mouna Les méduses ne vivent pas éternellement Chapitre 11 : Dorian Crowe 1/2

Chapitre 11 : Dorian Crowe 1/2

Chapitre 11 : Dorian Crowe


— Pendant toutes ces années… J’étais persuadé que c’était moi le problème. Mais je veux savoir pourquoi Dorian. Pourquoi tu m’as abandonné ?

Je secoue frénétiquement la tête, refusant catégoriquement de replonger là-dedans.

Non.

Sans l’avoir remarqué, j’étais entre de reculer, un pas après l’autre, jusqu’à me heurter à la moto derrière moi.

Des images de ma lâcheté ressurgissent. Des flashs du moi adolescent fuyant tout. Abandonnant la seule chose qui me rendait heureux. Je la vois encore, brisée, dévastée, sa silhouette rétrécissant dans mon rétroviseur jusqu’à complètement disparaître.

— Tu ne peux plus fuir Dorian.

Forcé de confronter la réalité. Un deuil que je n’avais pas fait. Un deuil que jamais je ne serai capable d’achever.

— Tu ne comprends pas Or !

— Essaie quand même. Ne le fais pas pour moi. Fais le pour toi au moins, égoïste comme tu es ça devrait être faisable.

— Ma…

Je me retrouve soudain projeté contre le sol. Les mains plaquées sur mon dos. Le cliquetis métallique des menottes glacées qui entourent maintenant mes poignées.

Oriana reste à l’écart. Elle les avait vu arriver mais elle n’a rien dit.

— Vous êtes en état d’arrestation pour enlèvement et séquestration. Vous avez le droit de garder le silence. Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous. Vous avez le droit à un avocat.

Pendant qu’un officier m'énonce mes droits, un autre est en train de rassurer Oriana comme si je lui avais fait du mal. Je suis un monstre mais pas celui qu’ils croient.



***



La salle d’interrogatoire sentait le renfermé. Une lumière blafarde clignotait légèrement, projetant des ombres tremblantes sur la table métallique. Menotté à la table, je fixe mon reflet sur la surface froide, le visage impassible. Je tente de contrôler les tremblement de ma jambe, en vain.

La porte s’ouvre brusquement. Deux hommes débarquent confiants. L’un, trapu, le visage marqué par des années de flicaille amère, traîne une arrogance à peine voilée. L’autre, plus jeune mais avec une autorité naturelle, me regarde comme s’il cherchait déjà les vérités enfouies au fond de mon regard.

Croyez moi Monsieur le flic, vous ne trouverez rien. Bien d’autres ont essayé avant vous.

— Dorian Crowe, annonce le premier, en s’asseyant lourdement. Accusé d’enlèvement et de séquestration. Sérieusement ? C’est quoi ton délire ? Les femmes te fuient tellement que t’es obligé de les kidnapper ?

Je me contente de le regarder, un sourire moqueur au coin des lèvres. J’ai fricoté avec des types comme lui toute ma vie : petits hommes dans des uniformes trop grands, cherchant à compenser leur propre insignifiance par une autorité artificielle. De l’abus de pouvoir en d’autres termes.

— Vous êtes qui déjà ? demandai-je d’un ton traînant. Ah oui… l’idiot de service.

Le flic grince des dents. L’autre, Chris je crois, prend la parole d’un calme olympien.

— On n’est pas là pour jouer, Crowe. On veut savoir ce qui s’est passé. Cette femme, Oriana Delmar… pourquoi l’avoir enfermée ?

— Enfermée ? Dis-je en haussant un sourcil. Vous avez bien vérifié vos sources ou vous vous basez sur la version de votre collègue frustré ?

Le dénommé Pete éclate de rire.

— T’es gonflé pour un type en menottes. Mais on sait comment ça marche. Les mecs comme toi, un peu paumés, un peu ratés, s’accrochent à une femme et pensent que si elle s’éloigne, ils peuvent la garder de force. Ça t’excite de l’avoir sous ton contrôle, hein ?

Ma mâchoire se serre. La manière dont ils perçoivent Oriana. Comme si elle n’était qu’un pion dans cette histoire. Un jeu. Un objet sans personnalité. Je m’efforce à me détendre et j’esquisse un sourire et me penche légèrement en avant.

— Vous avez une femme, Pete ?

Le flic fronce les sourcils, incompréhensif.

— Qu’est-ce que ça peut te foutre ?

— J’essaie juste de comprendre. Ça vous arrive souvent d’être un déchet condescendant avec les femmes ou c’est seulement en service ?

Chris étouffe un rire tandis que Pete tape du poing sur la table.

— Tu veux jouer au plus malin ? Très bien. On va voir combien de temps tu tiens avant d’implorer qu’on te lâche.

Il sort une photo et la jette sur la table. Oriana, le regard perdu, encore sous le choc de leur dernière rencontre. Une tension glaciale envahit la pièce.

Je sens quelque chose se briser en moi, imperceptiblement. Mais je ne laisserai rien paraître.

— Elle est mieux sans toi, continua Pete. Une jolie femme qui a eu le malheur de croiser un type comme toi. À quoi tu pensais ? Que tu pouvais la récupérer comme un vulgaire objet que t’as paumé ?

Chris, jusqu’ici silencieux, intervient enfin.

— Assez, Pete. Crowe, on sait que vous avez un passif avec elle. Mais ce qui nous intéresse, c’est pourquoi maintenant. Pourquoi réapparaître après tout ce temps ?

Je relève furtivement la tête, fixant Chris, jaugeant son sérieux. Celui-là n’est pas là pour jouer les connards aux biceps. Il cherche trop à comprendre.

— Parce que je devais le faire, finis-je par lâcher après un long silence.

Chris hoche la tête. Tandis que Pete ricane.

— Ça, c’est la meilleure. Il devait le faire. T’entends ça, Chris ? Monsieur a une mission sacrée.

J’ignore Pete et fixe Chris.

— Vous pensez vraiment que c’est moi le problème ici ?

Il ne répond pas immédiatement. Il m’observe silencieusement, évaluant la moindre de mes réactions. Pete, lui, est sûrement déjà en train de préparer une autre provocation.

— Moi, je pense qu’un mec comme toi, n’a jamais su respecter une femme. Et maintenant, tu veux nous faire croire que t’es pas dangereux ?

Je ris doucement. L'hôpital qui se fout de la charité.

— Vous êtes nerveux, Pete ? Manque de confiance ? Frustration ?

Le flic se relève d’un bond de sa chaise, prêt à me jeter son poing en pleine gueule. Chris pose une main ferme sur son épaule pour le stopper.

— Ça suffit. Sortez.

Pete hésite, puis quitte la pièce, furieux. Le flic restant soupire et croise les bras.

— Tu pourrais nous faciliter la tâche, Crowe.

— Je pourrais. Mais vous n’êtes pas prêts à entendre la vérité.

Il me fixe un instant, puis se lève, l’air pensif. Il se dirige vers la porte, l’ouvre et avant de sortir, lance d’une voix grave :

— Vous devriez vous demander si Oriana est vraiment la victime dans cette histoire… ou si vous l’êtes tous les deux.

Puis il sort, me laissant seul avec mes pensées et les chaînes invisibles qui me retiennent depuis bien plus longtemps que leurs menottes.


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