Fyctia

Je cours dans les escaliers pour arriver le plus vite possible jusqu’à mon appartement, le cœur battant à cent à l’heure. Je suis tellement impatiente que je manque la dernière marche et bascule vers l’avant. Mes mains me rattrapent de justesse, un peu plus et je finissais la tête la première sur le sol. J’époussette mon jean et repars de plus belle, en prenant garde à ne pas faire tomber la feuille qui se trouve entre mes mains. Elle est froissée dans mon poing comme si mon avenir était tracé dessus.

J’arrive devant ma porte, quelque chose me semble bizarre, elle est différente, la peinture rouge qui la recouvre me parait plus terne et les contours sont flous mais je ne prends pas le temps de m’en inquiéter. Je ne toque pas et l’enfonce directement.

— Liam ! Tu ne devineras jamais, j’ai écrit le premier chapitre de…

La fin de ma phrase se meurt dans ma bouche lorsque je découvre mon petit ami, en charmante compagnie. Et je crois que... oh mon dieu, c'est sa langue qui est dans sa bouche ? Elle est assise sur le plan de travail de la cuisine. MON plan de travail. Liam est installé entre ses jambes et il fait glisser ses doigts fougueux dans une chevelure noire.

Mon cœur s’arrête de battre dans ma poitrine, la feuille me glisse des mains. Mon regard croise celui de l’intruse, j’ignore comment mais son prénom se fait une place dans mon esprit.

Kelly, elle s’appelle Kelly.

Elle me sourit.

Une colère noire me comprime brusquement la poitrine, je tente de faire un pas en avant mais mon corps ne me répond pas, je reste figée sur le sol.

— C'est quoi ce cirque ?! je m’écrie comme une hystérique.

Liam arrête enfin ce qu’il était en train de faire pour se tourner vers moi. Mon estomac se soulève quand je remarque les traces de rouge à lèvre dans son cou.

— Qu’est-ce que tu fabriques enfin ? j’enrage.

Il sourit à son tour d’une manière mesquine, presque sordide qui déclenche une vague de dégout à l’intérieure de moi-même.

— Quoi qu’est-ce que je fabriques Beth Chérie ? Je profite de la vie voilà tout. Les jardins sont plus luxuriants ailleurs Beth. T’es pas suffisante de toute façon. Tu ne l’es pas pour moi, tu ne l’as pas été pour ton père et tu ne le seras jamais pour quiconque. Personne n’a envie de faire de toi sa priorité.

Mes membres se mettent à trembler tant la fureur est intense. Je bondis en avant, un cri remplit d'animosité fend l’air et…

J’ouvre les yeux et me redresse brutalement dans mon lit. Ma respiration est chaotique, chaque goulée d’air est plus douloureuse que la précédente. Ma poitrine me fait un mal de chien, comme si on y avait planté un couteau en plein milieu.

Il me faut quelque seconde pour que la réalité supplante à mon cauchemar.

Ce n’était que dans ta tête, Beth…

Je lâche un soupire las et passe mes mains sur mon visage, il est couvert d’une fine pellicule de sueur. Je me force à inspirer par le nez et expirer par la bouche afin de calmer les battements mouvementés de mon cœur.

Les paumes de main appuyées contre mes yeux, je tente d'effacer les images qui sont en train de déferler dans mon crâne. Seulement, ce n’est pas si simple, je le vois lui, je me vois moi, je nous vois tous les deux comme à travers une vieille cassette de film. Mais je sais que quand elle sera terminée, je ne pourrai pas la rembobiner pour la relancer. Il n’y aura pas de retour en arrière possible, il ne sera plus jamais là. Je suis seule maintenant.

Un sentiment oppressant s’empare de moi, ma poitrine monte et descend furieusement, l’air circule maladroitement dans mes poumons. J’étouffe. Les larmes s’entassent au coin de mes yeux, je fais tout pour les retenir, elles et le déchirement qui est en train de s’abattre sur moi. Je me murmure que ça va aller, en me balançant d’avant en arrière pour calmer cette crise que je n’avais jamais vécu jusqu’à maintenant.

Mais je n’y parviens pas parce que je sais que non, ça n’ira pas.

J’ouvre brutalement les yeux, attrape le premier truc qui me tombe sous la main, le verre d’eau que j’avais rempli comme tous les soirs et soigneusement posé sur ma table de chevet.

— Va te faire foutre !

Le verre explose contre le mur. Le cri me brûle la gorge. Et les larmes se mettent enfin à couler. Elles roulent sur mes joues et vont s’écraser sur mes draps. Je ne cherche pas à les arrêter. À quoi bon ? Je me roule en boule sur mon matelas pour faire la seule chose que je sois capable de faire en ce moment : attendre.

Attendre que ça passe. Attendre d’aller mieux. Attendre l’arc-en-ciel après la pluie.

FIN DU CHAPITRE 6