Fyctia
Chapitre 4 - Salomé
Mon ordinateur est pire qu'un Horcruxe. Il n'arrête pas de crier pour que je vienne l’ouvrir et que je continue mes recherches sur Gabriel Krox. Je l'ouvre. Pour qu'il se taise, bien sûr, pas parce que j'en ai envie.
J'attache mes cheveux blonds dans une couette lâche avant de m'affaler sur une pile de coussins, l'ordinateur sur le ventre, la main gauche déjà au fond d'un paquet de chips. Avec les trois boutons de stress qui colonisent déjà mon menton, je ne suis plus à un ou deux près. Le ronron rassurant du chauffage me plonge dans une torpeur agréable.
Je parcours rapidement les articles. Ils sont plus ou moins intéressants, jusqu'à ce qu'un attire mon attention : "Une chocolaterie pour lier les coeurs ; enquête sur le chocolat traditionnel de Riseyberg". Intriguée, je me redresse sur mes oreillers et commence ma lecture.
"Une chocolaterie pour lier les coeurs.
Enquête sur le chocolat traditionnel de Riseyberg.
Il est à peine 7 heures, le petit village de Riseyberg s'éveille. C'est Andrea Krox, le fils du fondateur, qui nous accueille dans sa chocolaterie. Depuis plus de trente ans, il perpétue l'héritage de son père en confectionnant des chocolats dont lui seul connait la recette ; secret de famille oblige ! Plus que de simples pâtisseries, ces chocolats sont une véritable tradition à Riseyberg et petits et grands la prennent très au sérieux.
A l’occasion de son Tour de France des traditions de Noël, Alsace Mag a souhaité mettre en avant l’extraordinaire histoire de cette spécificité locale.
Aux origines, un drame Français
C'est en 1920 que Joseph Krox et sa famille s'établissent dans le petit village de Riseyberg, en Alsace. Son père, ouvrier spécialisé, est appelé pour participer à l'effort de reconstruction d'une région meurtrie par la guerre et vient à peine de sortir de 47 ans d'occupation allemande. En effet, suite à la signature de l'armistice en 1918, l'Alsace-Lorraine, qui était sous contrôle allemand depuis 1871, est "réintégrée" à la France. Se pose alors une question cruciale : que faire des Allemands présents en Alsace et des Alsaciens qui s'étaient "compromis" ? Des commissions de triage s'improvisent pour juger des milliers d’Alsaciens accusés d’avoir fraternisé avec le régime allemand, l'administration est épurée, les Allemands expulsés. Les gens perdent leurs repères et la méfiance devient la nouvelle normalité. Un profond malaise s'installe.
Un entrepreneur visionnaire
Joseph, qui n'a que 12 ans à l'époque, est profondément marqué par cette période. Dans ce climat hostile, seules les fêtes, et en particulier les fêtes de Noël, semblent offrir une période d'accalmie. Alors qu'il grandit et se découvre une passion pour la pâtisserie, il n'oublie pas ce sentiment si particulier qui l'anime à Noël : un moment de partage collectif qui unit par delà les différences, la magie des retrouvailles avec des gens qui nous sont chers... une trêve dans les douleurs et les rancunes.
Très tôt, un concept germe dans l'esprit de Joseph Krox : un chocolat qui serait aussi une tradition de partage et de fraternité, un symbole de l'esprit de Noël. Ce chocolat, il va passer dix ans à le créer, à l'imaginer dans les moindres détails. Petit à petit, le village va commencer à adopter cette tradition étrange, celle de s'offrir un chocolat à Noël, en exprimant sa gratitude à l'autre pour l'année passée. Un geste si simple en apparence, mais qui permet de se rappeler à quel point les liens qui nous unissent sont précieux.
Alors chaque Noël depuis 60 ans, cette petite chocolaterie s'anime tandis que tout le village vient chercher sa boite à déposer sous le sapin. Andrea, le fils de Joseph, est fier de perpétuer cette tradition. Il sait que cette année encore, un chocolat et un mot échangés pourront réparer une relation abîmée.
Par Aymeric Duvivier et Claudine Elatou, journalistes Alsace Mag"
Je referme mon ordinateur, secouée, la gorgé nouée. J'ai besoin d'un moment pour emmagasiner toute l'information que je viens de recevoir. C'est donc ça l'histoire de cette chocolaterie. Gabriel n'a pas seulement une affaire familiale à reprendre, mais toute une tradition symbolique à porter. Tu parles d'un héritage pesant...
Je me gratte pensivement la tête. Je dois me rendre à l'évidence : ce chocolat, ce n'est pas n'importe lequel, c'est le goût de la tradition. Une tradition que nul ne pourra reproduire à part celui qui connait son goût par coeur, Gabriel.
Je prends une grande inspiration. Je sais que je m'apprête à vivre un moment très pénible ; celui où on appelle son ex pour lui demander de se remettre ensemble. Avec une potentielle humiliation à la clé si ce dernier est passé à autre chose. Je ne l'ai jamais fait mais bon dieu ce n'est pas agréable. Les mains un peu tremblantes, j'attrape mon téléphone de ma main encore grasse de chips : 06 10...
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Pour précision, je me suis appuyée sur des réalités historiques (le "malaise alsacien") pour le contexte de l'ouverture de la chocolaterie, mais tout cela a été romancé (toutes mes excuses aux historiens parmi vous).
J'ai beaucoup aimé écrire ce chapitre, qui permet d'ancrer de nombreuses thématiques qui seront présentes dans cette fiction.
Dans le prochain chapitre on découvrira le prochain défi qui attend Gabriel et Salomé, et un nouveau personnage fera son apparition ! Ce sera plus fun ;)
Merci pour votre lecture et à très vite,
Rian
14 commentaires
Sarael
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Il y a 15 jours
Ama Ves
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Il y a 16 jours
Thalie C
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Il y a 19 jours
Rian
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Il y a 18 jours
Angel Guyot
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Il y a un mois
Rian
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Il y a 25 jours