Fyctia

_ Sami !

Je me fige. Cette voix. C’est impossible. Qu’est-ce qu’il fait là ? Je l’entends encore m’appeler, et je décide de me retourner pour en avoir le cœur net. Travis !

_ Sami, je t’ai enfin retrouvé. A croire que tu te cachais.

_ Travis ? Mais qu’est-ce que tu fais là ?

_ C’est Emma qui m’envoie.

Emma ! J’aurai dû m’en douter. Mais pourquoi lui ? Comme si il lisait dans mes pensées, il dit :

_ J’étais dans le coin pour les affaires. On peut s’installer quelque part pour discuter ?

_ Je travaille là !

Mon ton n’est pas très agréable.

_ J’ai tout mon temps. Je vais t’attendre.

Et il reste là, droit comme un I, dans son costume trois pièces bleu marine sur lequel il a enfilé un trench-coat noir. Il est beau comme un dieu, avec ses cheveux châtains qu’il a plus court que l’année dernière.

_ Si tu comptes vraiment rester, assied-toi sur le banc derrière toi s’il te plait.

Il ne dis rien mais obéit. Je vais avoir du mal à me concentrer, le sachant à quelques pas de moi. Alors je mets mes AirPods, et m’immerge dans la musique classique. Je me recentre, regarde autour de moi, et poursuit mes clichés. Je perds la notion du temps, comme à chaque fois, tellement réceptive à tout ce qui m’entoure. Un oiseau construisant son nid, un enfant qui joue avec une branche, des amoureux qui s’embrassent sur un banc, une grand-mère tenant la main de son petit-fils, les rayons du soleil à travers les nuages.

Cela fait un que je vis en France, à Paris. Je suis immédiatement tombée sous le charme de tout ce que cette ville a à offrir. Au début, j’ai découvert la capitale comme une touriste. L’Arc de Triomphe, le musée du Louvre, la Tour Eiffel, le jardin des Tuileries, celui du Luxembourg et tellement d’autres lieux tout aussi magnifiques. Au bout de quelques mois, j’ai commencé à explorer la ville par moi-même, et à découvrir d’autres lieux méconnus, mais tellement authentiques. La ville change au gré des saisons, et j’ai pris plaisir à l’immortaliser à chaque instant. Je ne sais pas depuis combien de temps il m’attends, mais quand enfin je m’arrête, il est toujours là, assit sur le banc, à m’observer.

_ Je suis prête.

Je m’attends à ce qu’il me fasse une réflexion pour l’avoir fait attendre, mais non. Il me dit simplement :

_ Je te suis.

Nous sommes près de la place du Sacré-Cœur. L’endroit est bondé. Les vacances scolaires ont commencé et les touristes ont débarqué. Nous marchons en silence et trouvons finalement une place à la terrasse d’un bistrot. Il commande un café et moi un chocolat chaud viennois.

_ Qu’est-ce que tu deviens ?

_ Tu veux vraiment faire ça Travis ?

_ Comment ça ?

_ Tu ne t’es jamais vraiment intéressé à moi. Alors dis-moi pourquoi Emma t’envoie.

_ Ce n’est pas vrai Sami. Bien sûr que je m’intéresse à toi. Tu es comme ma petite sœur.

C’est bien là le problème.

_ Sauf que je ne suis plus petite et encore moins ta sœur. Je t’écoute.

_ Comme tu veux. Elle veut que tu rentres avec moi pour venir au bal.

_ Je lui ai déjà dit non.

_ Mais tu connais Emma. Elle ne renonce jamais.

_ Et moi non plus maintenant. J’ai envie de la voir, ainsi que mon père et tes parents, mais je ne rentrerais pas.

_ Elle ne te demande pas de revenir vivre à New-York. Juste de passer quelques jours avec nous, chez tes parents. C’est la tradition Sami.

_ Arrête de m’appeler comme ça s’il te plait. Et les traditions, ça se changent.

Il me regarde, perplexe. Visiblement, il ne s’attendait pas à ça. Mais c’est fini, je ne suis plus la gentille petite Sami, discrète et obéissante. Je sais ce que je veux et je m’affirme enfin.

_ Ecoute. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé avec ta mère, et je ne veux pas m’en mêler. Mais nous autres, nous n’avons rien fait. Fais le pour nous s’il te plait. J’ai vu ton père récemment, je sais que tu lui manques.

Le fourbe. Il joue sur la corde sensible. J’appelle mon père toutes les semaines, mais j’avoue que ce n’est pas pareil. Il me manque. Et Emma aussi. Même si elle a utilisé son billet en mai dernier, et qu’elle a passé deux semaines avec moi. Deux semaines géniales, complètement libre de toute entrave. C’était la première fois que l’on se retrouvait ainsi, rien qu’elle et moi. Nous avons profité de chaque instant, à rigoler, pleurer parfois, mais surtout à parler.

_ Sami !

Il se reprend quand il voit mon visage se fermer.

_ Samantha. S’il te plait. Même Léo et moi sommes rentrés à temps l’année dernière. Ton père et Léo ont dû gérer ta mère après ton départ, et crois-moi, ça n’a pas été simple. Ce n’est pas un reproche, juste un fait.

_ Je ne peux pas partir comme ça Travis. Je dois m’organiser.

_ Pour faire quoi ?

_ Pour commencer, je ne suis même pas sûre de trouver un billet d’avion.

_ Pas de soucis, je suis venu avec mon jet. J’avais prévu de te ramener.

Il ne doute vraiment de rien. Il était persuadé de me convaincre de rentrer. Ou alors il pensait trouver l’ancienne Samantha.

_ Je dois préparer mon sac. Et prévenir quelques personnes de mon absence.

_ D’accord.

_ On se retrouve à l’aéroport alors.

_ Non, je ne te lâche pas. Je ne veux pas que tu me fasses faux bond.

Pas si sûre de lui finalement. On termine nos boissons qu’une serveuse nous a déposé entre temps, puis nous partons.