Fyctia

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Des coups, non que dit-je, une rafale de coups. C’est ce qui vient me tirer de l’étrange crise dans laquelle je suis plongée.

Je passe une main dans mes cheveux, mes racines son grasses. J’ai à peine mangé ces derniers jours. Je ne me suis pas douchée, pas une seule fois. Mes seuls déplacements étaient orientés vers les toilettes et même pour ça, je me retenais le plus longtemps possible. J’ai dormi une bonne partie du temps, puis, regardé des films tristes qui me donnaient des crises de larme de l’autre. Ça me soulageait, cette souffrance, je m’y suis agrippée parce que c’était la seule chose qui me prouvait que je n’étais pas en train de mourir.

Qui que ce soit, peut-être que si je fais la morte il me laissera tranquille. Je ferme les yeux et me réinstalle dans mon lit. Les coups reprennent presque immédiatement. Je lâche un grognement.

— Allez-vous-en ! je m’écris ma propre voix me surprend, elle est enrouée.

Au bout de la troisième fois, je décide de me lever pour aller botter le cul à la personne malpolie qui est en train d’élire domicile sur le seuil de ma porte. Seulement une fois ouverte, je me retrouve en face de ma meilleure amie, Ellie et je comprends que c’est plutôt moi qui vais passer un sale quart d’heure.

Elle est furieuse, vraiment furieuse. Avec ses sourcils froncés, son pli au milieu du front, son visage rougit et ses poings serrés, elle me fait penser à une boxeuse prête à monter sur un ring pour en découdre. Ses cheveux sont en pétards, certainement à cause du vent qui souffle dehors. Je n’ai même pas le temps d’en aligner une qu’elle me pousse sur le côté et pénètre chez moi comme une tornade.

— Ça t’arrive de répondre au téléphone ?!

Elle se met à tourner en rond dans mon minuscule salon, me donnant mal au crâne.

— J’étais folle d’inquiétude ! Ça va faire quatre jours que je n’ai pas nouvelles, putain Beth, ça ne coûte rien d’envoyer un « je ne suis pas morte dans un caniveau bisous ». Sérieux des fois je me demande ce que tu as dans le crâne et tu…

Elle s’immobilise soudainement, les bras ballants et son regard caramel se pose réellement sur moi. Je pense qu’elle était trop remontée jusqu’à maintenant pour remarquer l’état pitoyable dans lequel, c’est comme si on lui assénait une gifle en plein visage. Quelque chose passe dans ses yeux, un mélange de confusion et de crainte.

— Ne me dit pas que c’est ce foutu roman qui t’as mise dans cet état-là ?

Sa voix est accusatrice. Habituellement, sa remarque m’aurait blessée, je lui en aurai voulu de ne pas comprendre à quel point écrire est important pour moi mais cette fois, ça me passe au-dessus de la tête.

— T’as du temps devant toi ? je marmonne.

— Ouais bien sûr.

Elle retire sa veste et la dépose sur le dossier d’une des chaises de la cuisine, j’essaye d’ignorer le fait que c’était la place que préférais Liam pour manger. Une boule remonte dans ma gorge tandis que j’attrape la théière posée sur le plan de travail et fait couler de l’eau à l’intérieur. Mes mains se mettent à trembler, je ne me suis jamais sentie aussi faible de toute ma vie.. Je parviens à garder la face quelques minutes, jusqu’à temps qu’Ellie me demande dans mon dos :

— Beth, tu me fais peur, dis-moi ce qui ne va pas…

En prononçant ses mots, c’est comme si elle avait ouvert une vanne, qu’elle avait autorisée ma souffrance à exploser et à entacher l’appartement et tout ce qui avait un jour été beau à l’intérieur.

— C’est Liam…

Et je n’ai pas eu besoin d’en dire plus parce que c’était Ellie. Elle savait tout de notre histoire à moi et Liam. De notre première rencontre à ses absences répétées ces derniers temps, de ses débuts de rêves à ses grandes ambitions qui étouffaient notre couple et de ma volonté de faire comme si tout allait bien alors que notre navire prenait l’eau de toute part.

Ellie était ma meilleure amie depuis le périscolaire et les batailles de gelée à la cantine. Les gens avaient soit tendance à l’adorer soit à la détester parce qu’elle faisait partie de ces personnes totalement transparentes. Ellie était fidèle. Peut-être trouverez-vous cela salaud mais elle était le genre de fille à avoir des préférences, elle savait vers qui allait sa loyauté, elle ne laissait pas tout le monde pénétrer les barrières de son cœur. Elle était sélective, ses amis devaient mériter de la côtoyer mais elle le rendait au centuple, elle se montrait toujours légitime de l’amour des autres et encore aujourd’hui, elle ne trompe ni ne ment ou blesse. Elle connait sa valeur et je l’admire pour ça, c’est quelque chose que je n’ai jamais pu faire. J’ai toujours ressenti le besoin de plaire à tout le monde par crainte de me retrouver seule, elle non.

Ellie s’attache rarement aux gens mais quand elle le fait, elle y met tout son cœur, toute son âme et c’est certainement pour ça que lorsque je m’ouvre à elle ce soir, je sens le lien d’amitié qui est tissé entre nous depuis des années, se mettre à trembler. C’est pour ça qu’elle me laisse extérioriser ma peine, me lamenter, pleurer jusqu’à l’épuisement et qu’elle ne prononce pas un mot, elle me laisse vider les émotions de mon vase beaucoup trop plein, les recueillants dans le sien.

Ce matin-là, j’évacue ma peine et tout le reste pour qu’il ne reste de moi qu’une coquille vide et un cœur en lambeau qui, j’en suis certaine, ne sera plus jamais capable de battre aussi fort qu’avant.

FIN DU CHAPITRE 2