Fyctia
Le calme avant la tempête
J’emplis mes poumons d’air. Subitement, mes poings relâchent mes doigts. Cet endroit réserve plus de bienfaits que je l’imaginais. La maison offre une grande superficie.
— Je ne me souviens pas avoir vu des pilotis sur le mail, lui notifié-je perplexe.
— Un détail qui rebute les clients. Une fois qu’ils ont visité l’intérieur, les gens oublient la hauteur, se justifie-t-il.
Pourvu que cela ne cache aucun vice… Je le suis jusqu’à l’estrade. L’entrée est habillée d’une couronne de Noël fabriquée de houe, de résineux mélangés, et de tranches d'oranges séchées. Me voilà déjà dans l’ambiance des fêtes, j’adore ! Et tant pis pour le courant d’air gelé qui me pétrifie un instant.
— Bouh ! L’hiver ne joue pas la comédie ici.
— Non, Mathilde. Venez vous réchauffer à l’intérieur.
Je reste épatée devant la décoration digne d'un magasine. Du bois, de la pierre, des plaids, des coussins de couleur douce et réconfortante. Du cocooning partout. L’idée qui me traverse l’esprit ? Marcher à pieds nus sur les parcelles de moquette moelleuse qui cachent le plancher avec parcimonie.
Je pose ma valise et jette mon manteau sur un fauteuil. J’avance tout en riant. L’euphorie m’atteint. La chaleur m’enveloppe. Je ne m’attendais pas à cet effet, moi qui suis habituée au contemporain. Au milieu de la pièce, j’entrevois dans un renfoncement un pan de mur tapissé d’une myriade de livres. Si ce pays me réserve de splendides endroits à découvrir, je pressens que ce coin pourrait m’emmener là où j’aime être. Parlez-moi de lecture et je deviens votre hôte !
— J’ai pris la précaution d’allumer un feu de cheminée. Il faut veiller à l’alimenter de façon régulière.
Avec son sourcil arqué, il me taquine du regard.
— Avez-vous déjà fait un feu de bois, Mathilde ?
— Non, réponds-je avec une voix renfrognée de petite fille.
— J’en étais sur… Vous n’avez pas l’air dégourdie. Jolie et adorable, mais pas dé-gour-die !
Ma mâchoire tombe presque à mes pieds !
— Dans mon appartement, il y a le chauffage central.
— Cela manque de charme. Que pensez-vous de votre location ?
— Juste parfaite, et je vous remercie d’avoir pris l’initiative de ce feu.
— En cas de besoin, je viendrais vous filer un coup de main, ne vous inquiétez pas.
Le crépitement me renvoie déjà plein d’émotions. J’erre dans la pièce et m’approche de la fenêtre.
— La neige tombe davantage qu’il y a quinze minutes !
— J’espère que nous serons épargnés d’une tempête comme nous avons connu il y a cinq ans. Pendant trois semaines nous sommes restés bloqués dans le patelin. Impossible de circuler en voiture. Dépêchez-vous de me donner votre liste de courses que je vous livre dès demain. Nous tenons une épicerie à côté de la maison. Juste à quelques dizaines de mètres d'ici. Il me faut rentrer, maintenant, Marta doit s’impatienter…
Monsieur O’Brien sort.
Au-dessus de la cheminée sont suspendues trois cloches. Je les frôle des doigts. Sur chacune d’entre elles est gravé un curieux personnage imaginaire. Entre l’elfe et le nain.
Une courte sonorité très agréable retentit. Monsieur O'brien qui revient déjà ?! Je me dirige vers la porte d’entrée. Personne sur le seuil.
Nul n’a sonné. Seuls les flocons pénètrent l’intérieur du refuge dans une danse folle, soufflés par un vent froid devenu violent. Au loin, Monsieur O’Brien rentre dans sa demeure.
Je referme la porte à clé. J’ai dû rêver !
Je consulte mon portable, José m’envoie une jolie pose d'une grimace de son bureau. Je pose mon cellulaire sur la table basse et visite les autres pièces de la maison. Je n’en veux pas à Monsieur O’Brien de ne pas avoir entrepris cette tâche. Je suppose qu’il avait hâte de rentrer se mettre au chaud. Vu la qualité de l’endroit, je ne risque que de me plaire ici. Je découvrirai l’étage tout à l’heure, au moment de me coucher. Pour l’instant, j’ai besoin de me détendre. Je songe en un éclair à Gabriel qui m’a quitté et à son aversion pour les pays du nord… Même si un Noël au Cap Vert reste des plus tentant, j’avoue que la maison me réconforte. Dire que mes parents me pensent passer les fêtes de Noël accompagnée... Déjà que je ne sois pas présente avec eux les chagrine. Je n'ose guerre imaginer leur peine s'ils connaissaient la vérité!
J’ai envie d’un chocolat chaud. La cuisine offre un design rustique et archaïque, mais bien agencé. Je me chauffe du lait dans une casserole sur un brûleur de gazinière. Pas de micro-ondes ou d’aspirateur mural comme chez moi. Je ne trouve pas d’allume-gaz non plus. Juste une boîte d’allumettes posée sur le plan de travail. Différents pots de verre y siègent renfermant chacun du sucre, du chocolat maigre, des grains de café. Je me sens un peu dans cette ambiance de maison de grands-parents. Sentiment de sécurité, de chaleur revigorante.
Je hume par bonheur la fumée qui se dégage de mon mug. Je hisse très vite sur l’ardoise accrochée à un mur une liste exhaustive de courses. Sans blague, le frigo garde au frais des plats de secours. Les propriétaires ont pensé à tout ! Je déniche de petits gâteaux typiques de leur pays. De délicieux sablés au caramel, un régal !
Près de la bibliothèque, une chaise à bascule dort sous un plaid rose. Je me couvre de ce dernier, si doux que même mon esprit en ressent la volupté. J’attrape un bouquin dont le titre en anglais figure sur le dos de la reliure, à savoir : « un chant de Noël » de Charles Dicken’s. Juste ce qui peut assouvir mon mental ! Oublier la douleur infligée par Gabriel pour ce soir. J’ai tant pleuré hier. Ma tête a besoin de plonger dans une autre réalité, quelle qu’elle soit.
Le livre vieilli possède une odeur si spécifique. Lorsque mes doigts le feuillettent, les fragrances de vanille et d'amande viennent chatouiller mon nez. J’adore !
Je me laisse emmener dans la barque imaginaire de l'histoire. Le plafond se perd dans un champ de couleurs pastelles variant de l'azur au rosée. Un nuage lumineux encercle mon âme. J’expulse un soupire, le stress se dissipe. Aussi légère qu’une plume, mon esprit s’envole.
Au fil des pages, la fatigue ferme mes yeux, assez longtemps pour que mon chocolat refroidisse sur la table ronde près de moi…
Je me réveille plus tard, à cause d’une voix qui m’appelle. Pourtant, à par moi, personne ne devrait être présent dans la maison. À moins que… Dans la cuisine, quelqu’un semble manger. Pire que ça on dirait un cochon. La frousse me presse les tripes. J’avance à pieds de chaussettes. Je fais ce truc bizarre des fois de retirer mes souliers en dormant.
— Il y a quelqu’un ?
Je penche la tête dans l’huisserie. Quelque chose de poilu vient de se faufiler sous la table. Un repas dans une barquette d’aluminium se trouve à terre. La moitié a été dévorée.
— Un chat ? Minou ? Minou ?
Je descends mon front vers mes genoux pour vérifier si l’intrus se cache bien sous l’autel.
— Ah !!! crié-je.
La bête m’imite en hurlant. Qu’est-ce donc cette chose ? Je file dans la pièce de vie, les bras recroquevillés. Le truc recommence à manger comme un sagouin.
2 commentaires
Gottesmann Pascal
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Il y a 16 jours