Rose Lb LES CLOCHES IRLANDAISES DE NOËL Le brouillard

Le brouillard

Ma tête… Quelle horreur cette douleur ! Une barre m’irradie le front. Mes oreilles même bourdonnent. Gabriel n’a pas dormi là.


Je sors du lit en douceur, la main sur la poitrine. Dans la cuisine, je me sers un grand verre d’eau avec une aspirine et me prépare une tasse de café. J’ai mis le bazar hier. Il me faut enjamber toutes sortes ustensiles et produits de lavage. Il reste la moitié de liqueur dans la bouteille. Je n’aurais pas dû boire autant.


Mon portable vibre sur l’îlot central. Je consulte ma boîte mail, Noa m'a envoyé les billets pour l’Irlande, aéroport de Shannon. Puis je suis censé poursuivre le voyage en bus jusqu'au cottage. J’espère que Noa a bien vérifier la concordance avec un relais transport. Dans un SMS, elle me souhaite bon voyage, me rappelant l’heure du départ. Mon avion décolle cet après-midi.


— Mince, je pensais partir demain…


Deux biscottes au fromage et je file sous la douche. Il ne me reste que quelques heures pour ranger, nettoyer et boucler la valise. J'appelle un Uber pour me déposer à l’aéroport.

Je ne sais si j’ai tout prévu dans mes bagages, mais j’ai misé sur les pulls chauds et des pilous. Troquer le Cap-Vert contre Adare, un coin perdu du Pays, me laisse un goût amer.


Quelques heures plus tard...

Je ne sais comment j’ai réussi à tout terminer, mais me voilà devant le panneau d’embarquement. Mon avion décolle d’ici peu. Arrivée programmée ce soir. Plus de six heures de vol, ce n’est pas le plus court, une galère. Vu que la boîte paye, les frais sont réduits au maximum.


Première fois que je vole seule. J’avoue que l’altitude m’angoisse un peu. Pas de chéri à mes côtés pour me tenir la main. Devant moi un couple me file le mal de l’air à se bécoter. Suis-je jalouse de leur bonheur ? Évidemment !

Une hôtesse passe à côté de moi, je l’interpelle :


— Puis-je changer de place s'il vous plaît ?

— Je suis navrée, madame, tous les sièges sont réservés. Y a-t-il un souci avec le vôtre ?

— Juste une vue dangereuse.


Elle regarde les deux amoureux, attendrie par leur ébat.


—  Désolée, mais il faudra vous contenter de cette place.

— Merci quand même, soupiré-je.


Je sors un journal de mon sac et me plonge dans la lecture de la page des sports jusqu’à ce qu’une douce intonation nous demande d’attacher nos ceintures, car le vol est imminent.

L’appareil se meut d'abord, puis il prend de l’altitude.


— Chéri, nous décollons ! clame la femme à son conjoint avec une voix de crécelle.

— Nous traversons d'abord les nuages, ensuite nous les survolons… réplique l’homme.


Mes doigts se cramponnent au bout de l’accoudoir. Bon sang ! Le contenu de mon estomac forme des vagues au fur et à mesure que l’avion monte.


— Ho ! c’est comme de la chantilly, s’émerveille-t-elle.


J’avoue que ce couple me procure un pincement au cœur. Le départ brutal de Gabriel m’a chamboulé. Comment ai-je pu passer à côté de notre histoire. Je suis triste, mais en colère surtout.

Me voilà de nouveau dans une crise de larmes. Les gens me regardent avec pitié. Ma voisine de droite, une grand-mère toute courbée me tend un mouchoir.


— Il n’en vaut pas la peine. Aucun d’entre eux d’ailleurs. Respirez un bon coup et essuyez-moi ce nez. Comment vous appelez-vous ?

— Mathilde.

— Il vous a quitté pour une autre ?

— Un plutôt.

— Seigneur, c’est pire. Vous n’assurez pas au lit…


Il ne manquait plus que ça, une vieille qui me dépouille ce qui me reste de dignité.


— Rien à voir, je suis une bombe au contraire.

— Foutaise. Vous êtes ce genre de femme qui rêve d’un prince. Mais les hommes de votre âge n’apprennent plus à chevaucher. Par contre, eux se laissent monter du premier coup. Cessez de vous rendre malade pour une personne qui refuse de vous aimer telle que vous êtes. Parti avec un autre dites-vous ?

— Oui, il a du mal à assumer ses différents penchants sexuels.

— C’est à dire ?

— D’aimer aussi bien les femmes que les hommes.

— Depuis combien de temps étiez-vous ensemble ?

— Six ans.

— Pas besoin de vous faire miroiter autant.

— Je suis d’accord avec ça.

— Alors vous n’aurez aucun mal à l’oublier.

— Et puis ces six dernières années, nous n’étions pas souvent ensemble. Nous partagions si peu de choses à vrai dire.


Je rêve où je me confie à mémé !


— Vous voyez ! Alors, pourquoi pleurer ? Remballez les mouchoirs et passez à un autre. Ou une ! Moi aujourd’hui, je ne sais plus qui va avec qui.

— Pas de lézard, chacun est juste libre d’aimer qui il l’entend. Le cœur choisit pour nous, pas la société.

— Je n’ai pas de contre-indication pour les changements de mœurs, que l’on se comprenne bien. Je dis juste que parfois, je m’y perds un peu.


L’hôtesse passe avec des rafraîchissements.

— Si vous vous sentez mieux, on trinque à votre nouveau départ avec un jus d’abricot ma petite Mathilde !

— Tant que ce n’est pas de la liqueur, je vous accompagne !

Je finis par m’endormir durant le voyage, la vieille dame me réveille juste avant l’atterrissage.


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1 commentaire

Gottesmann Pascal

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Il y a 16 jours

Elle est rigolote cette mémé. Et puis, malgré son manque de délicatesse, elle arrive à trouver les mots qu'il faut ce qui est loin d'être simple dans la situation.
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