Fyctia
L'abandon du souffle.
Zélim reste là, clefs, boîtier, sac et étourdissement de cette tornade nommée Johanna dont la chevelure rousse vola derrière elle, des pas légers sur les marches de pierres puis un flou sur la descente des marches et un sac qui tombe avec un mot "mince !" puis la porte qui claque. Il est seul. Il fait un tour sur lui même et se demande s'il est bien là, dans ce lieu immense où l'on vient de lui annoncer : "C'est ton domaine". Il marque un temps de pause sur l'armoire dont les portes à galandage d'une couleur gris pale et regardant son sac il eut un sentiment, un peu ridicule, de s'être perdu dans un lieu ou l'armoire lui aurait presque suffit pour tout logis. Même en posant un linge par étagère, il ne la remplirait pas et ses quelques livres, cahiers, trousses de stylos et feutres se perdraient dans cet espace. Ses yeux regardaient la salle d'eau, puis s'arrêtaient sur la kitchenette dans ce fameux : "au cas où !", mais quel "où", où il s'y rendrait pour une faim nocturne, un petit déjeuner trop tôt, ce "où" était dans quel où ? Ils avaient quasiment les mêmes horaires donc se retrouveraient toujours ensemble au repas, mais il se dit, qu'il était assez solitaire, c'était peut-être un moyen de se retrouver avec lui même si le job et la vie à Marseille était différente de ce qu'il s'imaginait à cet instant. L'esprit embrouillé par les infos pèle mêle dans sa tête, il se détendait plutôt trop stupéfié qu'enjoué par le lieu où son été défilerait. Les clefs et le boîtier se posèrent machinalement sur le bureau en bois simple, à peine plus grand qu'un bureau de son école primaire, juste un cadre de bois scellé au dessous du plan du bureau comme seule forme de tiroir et un fauteuil gris chiné avec accoudoirs et repose tête faisant face à la fenêtre. De cette fenêtre, le rêve, un jardin tapis de rosiers roses, rouges, violettes, blanches et une cascade d'eau ruisselante sur des gros pans moussus, traverse tout le jardin, avec deux petites passerelles qui permettaient d'enjamber les espaces, on en imaginait les senteurs mélangées. Dans le fond, comme un bruit derrière les vitres fermées, la vue, les senteurs de son imaginaire, il entendait le chant des cigales et le charme de l'endroit le frappait en plein cœur. Rien ne pouvait être dit, ressenti plus fort... Un émoi aussi fulgurant que la foudre dans le ciel orageux, sauf que là, cette vision était sous le soleil de plomb à la douceur marine qu'il arrivait presque à sentir, car au loin dans son regard le bleu unique de la Méditerranée. Il était heureux. Son sac lâché près du lit, il s'y laissait tomber comme sur un nuage d'où la rondeur du matelas ne donnait plus de sens au regard, il embrassait l'espace de la pièce et du ciel par le vasistas, en un seul regard, la tête renversée sur les coussins aux housses et couvre lit en alpaga anthracite, légèrement parsemé de point crème comme toute laine qui ne peut être régulière mais cette irrégularité rendait doux, moelleux, accueillant ce lit qui finalement faisait multifonctions, entre canapé, détente, rêves, sommeil divin. Voilà une heure déjà que Johanna était partie et Zélim émergeait à peine de ce bonheur, le souffle à l'abandon dans ce paradis du jour, presque trop grand. Un appartement plus que parfait, un job qui l'attendait, une partenaire de danse enjouée, sa colocataire. Rien ne pouvait être plus beau pour lui. Il finit par se relever encore sous le choc agréable de son entrée dans les lieux, alors pour éviter de trop se sentir dépasser, il commença par défaire son sac et évaluer un emplacement logique au vu de la grandeur de l'armoire, puis son nécessaire de toilette alla prendre place dans la salle d'eau, d'ailleurs, il sourit car sa brosse à dent, son peigne étaient gris, son dentifrice rose et tout dans cet espace douche s'accordait avec ses affaires. Les serviettes et le gant étaient gris clair à liseré rose pour lui, il n'y avait pas de hasard, c'était ici qu'une forme d'impossible pouvait se produire car ce qu'il vivait à cette minute était comme une évidence d'un déjà vécu. Une fois toutes ses affaires rangées, il refit un tour du regard puis se dirigeant vers le bureau, pris les clefs, se détourne avec un dernier jet d'yeux sur la vue magique de l'extérieur de la fenêtre, les rosiers mêlés, avec un petit brin de jardin japonais, ces petits ponts de bois, il se dirige vers sa porte qu'il ferme en douceur et en quelques marches se trouve dans la grande pièce d'entrée de l'appartement. Il la détaille avec un peu plus de précision car Johanna avec toute son énergie avait un peu déstabilisé son côté naturellement contemplatif. La pièce lui semble immense, deux portes fenêtres, un balcon qui semblait faire le tour jusqu'à la cuisine, un piano demi queue sur l'angle entre cette pièce et la cuisine, face à l'entrée de la cuisine une longue table en bois et son plateau en pans de différents couleurs de bois lui donnait un relief incroyable, des chaises avec un très haut dossier en velours rouge écrasé comme un vieux rouge, quatre de chaque côté de la table, il n'en revenait pas. Un canapé en forme de "U" gris vert avec des coussins du même rouge que les fauteuils de la table et des verts bronze, c'était d'une telle harmonie qu'il ne s'imaginait pouvoir s'y asseoir… Dans l'angle à l'opposé du piano il y avait un jeu d'échec où les pièces brillaient comme du cristal et l'échiquier était le plateau merisier de la table ronde dont deux petits tiroirs aux boutons dorés ornaient l'ouverture, deux fauteuils à l'assise un peu haute, aux dossiers courts, de couleurs vert bronze brodés de fil d'or, s'emboîtaient sous la table. Son regard suivit ses pas vers la porte d'entrée, un bref regard vers la porte fermée du bureau et la patère qui à cette minute lui semble très large, avec ses quatre porte manteaux, une grande glace ciselée aux angles biseautés et un petit meuble comme socle avec deux portes rabattantes qui s'ouvraient d'un "clic" de doigt. Il sortit encore troublé, de cette chance impossible de vivre deux mois dans un tel lieu. Il mit la grosse clef dans la serrure ferma à double tours. Il posa sa main sur la rampe, descendit les marches vers l'entrée principale et en ouvrant la grande porte de bois fit sa première rencontre, face à lui une jeune femme longiligne aux très longs cheveux noirs, une bouche ourlées et au dessus d'un nez droit et fin deux grands yeux ambres illuminés par le soleil qui entrait par l'ouverture de cette porte si grande en bois sculpté. Zélim lui dit : "Bonjour", elle lui répondit doucement et la discussion s'établit si naturellement. Elle était du Pérou d'une petite ville entourée de volcans du nom d'Arequipa, elle se nommait Jhady, plus réservée, c'est sûr, que Johanna, mais tout aussi sociable et lumineuse de vie, c'était la jeune musicienne qui jouait du Charango une petite guitare à cordes pincées. Ils se quittèrent sur un sourire et Zélim partit en forme d'éclaireur pour mieux maîtriser son environnement, son job commençait le lendemain.
5 commentaires
Beth Holland
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Il y a 6 ans
Sand Canavaggia
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Il y a 6 ans
Ozalee Blake
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Il y a 6 ans
Jaimelire777
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Il y a 6 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 6 ans