Fyctia
4.1
LONDRES
28 septembre
Le Ten Bells est vieux pub dont la façade a été rénovée il y a de cela quelques années. En plus d’être un ancien bar datant de l’époque Victorienne à la décoration bien conservée, c’est surtout un endroit connu pour avoir été le repère de Jack L’éventreur. Donc en résumé, il attire du monde, des touristes le plus souvent mais aussi quelques habitués, y entrer pour boire un verre n’est pas chose facile et c’est dans ces moments-là que les connaissances s’avèrent très utiles.
Pénélope a été embauchée à temps partiel ici, c’est une copine d’Ellie, elles suivent toutes les deux des cours de psychologie criminelle à la fac. Faut croire que sa fascination plutôt étrange sur les meurtriers ne se cantonne pas qu’à ses études. Penelope est une grande rousse élancée avec de longs cils et une bouche pulpeuse. Mais au-delà de ça, elle dégage une aura mystérieuse et affreusement attirante. Ellie nous l’a présenté il y a un peu plus d’un mois et Jon, a senti son cœur de glace fondre pour la première fois face à elle. On pensait que ça n’arriverait jamais, des années qu’il ne fréquentait que des coups d’un soir mais il faut croire que cupidon sait exercer son taff à la perfection. Personne ne résiste à l’amour, jamais.
— Je suis désolée les gars, vous n’allez pas pouvoir entrer, tout est archi complet…
— Génial ! Qui a eu cette merveilleuse idée déjà ?
Jon est le grincheux du groupe. Paradoxe assez surprenant puisque c’est aussi la personne la plus à l’écoute et la plus sincère que je connaisse. C’est le plus âgé de nous tous et le dernier arrivé dans notre petite bande.
Nous pivotons en direction d’Ellie, la belle brune nous regarde par-dessus ses yeux de biche en haussant les épaules.
— On peut aller ailleurs ? minaude-t-elle d’une petite voix.
Comme je vous l’ai déjà dit, notre amitié à Ellie et moi ne date pas d’hier. On est restée pendant très longtemps un duo jusqu’à notre entrée au collège où nos parents ont décidé qu’il serait bon qu’on fréquente d’autres personnes, je crois qu’au fond ils nous pensaient insociables, ce qui n'était pas totalement faux. Et puis il y a eu Margot, jamais en reste et toujours prête à s’embourber dans des plans foireux. Elle a emménagé quand elle avait treize ans dans la maison voisine à celle d’Ellie, c’est comme ça qu’on s’est rencontrée.
Ensuite, y’a eu Greg. Margot flirtait avec, ils sont sortis ensemble deux jours, avant de se rendre compte que ça ne fonctionnait clairement pas. Ces deux-là se détestent autant qu’ils s’aiment. Il ne se passe pas une minute sans que l’un cherche des noises à l’autre. C’était assez déconcertant au début, il était presque impossible de savoir s’ils voulaient se sauter au cou pour s’entretuer pour coucher ensemble, aujourd’hui on ne le sait toujours pas. Mais il y a cette connexion entre eux, un truc impossible à ignorer et c’est une fille qui écrit des histoires d’amour qui vous le dit. Enfin bref, Greg a été le premier gars à nous rejoindre, puis il a ramené Liam et… je ne vais pas vous faire de dessin.
Jon est arrivé en au milieu de la dernière année de lycée, un mec un peu paumé qui tirait toujours la gueule, il s’est assis à côté de moi, m’a demandé si je pouvais lui envoyer les cours qu’il avait loupé, j’ai accepté. Et Greg l’a charmé par la suite.
On forme une belle petite bande tous ensemble, un peu comme les six doigts d’une main. Bien que ce soit des cas extrêmement rares, ça existe, vérifiez sur internet !
Enfin on formait… jusqu’à temps que je me fasse larguer.
Je déglutis péniblement. Dans mon cerveau c’est la panique, je ne peux pas leur annoncer, pas encore, je suis trop fragile pour supporter leurs réactions.
— Je peux quand même vous amenez des bières ? Seulement il faudra les consommer dehors, la voix délicate de Pénélope me ramène les pieds sur terre.
— Diantre ! Dehors sous ce froid ? Jamais !
Je lève les yeux au ciel, sans être capable de retenir un sourire.
— On peut aller au Punch Room ? propose Margot.
— Excusez-moi, aurais-je entendu un sifflement dans mon oreille ? Ou quelque vient-il de parler pour dire une connerie monumentale ? Je veux de la bière, femme ! Pas du punch !
— Je vais me le faire, marmonne-t-elle à travers ses dents serrées.
Greg lui adresse un petit sourire charmeur l’air de dire « vas-y essaye » et évidemment, elle ne se fait pas prier pour lui envoyer son poing dans l’épaule. Quelques secondes plus tard, elle est en train de courir dans la rue en hurlant à l’agresseur.
— Ils ne sont pas sortables, je ronchonne, amusée malgré tout et heureuse de parvenir à quitter mes pensées torturantes.
— On dirait des gamins, surenchérit El.
— Ils sont bien mignons mais moi je me caille les fesses, ronchonne Jon en se frottant les mains pour les réchauffer.
— On pourrait aller au Cheshire Cheese ? je propose.
— Ça me va !
El se charge de rappeler à l’ordre les deux spécimens qui nous servent de potes et quelques secondes plus tard, Greg revient vers nous en tenant la tête de Margot coincée sous son coude, il ébouriffe chaleureusement sa tignasse blonde et leurs éclats de rire percent l’obscurité de la nuit.
Nous prenons la direction du métro et je profite d’être en retrait des autres pour envoyer un message à ma mère. Elle ne cesse de m’écrire depuis plusieurs jours, c’est dingue, comme si elle avait un sixième sens. De toutes les personnes de mon entourage, ma mère est celle à qui je crains le plus d’annoncer la nouvelle de ma séparation avec Liam. Tout simplement parce que je sais déjà quelle sera sa réponse, un truc bien stéréotypé dans le genre « les hommes sont tous les mêmes » et puis j’aurais le droit à un discours explosif sur mon père et son adultère, croyez-moi je n’ai pas envie d’endurer ça. Mais ma mère reste ma mère, la femme qui m’a mise au monde et m’a éduqué presque seule, je ne peux pas lui cacher quelque chose d’aussi gros, j’ai besoin de partager ma peine avec elle, je sais qu’elle me soutiendra, à sa façon certes, mais elle le fera.
Mes doigts engourdis par le froid deviennent douloureux tandis que je tapote sur mon écran. Je soupire, propageant un nuage de fumée dans les airs.
— Tout va bien ?
Je sursaute en entendant la voix d’Ellie retentir dans mon dos, je déteste quand elle fait ça, se faire si petite qu’on en oublierait presque son existence.
— Ouais… je… ouais, je conclus, trop perturbée pour être capable d’aligner plus de trois mots.
Son regard chaud vient se planter dans le mien.
— C’est normal d’avoir besoin de temps Beth. Tu es en train de tourner le dos à cinq ans de ta vie, je sais que ça peut paraitre dur, mais tu vas t’en sortir, je t’assure.
Je sens les larmes me monter aux yeux mais je décide au moins pour ce soir de les retenir, je me suis promis de me changer les idées et c’est bien ce que je vais faire…
*
À suivre...
5 commentaires
Nina Fenice
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Il y a un an
GwendolineBrument
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Il y a un an
C. E. Rivetto
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Il y a un an
izoubooks
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Il y a un an