Fyctia
Chapitre 2 - Salomé
- Bon, il va d'abord falloir me sortir tous les numéros des fournisseurs pour la liste d'ingrédients que je vais te donner. Ensuite, il faudra les appeler et voir dans quels délais ils peuvent nous livrer.
Je le regarde sans répondre. Pas un bonjour, pas un mot de présentation, et déjà cet inconnu me parle comme un patron vieux et gras s'adresserait à sa secrétaire. C'est Andrea qui rompt ce silence gênant :
- Gabriel, arrête de faire l'enfant. Salomé, il n'y a rien de personnel, c'est simplement que mon petit-fils n'a qu'une chose en tête en ce moment, partir à New York pour y faire je ne sais quoi... mais probablement quelque chose de beaucoup plus important.
Je ressens une pointe de satisfaction en entendant cette petite pique envoyée par le grand-père.
- Oui, Salomé - il insiste sur mon nom - il n'y a rien de personnel mais il se trouve que mon grand-père a bloqué les fonds promis pour mon voyage, et que je me retrouve ici à cause du chantage qu'il me fait. Alors je te prie de m'excuser de me passer des politesses, mais j'ai besoin que cette situation se règle rapidement.
Je souris par réflexe, seule réaction que mon corps s'autorise dans cette ambiance de malaise qui commence à peser bien lourd. Alors voilà pourquoi il me déteste : je suis l'obstacle entre lui et son départ. Malgré tout, ses gamineries n'auront pas raison de moi : je suis une femme mature qui peut discuter calmement et dans le contrôle de ses émotions... même si j'ai très envie de le noyer dans une cuve de chocolat. Et puis il veut que ça se termine le plus vite possible ? Ca tombe bien, moi aussi : dans un mois je serai dans le train pour la Suisse, en route vers mon rêve. Je tente d'apaiser l'ambiance :
- Merci Gabriel pour ton aide. On pourrait commencer avec la liste des fournisseurs. On y va maintenant ?
Andrea, qui semble très content que la situation se règle et que les choses avancent, s'empresse d'approuver cette idée et en profite pour nous fausser compagnie en marmonnant une excuse bidon. Je saisis ce moment de flottement pour attraper un vieux calepin qui trône sur une étagère en bazar, ainsi qu'un crayon à la mine usée, puis je m'assois sur la table ronde du fond de la cuisine. Sans un mot, Gabriel me rejoint sur le siège en face du mien, et sort de son sac à dos hermétique un ordinateur aussi fin qu'une feuille de papier. Tout proche de moi, je peux l'observer de plus près et je remarque que sa chemise n'est pas correctement boutonnée. Il a vraiment dû partir en catastrophe. Ses mains fines pianotent rapidement sur son clavier et je ne peux m'empêcher de penser qu'elles ont l'air vraiment douces. Il gratte sa barbe de trois jours dans un geste très semblable à celui d'Andrea, ce qui me fait sourire intérieurement : pour deux personnes qui ne se supportent pas, ils ont beaucoup en commun.
- Je vais t'envoyer la liste des ingrédients et un fichier de fournisseurs. Il faudra juste que tu rassembles les numéros et que tu les appelles. Je peux prendre les cinq premiers ingrédients et toi le reste.
J'acquiesce, et je sors mon téléphone et je me mets au travail, notant chaque nom et chaque numéro sur les feuilles de papier. La mine est vraiment usée et je dois appuyer comme une folle pour écrire.
- Tiens, me lance Gabriel sans me regarder, en me tendant un crayon neuf. Tu me fais de la peine.
Je le prends sans le remercier, et on continue à travailler en silence. Sans mentir, j'ai connu plus fun comme travail de groupe.
13 commentaires
Sarael
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Il y a 16 jours
Ama Ves
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Il y a 16 jours
Rian
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Il y a 14 jours
mima77
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Il y a 19 jours
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Il y a 18 jours
lovelover
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Il y a un mois
loup pourpre
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Il y a un mois