Rose Lb LES CLOCHES IRLANDAISES DE NOËL L'averse

L'averse

L’ascenseur de notre immeuble est encore en panne. Après un travail forcé pour mes vacances, maintenant je me tape quatre étages à grimper !


Je ne cesse de lire le SMS de Gabriel. Tout me passe par la tête. Je l’aime, il m’aime. Où est le problème ? Malgré mes multiples appels il ne décroche pas. Je songe à une maladie incurable qu’il vient de découvrir.


Je halète, transpire comme un bœuf. Après les fêtes, je me remets au sport, ce sera ma grande résolution du Nouvel An. Un tour de clé et j’entre. Mon cœur vient de battre le record de frappe entre les côtes.

Je balance mes chaussures dans le couloir. Pas envie de les ranger. Idem pour mon manteau crème qui se tasse sur le canapé.


— Chéri ?


Pas de réponse.


— Gabi ?


Personne dans le salon ni dans la salle de bain. Un post-it m’attend sur l’îlot de la cuisine. Mes yeux s’embuent.

Ce voyage devait nous rassembler. Depuis un an, chacun faisait son bonhomme de chemin sans se soucier réellement de l’autre. Quatre années de vie commune qui s’envolent. Une larme roule sur ma joue.

Trois mots assassins qui traînent sur l'îlot : je te quitte.

Je m’assieds sur un tabouret et chiffonne le papier.


— La blague… me convaincs-je.


Je prospecte l’appartement. Dans notre chambre je vérifie le contenu de la garde-robe et de notre commode. Gabriel a tout emporté avec lui. Il ne reste pas la moindre chaussette. Pourquoi ? Aurait-il trouvé une autre personne ? Je réfute cette idée de mon esprit. Je refuse d’y songer avec sérieux.

Je compose son numéro encore et encore, seul le répondeur daigne me parler. La rage me monte au nez autant que la peur et la peine me sclérosent.


— Ah !!! crié-je à pleins poumons.


Je me retiens de pleurer pour soulager mon état d’anxiété. Je n’ai pas le cœur à joindre mes parents, ils vont s'inquiéter pour moi. Je reste ensevelie sous le poids de l’incompréhension. Le seul à qui j’ai envie de parler, c’est José.


— Allô ?

— Je suis rentrée chez moi, Gabi est parti, il m’a quitté. Toutes ses affaires ont disparues. Tu étais au courant ? Pourquoi ne m’as-tu rien dit ? Qu’est-ce que tu sais ?!

— Tout doux, calme toi, je -

— Comment veux-tu que je reste zen ? le coupé-je. Pourquoi sembles-tu connaître certains détails et pas moi ?!

— Pardon ? Il est parti sans explication ! Le bougre…

— Parle maintenant ! Je t’écoute. Et ne me balance pas que ce n’est pas ton rôle. Je suis si perdue, si inquiète.

— Tu ne préfères pas que je rapplique chez toi ?

— Attendre une heure à cause de la route ? Non, pas question !

— Il t’a quittée pour quelqu’un d’autre. Leur histoire dure depuis six mois. Mais je ne suis au courant que depuis peu. Je te l’assure.


Pourquoi ai-je l’impression de me sentir comme Vil Coyote écrasé par une enclume géante au beau milieu d’un désert ?


— Qui est-ce ?

— Pourquoi dois-je te l’annoncer par téléphone, te l’avouer à sa place d’ailleurs. Gabriel m’avait promis…

— José !!!


Les larmes aux yeux, ma lèvre inférieure tremble.


— Il s’appelle Rodrigue. Gabriel n’assume pas face à toi. Il t’aime toujours tu sais. C’est compliqué pour lui…

— J’aurais pu comprendre. Pourquoi ne m’a-t-il pas raconter son aventure. S’il revient, je te jure qu’il va payer très cher cette blague !

— Ma pauvre... Tu refuses d’accepter l’évidence... c'est fini, il ne reviendra plus. Il a choisi. Il fallait si attendre, je t'avais dit de ne pas t'emballer au début. Maintenant il est beau le résultat. Tu souffres...


J’arrête de respirer. José a raison. Je ne devrais pas être surprise au fond. Je m'oblige à me voiler la face car mon orgueil s'en ressent piqué. J’ai mal au cœur. Oui, je m’y attendais quelque part. Son attirance pour les garçons a toujours était plus importante que pour les filles. Un jour, la balance penche d’un côté, pour une personne en particulier du moins. Mais en fixant mon auriculaire, la douleur me broie les tripes. Pourquoi a-t-il osé me faire croire qu'un jour il me glisserait une bague au doigt ?


— Oh, non !!!


La digue cède. Je m’effondre en pleurs.


— Je suis désolé ma chérie.

— Il m’a quittée pour de bon. Voilà. Tout s'envole... plus rien.

— Oui, c’est terminé… Il emménage en Espagne.

— Au soleil... Ah!!! - je gémis - Comment se fait-il que tu en saches plus que moi ? Je me sens trahie.

— Non ! Rodrigue est mon cousin. Je te demande pardon, je me suis retrouvé entre vous que depuis quelques jours ! J’ai insisté pour qu’il te dévoile tout de suite. Je vais venir passer quelques jours chez toi, comme avant. Tu te souviens ?

— Je dois partir en Irlande ! couiné-je comme une gamine de cinq ans tout en reniflant.

— Voilà l’occasion de tourner la page. De penser à autre chose que lui.

— Non, je ne peux pas !!! revendiqué-je avec mes singeries de désespoir.

— Tu t’absentes combien de temps ?

— Quinze jours, balbutié-je tout en me mouchant. Accompagne moi s’il te plaît !

— En Irlande, c’est…

— Froid, oui – snif – je sais ! Mais viens avec moi ! le supplicié-je me faisant moi-même pitié.

Façon, la boîte paye tout !

— Tu es en train de boire ?!

— Naaan !!! continué la débâcle.

— OK. Je te retrouverai d’ici deux ou trois jours. Je ferai du télétravail. Tant que les projets sont bouclés en temps et en heure, cela ne devrait pas poser de souci à ma direction.

— D’accord, Noa t’enverra ton billet. Ah !!! enchainé-je mes longs sanglots.

— Tu penses que ce soir, tu tiendras le choc ?

— Voui – je sniffe – non – je ne crois pas ! Ah !!!

— Ma pauvre chérie…


Il finit par raccrocher. Je ne sais plus que geindre. Boire… Pourquoi pas après tout ? Un petit remontant pour apaiser la douleur s'impose.

J’ouvre le frigo. Jus de fruits. Eau à bulles. Lait. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?! Il n’y a donc pas un truc de folie ici ? Je sors tout des placards. Poêles, casseroles, produits ménagers et conserves, ça me défoule. Je retrouve le minuteur en forme de canard que Gabriel m’a offert l’an dernier… la goutte de trop. J’enlace coin-coin. Je déverse mon désespoir à chaudes larmes jusqu’à ce que… j’aperçoive une bouteille de liqueur à la poire au fond du meuble bas sous l'évier. Assise parterre, je ne risque plus rien. Je retire le bouchon de liège.


— Allez, ma vieille, cul sec !


Une gorgée suffit pour rabaisser le tout. Je ne saurais guerre vider ce truc en une seule fois.


— Waouh, ça arrache !


Je ne bois quasi jamais. Je ne crois pas avoir déjà pris une cuite de ma vie. Je me redresse le cœur en vrac et les yeux dévastés. Direction la chaîne hi-fi. L’antre du désespoir. Le CD d’Adèle s’enclenche. Je danse seule. Pas à pas, une gorgée en appelle une autre. Je chante, non, je braille à tue-tête les paroles que je ne connais pas. Juste la dernière syllabe des phrases. Vu de la chambre du voisin cela doit ressembler à un coït de buffle.

Deux heures plus tard, je finis, par m’écrouler sur le ventre dans le canapé, complètement saoule.


— Demain, je fais me réfeiller et tout fera plus beau. Gabi féri dormira à côfé de moi…

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5 commentaires

loup pourpre

-

Il y a 15 jours

Encore un sale homme. Va donc !

Gottesmann Pascal

-

Il y a 16 jours

Pauvre Mathilde. Elle avait beau savoir que Gabriel aimait autant les hommes que les femmes et peut être même plus, le choc est dur. Gabriel aurait du le lui annoncer en trouvant les mots au lieu de la laisser devant le fait accompli.
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