Mouna Les méduses ne vivent pas éternellement Chapitre 7 : Dorian Crowe

Chapitre 7 : Dorian Crowe

Chapitre 7 : Dorian Crowe


La fatigue commence à envahir l’ensemble de mon corps. C’est sous un paysage de campagne que nous avons assisté au coucher de soleil une heure auparavant. Je pourrai m’habituer à ça. Une étoile qui descend du ciel en une large palette de couleurs. Le bruit du moteur qui ronronne à mesure que j'accélère. Ou encore sa main qui se resserre sur ma taille, s’accrochant désespérément. Peut être est-ce un avant goût du bonheur. Mais comme je n’en ai pas le droit, une migraine me saisit. Je constate que la douleur croissait exponentiellement de migraine en migraine. Certainement qu’à un moment la pression sera si forte que ma tête explosera comme une pastèque.

Je prends sur moi, le temps d’arriver au motel. Si je veux partir sans laisser de victimes de mon existence derrière moi, je devrais trouver un moyen d’être plus discret.

- C’est quoi le plan ? dit-elle en descendant et en s’étirant, probablement courbaturée par l'inconfort du long trajet.

- On va aller manger puis dormir et demain on commence, réponds-je le plus calmement possible. La certitude que je tomberai à la minute ou je me lèverai de cette moto.

Elle pose la main sur sa taille et affirme que “ce n’est pas un plan ça”.

Sans aucune hésitation, je l’ignore allégrement et me lève d’un bond. Arracher le pansement d’un coup autrement je n’aurai jamais trouvé le courage de le faire. Ça me vaut un “Tu es dingue” mais c’est un peu le cas donc je ne le prends pas personnellement.

Nous trouvons avec surprise un bistrot à la parisienne, l’atmosphère y a l’air détendue et agréablement douce. C’est un petit village, tout le monde doit se connaître, c’est ce qui fait la chaleur du lieu. Nous entrons un peu hésitants, comme si nous. Étrangers. Méconnus de tous. Allions gâcher l’ambiance. C’était certes le cas quelques secondes quand ils nous ont vu débarquer mais leur générosité et leur convivialité sans bornes nous a accueilli, les bras grands ouverts.

- Soyez le bienvenue mes petits, nous dit un vieil homme qui sort de l'arrière du bar. Excusez nous, mais c’est rare de voir des touristes par ici. Encore moins de jeunes couples. Qui passerait sa lune de miel parmi des vaches et des vieux grincheux, rit-il tandis que le visage d’Oriana se décomposait lentement. Je la vois agoniser, profondément touchée par ce malentendu.

Je serre chaleureusement sa main.

- Vous ? Grincheux ? Loin de la monsieur. Réponds-je poliment.

Soudain, ses yeux se posent sur les menottes.

Oh le con. Comment j’ai pu les oublier ?

Je toussote, l’air un peu mal à l’aise. Puis je fais mine de lui chuchoter un secret en cachant ma bouche de ma main.

- Madame aime les sensations fortes.

Elle écrase mon pied de tout son poids ce qui me fait vaciller.

Le vieux monsieur.

Cristobal.

Nous a offert des plats qu’il préparait lui-même, sur lesquels elle se jette sans m’attendre. A vrai dire, je n’arrive à avaler que quelques bouchées, la nausée fait remonter tout ce que j’avale.

- Tu ne manges pas ? Fait-elle remarquer.

Je croise les bras sans répondre la laissant trouver la justification qui lui convenait.

- Excuses nous le bourge, de décevoir tes goûts majestueux. Cabeza de rodilla.

Évidemment le vieux coup du : je t’insulte en espagnol pour que tu ne comprennes pas. Je me rappelle de ce que cette langue qui roule si facilement les r peut faire. Son pied m’écrase soudain comme si elle lisait dans mes pensées.



***



Je la laisse s’endormir avant de prendre silencieusement mon traitement. Les cinq boîtes de médicaments ne me guériront pas. Ça me permettra de moins souffrir. De partir avec le moins de douleur possible. Pourtant c’est tout de même le cas. Ma vie a été un ramassis d’horreurs. Je me demande pourquoi je suis sur cette terre. Je suis le méchant dans les films. Le loup dans les contes. On se demande pourquoi on est là. On a tous des crises existentielles.

Je me lève sans un bruit, veillant à ne pas troubler le sommeil d’Oriana. Elle est là, couchée sur le lit, ses cheveux en désordre, son corps enveloppé dans un drap. Peut-être la dernière fois que je la verrai ainsi, paisible, car mon mensonge pèse sur nous et quand elle le saura elle me détestera encore plus. Je regarde sa silhouette dans l’obscurité, me demandant si, au fond d’elle, elle a déjà pensé à me pardonner rien qu’une fois. Est-ce que, au fond d’elle, elle sait que tout ça ne peut pas durer ? Détester quelqu’un nuit à l’âme. Ça détruit. Ça ronge.

Mon téléphone vibre dans ma poche. L’appel est là. Je décroche sans hésiter car je l’attendais.

- Je suis là.

Une voix rauque, froide me rappelant la mienne.

Je me penche sur Oriana, fixant ses traits. Je lève doucement la couverture et me penche pour défaire les menottes, cette fois en prenant soin de ne pas faire de bruit. Elles glissent facilement, les cliquetis métalliques résonnant doucement dans l’air chargé de silence.

Je lui lance un dernier regard, puis je me dirige vers la porte. Je glisse hors de la chambre, et sans me retourner, je m’éloigne de l’hôtel. La moto vrombit sous mes jambes, et le vent dans mes cheveux me rappelle que je fuis quelque chose de plus grand que moi. Peut-être même de tout.

L’endroit est loin, et je prends un raccourci à travers des ruelles sombres mais si magnifiques. Mon contact m’attend dans une voiture noire, garée à l’écart des regards. Il me regarde à peine en me tendant une petite enveloppe en plastique. Il sait ce que j’ai à lui donner. Je sors les échantillons de cheveux de Cristobal et d’Oriana, soigneusement prélevés quelques heures plus tôt.

Il attrape les cheveux avec une précision de chirurgien, comme si sa vie en dépendait. C’est presque comique, à quel point il semble obsédé par cette simple tâche.

- Le résultat sera prêt demain. Je te l’envoie par SMS.

Je me tourne et quitte la voiture, me sentant déjà plus lourd qu’avant.

Je retourne au motel, mes pas sont hésitants alors que je pousse la porte. L’odeur familière de la chambre me frappe, mais quelque chose cloche. Le lit est toujours défait, les affaires sont toujours là, comme si elle n’était jamais partie. Mais elle n’est plus là. Elle n’est plus dans la pièce.

Je traverse la pièce, chancelant, vérifiant chaque recoin, chaque tiroir. Rien ne manque. Rien n’a disparu à part elle.

Un nœud de doute qui me serre la gorge, évidemment qu’elle a pris la fuite, elle a toutes les raisons de le faire.

Je me tiens là, dansant d’un pied sur l’autre, le carrelage se dérober sous mes yeux

Elle a vu en moi le monstre que je suis convaincue d’être et ça fait bizarrement encore mal.

Un frisson me parcourt la nuque. J’essuie mon franc, des sueurs froides m'envahissent.

La lumière du réverbère dans la rue éclaire la pièce d’une lueur blafarde. C'est la dernière chose que je remarque avant de m'effondrer de tout mon poids.

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3 commentaires

Aline Puricelli

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Il y a 3 mois

Petit échange et mise à jour :)

Salma Rose

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Il y a 3 mois

Petit échange de likes 🌹🌹

DIANA BOHRHAUER

-

Il y a 3 mois

A jour chez toi 💕☺️ N'hésite pas à jeter un œil sur le mien.
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