Mouna Les méduses ne vivent pas éternellement Chapitre 1 : Dorian Crowe

Chapitre 1 : Dorian Crowe

Chapitre 1 : Dorian Crowe


- Je ne fais pas dans ça, tu le sais très bien, lui rappelais-je.


Il me regarde avec des yeux de chat, suppliant d'accepter mais il sait très bien que je ne ferai jamais ce genre de mission suicide.

C'est même mentionné dans son contrat, noir sur blanc. Contrat qu'il a bien sûr signé sinon il ne serait pas là à travailler pour moi.


- Il va falloir réviser ta morale parce que là tu nous fais perdre de l'argent. Elle est prête à payer des milliers de dollars juste pour passer en priorité pour adopter un gosse.


Je lui donne une tape derrière la tête et il se ressaisit sans perdre de temps


- Pardon boss. Mais je ne comprends pas pourqu...


- Écoute-moi bien.


Je bondis brusquement de ma chaise et me penche à son niveau d'un air menaçant.


- C'est la dernière fois que je le répète : on protège les gens, on traque des criminels et ce selon MA morale.


Il relève la tête prêt à riposter.


- Non, on est des chasseurs de prime ! Annonce-t-il.


Un rire amer m'échappe. Je secoue la tête exaspéré tout en me dirigeant vers la fenêtre.


- Si tu veux passer pour un gros dur, tu n'as qu'à utiliser ce terme si ça te chante.


Mon briquet fait des siennes. Je lui fais signe de me passer le sien et allume ma cigarette.


- Pourquoi tu t'accroches autant à cette éthique ? Tout le monde s'en fout.


Ce mec va me rendre dingue. Il ne pige rien.

Je prends une grosse taffe en ignorant la lourdeur de mes poumons qui peinent à se soulever.


- Je suis peut-être un connard mais un connard qui a des principes. À partir du moment où tu es prêt à empiéter dessus tu n'es plus rien.


Je me mets à jouer avec le briquet, distraitement. Le cliquetis métallique résonne dans la pièce froide et sombre. Mais moi je l'aime bien ce petit loft.


Malgré l'odeur de nicotine qui imprègne les murs, cet endroit a quelque chose de chaleureux. Enfin pour une personne comme moi. Un canapé, un lit et mon aquarium à méduses, c'est tout ce qu'il me faut.


- Boss, tu peux t'occuper de cette mission ?


Il tend sa tablette. J'inspecte les informations. Il s'agit d'une jeune femme harcelée d'un stalker. Les tarés courent les rues, mais ce genre d'affaires se règlent vite. Surtout quand ce sont des jeunes impliqués.


- Envoie l'adresse, dis-je en enfilant mon casque.

Je dévale les escaliers et saute sur ma moto.


Mes doigts se crispent autour des poignées de l'engin, alors que je file à pleine vitesse sur le périphérique. Le vent fouette mon visage, l'air est bien présent comme toujours. Pourtant, je ne parviens pas à le faire entrer dans mes poumons.


Puis ça arrive. Une douleur sourde. Ce n'est pas une crise d'angoisse. Je sais ce que c'est.


Ma vision se brouille peu à peu. Ma respiration s'arrête net, mes poumons refusent de se gonfler.


J'ai souvent pensé à la mort surtout pendant mes périodes de dépression. Mais je n'avais pas pensé finir étouffé. Trahi par mon propre corps. Encore une fois le goût amer de la déception au fond de la gorge.


***


-Je n'ai pas de bonnes nouvelles Monsieur Crowe... annonce le médecin.


J'ai toujours senti que je finirai par mourir jeune. Parce que vivre le cœur serré toute sa vie, c'est une tâche vouée à l'échec.


-Vous voyez ça ?


Il me montre à l'écran l'état de mes poumons et de mon cœur mais je ne vois rien.


-Vos capacités vitales étaient déjà atteintes à cause de votre maladie cardiaque mais là votre mode de vie les a détruites.


Il se lance dans une explication médicale dont je ne retiendrai rien.


-Allez droit au but docteur je ne comprends pas votre jargon.


Il soupire.


-Vous allez mourir Dorian. Je suis désolé.


Un rire m'échappe. La vie a trouvé une façon de gagner. C'est moi qui me suis battue pas elle. C'est moi qui devrait gagner. C'est son dernier coup contre moi.


-Combien de temps ?


Il hésite.


— Combien de temps ? je répète.


Il finit par lâcher :


— Quelques mois. Peut-être moins. Ménagez vous.


Je repars de plus belle. Le médecin me dévisage incrédule.


Je le suis docteur.

Je le suis.


Quelques mois...


En sortant de la salle de consultation, je traverse le couloir passant par le bloc maternité. L'ironie me frappe : tout commence ici. La vie, la joie, l'espoir. Tout ce que je n'ai jamais eu.


Et puis je la vois.


Elle est là, assise dans la salle d'attente, en larmes. Ses épaules tremblent tandis qu'elle regarde le médecin qui se tient devant elle. Il secoue la tête, l'air désolé.


— Je veux un enfant... Je veux être mère, sanglote-t-elle.


Sa voix est brisée, déchirante. Le médecin s'excuse de nouveau et disparaît dans son bureau.


Moi, je reste là, immobile, figé.


Je rabats la capuche de mon hoodie noir sur ma tête et je la suis discrètement. Juste pour l'observer. Voir ce qu'elle est devenue après toutes ces années.


Je pensais ne plus jamais la revoir.


Elle sort dans la rue, le visage tourné vers le ciel gris. La pluie commence à tomber, fine et froide. Elle ne bouge pas, ne tente même pas de se protéger. Ses larmes se mêlent aux gouttes qui coulent sur ses joues.


Elle s'arrête au bord du trottoir, les jambes flageolantes. Puis, elle s'assoit sur un muret, juste devant un massif d'arbustes. Ses cheveux noirs de jais, trempés, collent à son visage.


Je la fixe, les poings serrés dans les poches de mon sweat.


Elle fait partie des choses que j'ai foutues en l'air. L'un des chefs-d'œuvre que j'ai détruits dans ma vie.


Je sens les larmes monter, mais je les retiens.


Je reste là quelques instants, puis je fais demi-tour, m'éloignant sans bruit.


La vie nous a eus, Oriana.


De retour chez moi, je jette mon casque sur le canapé et m'effondre dans mon fauteuil, face à l'aquarium à méduses. Leurs mouvements lents et hypnotiques m'apaisent un peu, mais pas assez pour faire taire le tumulte dans ma tête.


Quelques mois...


La cigarette entre mes doigts tremble. J'allume le briquet, tire une longue bouffée et ferme les yeux. À quoi bon arrêter la cigarette maintenant.


De toute façon je vais crever.




Tu as aimé ce chapitre ?

22

22 commentaires

Lunedelivre

-

Il y a 3 mois

Bonsoir. Tu as fais un topic pour demander des avis sur ton roman. Je constate d'après les hashtags et la lecture du premier chapitre qu'il s'agit d'une dark romance. Pour ma part, les codes de la relation saine, ouverte d'esprit et GREEN FLAG (objet du concours auquel tu t'inscris, quand même) ne peuvent pas être remplis. Il y a pas mal d'émotions dans ce chapitre et je pense que c'est ton point fort, vraiment. Tu as une qualité de plume je n'en doute pas. Mais au vue du peu d'espoir dans la relation saine à venir, j'arrête ici ma lecture. Je reviendrai avec plaisir si tu proposes une new romance dans un prochain concours !

DIANA BOHRHAUER

-

Il y a 3 mois

Bien, ce chapitre. ☺️

Mapetiteplume

-

Il y a 4 mois

On sent bien les émotions de ton personnage. Le désarroi, le fatalisme, le regret. Faire entrer le second personnage ainsi est des plus intrigant. On désire connaître leur lien. Bien vu👍

Monimoni-ka

-

Il y a 4 mois

Pas mal de découvertes dans ce chapitre. L'entrée en scène d'Oriana est particulièrement émouvante et on devine un amour fort entre les deux protagonistes. Dorian est attachant et cynique comme j'aime. Jolie plume ~

Maydara

-

Il y a 4 mois

Woaw fort ce premier chapitre ! J’aime beaucoup ta plume, elle est très agréable à lire. J’ai hâte de continuer ma lecture !

Renée Vignal

-

Il y a 4 mois

C'est un début bien accrocheur. Le style est agréable à lire.

Alexandra ROCH

-

Il y a 4 mois

C'est très bien écrit, on entre vite dans l'histoire et dans la tête de Dorian. Le scénario est original et donne envie d'en savoir plus.

K.C Sankr

-

Il y a 4 mois

C'est très rythmé et très saccadé, mais ça va avec le personnage, ça lui va bien. A voir si c'est pareil avec Oriana. Y a eu beaucoup d'informations aussi d'un coup, peut être que tu pourrais développer un peu plus le côté boulot et terminer le chapitre quand il se sent mal, puis un autre chapitre sur l'annonce de sa maladie et Oriana. Il a des punchlines sur la vie très vraies.

Angel Guyot

-

Il y a 4 mois

Ce chapitre soulève beaucoup d'interrogations. C'est intriguant, mais je trouve que tu amènes vraiment beaucoup d'éléments d'un coup, ça vaudrait peut-être le coup de les espacer un peu pour ne pas perdre le lecteur dans la quantité de questions

Zatiak

-

Il y a 4 mois

Le contraste entre sa morale inflexible et sa désinvolture face à sa propre santé est sympa. On sent un personnage qui se bat contre lui-même x) et impatient d'en savoir plus sur son passé avec Oriana ! 💫
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.