Fyctia
Le température chute !
En congés !
Cette journée de travail se termine enfin. Hâte de boucler ma dernière valise.
Gabriel m’attend, tout impatient de partir ! Nous songeons à nos vacances au Cap-Vert depuis si longtemps. Un Noël sous le soleil en amoureux. Notre travail nous accapare beaucoup trop.
J’en ai des papillons qui dansent dans le ventre de nous savoir bientôt réunis. Adieu les pulls moches de l’hiver et bonjour le bikini, les pieds dans le sable chaud et l’huile parfumée sur mes rondeurs exquises !
Je vérifie que tout est en ordre avant mon départ :
— L’ordinateur fermé… OK... Stores baissés…OK… Arrosage de la plante pour deux semaines… OK.
Le compte goutte que j’ai déniché dans une droguerie du vieux Lille est une merveille. Il suffit de l’actionner et chaque jour une faible dose d’eau s’écoule de la pipette.
— Donner un tour de clé au tiroir du bureau… OK...et…
Quelqu’un toque trois coups. Aïe, ça sent la mouscaille.
— Non, elle ne va pas oser... marmonné-je.
Marie passe sa tête, le visage masqué d'une fausse gêne. Je la fixe. Elle sait que je sais. Pas question que je cède.
— Tout doux, ma belle, je ne viens pas te priver de tes vacances.
Elle tient entre ses doigts une feuille.
— Mais ?
— D’accord, je balance tout. Le patron exige que tu partes en Irlande pour assurer l’article de Enzo.
—Non, non, non. Je suis en congé, le projet de Enzo n’est pas le mien.
— Il s’est cassé la jambe et…
— Aucun rapport, avec des béquilles il peut se déplacer. Même des échasses, s’il le souhaite. Moi je file bronzer !
Je dresse et replace mon siège à roulette sous mon bureau.
— Il reste hospitalisé. Un véhicule l’a percuté hier soir, ses cervicales sont aussi touchées.
— Un fauteuil roulant ?
— Mathilde !!!
— Quoi ?! Un électrique conviendrait mieux tu crois ?
— T'es ignoble! Le nouveau patron veut cet article, il est Irlandais, je te rappelle.
— Qu’il y retourne dans son pays et l’écrive alors !
— Va lui dire toi-même.
— Ne me pousse pas, j’en suis capable. Sérieux, il y a dix journalistes à cet étage, pas un ne peut s’en charger ?
— Il tient à ce que ce soit toi.
— Pourquoi ?!
Marie se pince les lèvres. Presque honteuse de m’avouer :
— Parce que tu es rousse.
— Sérieux ? N’importe quoi ! Je fonce le voir.
Marie se place de profil et lève les bras afin de me laisser passer. Je sens que la colère risque de déroger ma bienveillance habituelle.
Tous me détalent des yeux pendant que mes talons claquent le long du couloir jusqu’à cette porte vitrée. Monsieur Richard déambule dans son bureau, le portable en main. Je parie qu’il passe ses journées à scroller plutôt que de lire nos lignes. Marie, sa conseillère adjointe, travaille à sa place, sans rire. Nous sommes devenues amies avec le temps, je ne cesse de l'encourager à devenir la grande patronne. Pourquoi se contente-t-elle du rang de bras droit alors qu'elle possède tout d'une leadership ?!
Je frappe. Il fronce les sourcils et me somme d'un geste de la main d’entrer.
— Un problème Mathilde ?
— Oui, et pas un petit ! Je m’apprêtais à verrouiller mon bureau pour partir au Cap Vert avec mon fiancé, enfin bientôt, nous en discutons... Bref ! Il parait que je dois me rendre en Irlande pour…
— Je double votre salaire. Si vous refusez, vous êtes virée.
Son visage reste sérieux. Plutôt, colère, à vrai dire... Je déglutis sévère et songe en fermant les yeux de ne pas lâcher un mot épineux.
— Écoutez monsieur, je suis flattée que le roux de mes cheveux vous plaise mais cela ne me semble pas être un critère de qualité pour partir en Irlande. Si ?
— Qu’est-ce que vous me chantez là ?
Il éclate de rire.
— Je croyais que…
J’aperçois Marie effectuer de grands gestes. Trop tard pour regretter tes paroles ma jolie ! Tu t’es moquée de moi, tu en payeras le prix un jour, crois-moi…
— Vous parlez cinq langues dont l’irlandais, non ?
— On parle anglais là-bas aussi, patron !
— Sur la côte Ouest, l'irlandais est employé par la majorité des gens. Je viens de là. Les personnes qui vous accueilleront ne causeront pas en anglais.
Les larmes me montent aux yeux.
— Mathilde, vous avez toute la vie pour aller au Cap Vert. Remerciez-moi au lieu de vous miner. Je vous offre l’occasion de me prouver que vous êtes capable de vous adapter à toutes les situations. J’attends de vous un article brillant, mettant en lumière la beauté de ma région natale. Épatez-moi, faites moi redécouvrir cet endroit. Je vous promets une belle surprise à la clé.
L’idée me plaît, j’avoue, mais pour une autre fois…
— Lorsque vous parlez de me virer si je…
— Je suis très sérieux. On ne discute pas les ordres d’un Irlandais ! ose-t-il la voix. Les fêtes y sont spectaculaires dans mon pays d'origine et l’authenticité qui y règne n’a pas de prix. Ici tout se perd. Tout s’achète, se vend et finit à la poubelle. Les gens veulent consommer de plus en plus pour tout posséder sans être capable de créer soi-même. Du superflu. Nos lecteurs ont besoin d’être touchés dans l’âme. Et il n’y a rien de plus authentique qu’un Irlandais !
Il ne serait pas un peu chauvin sur les bords lui ?!
— Et si la question que je lis dans votre regard s'avère pourquoi je ne retourne pas vivre là-bas... Sachez qu'en France j'ai rencontré ma femme et je suis tout autant tombé amoureux de ce pays. Pas que pour le vin, le fromage et la baguette. Maintenant, filez !
Je sors du bureau toute penaude. Marie s’approche de moi.
— Je suis navrée, Mathilde.
— Pas autant que moi. Enzo déteste le froid…
— Il peut t’accompagner ! Je suis certaine que le chef ne refusera pas.
— Il ne manquerait plus que ça qu'il ne puisse pas venir !
— Je m’occupe de vos billets ! se réjouit-elle.
Moi, je déchante. Comment annoncer à mon amoureux que nous allons tremper nos pieds dans la neige ? Adieu le bikini et bonjour la doudoune de Michelin !
Mon portable vibre dans ma poche. José, mon meilleur ami tombe à pic.
— Comme je suis contente que tu m’appelles !
— OH ! Oh ! Qué passa ?
— Un code rouge. Je ne pars plus au Cap Vert.
— Merde, il te l’as dit ?
— Tu étais au courant ?!
— Oui, mais je ne le sais que depuis deux jours. J’ai promis à Enzo que je te parlerai avant demain s’il ne te l’avouait pas.
— Enzo est déjà au courant aussi ?!
Un silence.
— José ? Allô ?
— Mathilde chérie, tu me téléphones à quel propos ?
— Le voyage est annulé, mon patron m’oblige à partir en Irlande… mais à quoi faisais-tu allusion ?!
— Oh, zut…
— Zut pour l’Irlande ou à propos de ce que tu sais et moi non ?
— Rentre chez toi et discute avec Enzo. Je t’aime, n’oublie pas.
— Parle José, pitié. Je suis morte de trouille là !
— Non, désolé, je ne peux pas. Mais après, appelle-moi. Je t’embrasse.
Il raccroche. Qu’est-ce que c’est que cette journée de fou ?! Je crains le pire…
— Mathilde ? me questionne Marie en posant sa main sur mon épaule.
— Je rentre. On se voit demain matin quand mon réveil sonnera. Je vis sans aucun doute un cauchemar !
SMS de mon chéri Gabriel qui me chambranle :
— Je suis désolé… bonne route.
5 commentaires
kleo
-
Il y a 15 jours
Nova Lee
-
Il y a 16 jours
Gottesmann Pascal
-
Il y a 16 jours