Felicia 🖤 Les feuilles s'envolent en automne 10.2

10.2

— Ne me dit pas que tu as gardé cette horreur ?


Le rire de Mildred éclate dans ce qui était autrefois une pièce destinée à sa passion ; le tricot, et qui désormais sera ma chambre pour les prochaines semaines à venir. Avec l’aide de son voisin, elle a rangé son vieux fauteuil à bascule dans la cave et elle bougé de place ses magazines, ses aiguilles et ses pelotes avant de remplacer le tout par un grand lit en fer forgé, une commode à la peinture vieillie et quelques petits objets de décorations. Les murs sont toujours recouverts d’un papier peint floral et quelques autres photos qu’elle n’a pas la place d’accrocher en bas. Je me sens à ma place dans cette pièce, le parquet qui grince sous mes pieds me rappelle une vieille époque où je m’amusais à trottiner dessus.


Ma grand-mère agite sous mon nez l’objet de mon effarement ; un petit gant rouge en laine, ma première création en tricot. Laissez-moi vous dire que je n’ai plus jamais approché de la laine et des aiguilles après ça.


— Bien sûr que si, il merveilleux ce gant !

— Mais il n’a que trois doigts.


Notre hilarité redouble tandis que j’essaye de glisser ma main à l’intérieur mais il est désormais bien trop étroit.


— Franchement, il est immonde.

— Ne dit pas de sottises.

— Et ce dessin alors ! Je m’écrie avec de grands yeux arrondis.

— Ah non ! Pas touche à celui-là, je l’adore.


Je grimace ne comprenant pas bien où elle veut en venir. C’est juste une pauvre représentation au crayon de ma famille devant le cottage. Ma mère a les cheveux en pétards et l’air renfrogné, elle a cette fâcheuse habitude de froncer exagérément les sourcils ce qui lui donne un air plus strict qu’il n’y parait. Ma grand-mère est dessinée sur la droite avec le dos courbé et le nez crochu. Mon dieu est-ce que j’ai fait vraiment fait ça ? Et moi je me tiens au milieu, malgré mon un mètres vingt, je prends beaucoup de place. Mon éternel nœud rouge est attaché dans mes cheveux et je porte des bottes de pluie assorties à ce dernier. Je passe tristement mes doigts dessus.


— J’adorais ces chaussures.

— Je crois que la boutique dans le centre est toujours ouverte, nous pourrions aller y faire un tour demain.


Mon regard croise celui animé de ma grand-mère et je souris en hochant la tête. Ça me fait tellement du bien de l’avoir à nouveau près de moi.


Je parcours le restant du contenu de ce gros carton qui abrite tous mes souvenir d’enfance lorsque la porte se met à grincer. Je me redresse en fronçant les sourcils et aperçoit avec stupeur une boule de poil marron se faufiler dans la chambre, la queue en l’air.


— Tu as un chat ?!


Impossible de cacher ma stupéfaction, ma grand-mère a toujours détesté les animaux d’intérieur, ils sont trop encombrants et salissent tout. Elle préfère largement les poules, les cochons, les vaches et les canards qui eux, trouvent chacun leur place dans le jardin.


Elle balaye ma remarque d’un geste de la main.


— Un pauvre clochard, j’ai voulu lui donner à manger une fois parce qu’il me faisait de la peine, il n’avait que la peau sur les os et depuis impossible de me débarrasser de lui, marmonne-t-elle dans sa barbe.


La bête en question s’approche d’un pas lourd de nous et à en juger par son aspect grassouillet et sa démarche peu élégante, je pense que ma grand-mère le nourrit bien.


— Il a l’air d’aller mieux maintenant.

— Il est gras comme un loukoum !


Le chat vient de bondir sur la coiffeuse installée dans un coin pour aller se frotter contre le rond de table en dentelle posé dessus.


— Et il s’appelle comment ?

— Petit con.

— Sérieusement ?


Ma grand-mère hoche fièrement la tête, ses ondulations grises valsent sur son front.


— J’espère que vous allez bien vous entendre, c’était son endroit à lui avant mais s’il t’embête n’hésite pas à le foutre dehors, ça lui fera les pieds.

— D’accord, je réponds simplement tout en sachant que je ne ferais jamais ça.

— Je ferai mieux de te laisser te reposer ! La route a dû être longue.

— Oui, je suis épuisée.


Elle récupère son carton abimé et s’éclipse en faisant trainer ses pantoufles sur le parquet. Quelques secondes plus tard tandis que je suis en train de fouiller dans ma valise à la recherche de mon pyjama, elle revient un paquet fourré entre les mains. Elle me le tend avec un sourire espiègle.


Inutile de lui dire que je n’avais pas besoin de cadeau, je connais Mildred ça risquerait de l’énerver. Alors je récupère le présent et le secoue près de mon oreille pour tenter ce savoir ce que l'emballage contient.


Je pense que ma mère avait tort, ma grand-mère n’a pas changé et elle me connait mieux que personne. C’est un carnet couleur prune.


— J’ai lu sur internet qu’il faut au minimum trois mois pour commencer à se remettre d’une rupture. Tu as déjà presque passé les trois semaines et comme je sais que tu es une personne réservée ma Beth et que tu préfères écrire plutôt que de parler je me suis dit que tu pourrais en avoir l’utilité.


Mes lèvres s’étirent dans un sourire triste, je contemple l’objet comme s’il s’agissait de la huitième merveille du monde, les yeux brillants.


— Il est magnifique mamie, merci.


Elle hoche la tête satisfaite.


— Mais attend une seconde, tu sais te servir d’internet toi ?


Elle lâche un râlement horrifié et m’assigne une petite tape sur l’épaule.


— Pour qui me prends-tu enfin ?! Bien sûr que je sais ! Henry m’a appris.

— Qui est Henry ? Ton amoureux ? je la questionne en retirant mes boucles d’oreilles devant le miroir de la coiffeuse.


Elle secoue la tête.


— Oh ça, j’apprécierais.


Je lève les yeux au ciel, sachant pertinemment qu’elle se moque de moi. Mon grand-père est décédé avant ma naissance, cancer des poumons, c’était un grand fumeur. Je ne sais pas s’ils s’aimaient réellement mais ils ont passé presque cinquante ans ensemble, après lui, elle n’a jamais cherché à retrouver quelqu’un.


— Je sais que je suis une vielle femme maintenant ma Beth et que mes histoires de cœur sont loin derrière moi mais si tu as besoin de parler, sache que je suis oreille très attentive. Et auquel cas, adresse-toi à petit con, tu as au moins l’assurance qu’il ne te répondra pas quelque chose de déplaisant.


Je me tourne vers elle, reconnaissante. On oublie parfois trop la chance que l’on a d’avoir certaine personne dans nos vies.


— Promis mamie.

— Passe une bonne nuit ma Beth.

— Toi aussi.


Je dépose un rapide baiser sur sa joue pendante et elle me gratifie d’un sourire avant de partir en refermant la porte derrière elle.


Un bâillement m’échappe tandis que je me glisse avec mon pyjama en soie dans les draps qui sentent le propre. Je m’étends de tout mon long et secoue mes orteils sous la couette, ravie d’avoir enfin un grand lit rien que pour moi. Je remonte la couverture en patchwork jusqu’à mon menton, rebats mon masque de nuit sur mes yeux et lâche un profond soupir apaisé. La dernière chose que je vois avant de m’endormir c’est la couverture de ce nouveau carnet.


FIN DU CHAPITRE 10


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11 commentaires

RayaneSchwab

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Il y a un an

<3

Hopeless_

-

Il y a un an

🩷

GwendolineBrument

-

Il y a un an

J'adore leur relation. Qui est donc ce Henry ? 🤔 Hâte de lire la suite 😀

Felicia 🖤

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Il y a un an

Voilà une bonne question 🤨

KBrusop

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Il y a un an

❤️😊 et n’hésite pas venir me donner un coup de pouce sur mon histoire 😋

Emma Eichen

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Il y a un an

😘

Diane Of Seas

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Il y a un an

😢

Diane Of Seas

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Il y a un an

C’était plutôt 💚désolée 🫣

Emeline Guezel

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Il y a un an

À jour 🥰 n'hésite pas à passer 🥰

crush

-

Il y a un an

Like de soutien <3 Je t'invite à découvrir mon histoire en retour si tu en as le temps.
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