Fyctia
Prologue
CINNAMON GIRL - LANA DEL REY
Bénédicte était une fille de l’automne. Les plus beaux souvenirs de cette période convergeaient tous en direction de la maison de sa grand-mère, Mamie Mi, comme elle aimait l’appeler. C’était là, dans cette ancienne bâtisse perdue au fin fond de la campagne anglaise qu’elle passait toutes ses vacances.
La petite Beth Blackwood aimait marcher dans la boue, prendre par surprise les grenouilles au bord de l’étang, écouter le bruit de la pluie s’abattre contre les vitres de la maison, l’odeur des bougies à la cannelle, celle de la tarte aux pommes en train de cuire dans le four et surtout, se blottir sous une couverture patchwork avec un livre entre les mains. Parce que les mots étaient pour elle ce que l’adrénaline était aux sportifs, ce petit quelque chose qui faisait palpiter son cœur. Les mots ensorcelaient son âme aussi aisément qu’une formule prononcée à voix haute et lancée à l’aide d’une baguette magique. Ils raisonnaient en elle et elle, se sentait vivre à travers eux.
Bénédicte était une file de l’automne. Mamie Mi la surnommait « petite feuille » lorsqu’elle n’était qu’un bébé parce que ses yeux étaient ambrés, d’une couleur chaude et similaire à celle que l’on trouvait sur les grands arbres durant la saison.
La vielle femme aimait penser que l’automne était une période particulière, synonyme de changement, si les arbres étaient capables de se dénuder pour se laisser voir dans leur plus simple apparat, elle était convaincue que l’Homme aussi, le pouvait. Elle répétait souvent une formule à Beth : « automne rime avec renouveau » mais Beth n’avait jamais compris le sens de cette phrase. Elle avait beau se la répéter chaque soir avant de fermer les yeux, elle n’y décelait aucune assonance, seulement de la platitude mais peu lui importait, l’automne était la saison préférée de sa grand-mère mais aussi la sienne, elle les liait toutes les deux. Elle était une attache imbrisable qui franchissait les générations.
Bénédicte était une fille de l’automne. Du moins jusqu’à temps qu’elle emprunte le chemin de la maturité qui la conduisit jusqu’au Grand Brouillard ou jusqu’à Londres si vous préférez. Entrez dans une ville c’est prendre le risque de se faire dévorer par elle. Comme un serpent mesurant la taille de sa proie avant de passer au crime, Londres engloutissait Beth, lentement, longuement, passionnément.
Bénédicte était une fille de l’automne. Mais à vingt ans, elle avait perdu de vue sa saison préférée au milieu des foules agitées, inconstantes et tumultueuses. Elle ne voyait plus Mamie Mi, le trajet était « trop long », la campagne trop « silencieuse », la vie trop « calme » mais elle continuait de l’appeler aussi souvent qu’elle le pouvait. Elle avait grandi et cette affiliation ne lui semblait plus si importante, elle essayait seulement de se trouver une petite place dans l’univers oubliant qu’elle en avait toujours eu une dans le cœur de quelqu’un.
Bénédicte vivait à base de talons claquants, délaissant les bottes en caoutchouc, de plat de pâtes cuisiné à toutes les sauces, abandonnant les soupes et passait ses journées derrière un écran d’ordinateur se détournant des livres. Mais la fièvre des mots ne l’avait jamais quitté. Elle avait écrit une œuvre, un roman, un seul qui balancé lors d’un concours d’écriture lui avait valu la publication, ce qui correspondait à tout l’or du monde pour elle. Le meilleur dans tout ça c’était que son livre avait eu du succès. Mais maintenant qu’elle avait mis un pied dans ce domaine merveilleux qu’est celui des lettres, elle aspirait à ne plus jamais en sortir.
Bénédicte avait désormais vingt-deux ans, un petit-ami, un livre publié, des amis fidèles, un petit appartement, un peu d’argent dans ses poches mais elle n’était plus une fille de l’automne.
Et au milieu de cette vie qu’elle pensait parfaite, elle voyait son inspiration diminuer et son individualité disparaitre petit à petit.
Seulement, sa grand-mère avait raison « automne rime avec renouveau » et Bénédicte n’allait pas tarder à le comprendre.
Parce que même les certitudes les plus inébranlables peuvent être emportées par une brise matinale.
Et parce que même la plus sombre des tristesses peut être égayé par un soleil automnal.
Voici son histoire, ou plutôt la mienne, parce que Bénédicte, c’est moi…
17 commentaires
Emma J. Clark
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Il y a un an
Felicia 🖤
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Il y a un an
GwendolineBrument
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Sophie Hazera
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Tonie Matt N’zo
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Emmy Jolly
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