Dacia Les bonnes résolutions 9. Lenny. 3/5

9. Lenny. 3/5



Après m’être faufilé dans la circulation, je m’assure qu’on ne risque rien et lance un regard dans le rétroviseur. Maéva dort à poings fermés, allongée de tout son long sur la banquette arrière, une mèche de cheveux recouvre son visage ovale et si blanc. On dirait un ange. Un ange déchut recouvert d’un perfecto en cuir noir. Les questions qu’elle m’a posées tout à l’heure viennent heurter mon esprit. 


Je lance deux ou trois, « Hey, gamine ! Tu baves !», sans réaction. Elle dort vraiment. Profondément. Elle ne n’aurait pas pu ne pas répondre à cela. Alors, je rive mes yeux sur la route et laisse échapper les mots qui pèsent si fort sur mon cœur depuis tout à l’heure.


— Parce que « I Am Legend », parce que je suis un « Bad Boy For Life », parce que pour certains, je suis un « Ennemi d’état » tandis que pour d’autres je suis un « prince ». Parce qu’à moi seul, je suis la moitié de la filmographie de Will Smith. Un type en quête « d’émancipation », un type en «  recherche du bonheur » que « Sept Vies » ne lui apporteront jamais. Et, parce que je ne vois que toi, mais ça, tu vois, c’est interdit.


Toujours aucun bruit, juste des ronflements, plus courts, plus calmes, si bien que j’hésite à regarder de nouveau dans le rétro. Et quand je le fais, je lance :


—T’as intérêt d’être en train de dormir !


Et, ouf ! C’est le cas. Une bonne nuit de sommeil lui fera le plus grand bien. Ça nous ferait le plus grand bien. Je ne me souviens pas de la dernière fois où j’ai pu dormir plus de quatre heures. Depuis plusieurs jours, mes journées se résument à aller en cours, puis dans mon appartement pour la réception des meubles, une bonne douche, signer les papiers de vente, et elles se terminent exactement à l’endroit où je me rends à présent.


Deux jours. Plus que deux jours à tenir ce rythme, et je pourrais enfin retrouver ma vie. Maéva va mieux, même si ça peu paraître difficile à croire alors qu’elle comate sur la banquette arrière, mais je suis rassuré à présent que je sais qu’elle peut compter sur quelqu’un comme Coral : elle est précisément le rayon de soleil dont Maéva a besoin, aujourd’hui. Il ne me reste plus qu’une chose à faire : partir. Sauf que cette fois, je vais bien faire les choses. Je ne partirai pas comme un voleur, mais en fanfare. Avant toute choses, je vais devoir extirper ce petit corps étalé de tout son long sur les sièges.


—Hey, gamine ! Réveille-toi, on est arrivés.


—Encore cinq minutes… juste cinq, promis…


Maéva se débat quand je pousse sur ses épaules, et grommelle en remontant ses genoux en position fœtale contre son ventre tout en tâtonnant à la recherche d’une couverture invisible. Et, bordel ! Je dois lutter de toutes mes forces pour empêcher mon regard de dévier sur ses cuisses presque aussi blanches que le chemisier qu’elle porte, et dont les deux premiers boutons se sont défaits durant son mouvement.


—Désolé Morphée, il faudra remettre votre étreinte à plus tard !


Je m’empare des chevilles recroquevillées que je tire brusquement en direction de la portière ouverte, pour faire glisser le long corps sur les coussins de la banquette arrière. Quand ses pieds sont à l’extérieur et que le mini-short en jeans se retrouve à hauteur du dernier coussin, je passe mes bras autours de sa taille, et, hop ! Maéva gagne un aller simple sur mes épaules.


—Putain ! Mais qu’est-ce que tu fabriques ?


—Hors de question que je te laisse baver plus longtemps sur les sièges ! J’énonce tandis qu’elle se débat comme une lionne et frappe mes épaules avec la force d’une personne que l’on vient de réveiller : c’est à dire, très peu.


—C’est ma voiture !! elle crache et je me mords l’intérieur de la joue pour ne pas lui répondre. Oups, j’avais oublié ce détails ! OK, lâche-moi maintenant ! Je suis réveillée, elle clame, et j’hésite.


—T’es sûre ? Je demande, ses jambes fermement maintenues entre mes bras.


—C'est mieux que de rester là à admirer la vue imprenable que m’offre ton gros cu!


La remarque concernant mon magnifique postérieur —contrairement à ce qu’elle en dit—, manque de me faire éclater de rire, si bien que mes jambes chancellent sous nos poids cumulés.


—Ça devrait être interdit d’être aussi con ! Clame Maéva sitôt les pieds au sol. On ne t’as jamais appris le sens du mot délicatesse ?


—C’est quand même pas de ma faute si madame a le sommeil aussi profond ! Je clame à mon tour. D’ailleurs, j’espère que tu as pensé à assurer ta voiture contre les catastrophes naturelles, j’affirme en pointant une trace de bave sur son joli menton. On a frôlé l’inondation !


Ses joues s’embrasent tandis qu’elle frotte la commissure de ses lèvres de manière frénétique. Aimable, je lui indique que sa tâche est terminée, ce que je regrette aussitôt. D’avoir voulu me montrer « aimable », je veux dire.


—T’as raison, je devrais contacter mon assurance. Juste pour vérifier si je ne vais pas avoir un malus à cause du cul de pachyderme que j’ai laissé s’installer au volant !

—Pfff… mon cul est PARFAIT !


—Ouais, bah tu ne dois pas souvent le regarder.

Pardon ?


Je suis sur le point de lui rétorquer qu’aucune femme ne s’est jamais plaintes de mon postérieur, pas plus que de n’importe qu’elle autre partie de mon corps, lorsque notre échange d’amabilité est coupé par une voix.


—Enfin, vous voilà ! Je me suis inquiétée, déclare Holly en nous rejoignant.


—Maman ?


Maéva hoquette lorsque sa mère débarque dans son dos, et je me renfrogne. Elle n’est pas bête, loin de là. Si Holly ne trouve pas une raison crédible à sa soudaine arrivée, Maéva finira par découvrir que nous sommes en contact, et il ne lui faudra pas longtemps pour comprendre les raisons de mon retour.


—Vous devez être… débute Holly en me tendant une main en guise de salut.


Elle n’a rien perdue de son sens de la comédie, et feint à merveille de ne pas me connaître. J’entre dans son jeu, rasséréné, mais sans oublier que la femme qui se tient en face de moi s’est toujours montrée plus que distante, en ce qui me concerne.


—Lenny, je termine sans répondre à son geste.


Bien qu’il puisse sembler naturel, les tremblements de sa main tendue expriment de manière flagrante ses ressentis envers la couleur de ma peau. Envers tout ce que je suis.

J’ai beaucoup de défaut, mais je ne suis pas faux-cul. En revanche, je suis rancunier et plutôt bon comédien.


—Votre fille a une intoxication alimentaire, j’indique alors que Holly toise Maéva. Je me suis proposé de les raccompagner, son amie Coral et elle.


—Ah, oui. Merci, murmure-t-elle en saisissant la perche que je lui tends. Coral m’a… prévenue.


Madame Holly Williams, vous obtenez votre BAC menteuse professionnelle avec la mention « très bien » ! Tant mieux. Notre petit secret ne sera pas découvert, Maéva va pouvoir se reposer et moi, je peux regagner ma moto. Il me reste pas mal de choses à faire avec les derniers préparatifs pour mon au revoir qui, je l’espère, sera le dernier. Cette fois.



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5 commentaires

Emeline Guezel

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Il y a un an

À jour 🥰
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