Fyctia

La soirée se poursuit, je danse à nouveau avec Marc. Nous sommes les plus jeunes, alors personne ne fait attention à nous. Au bout d’un moment, je leur avoue que je m’ennuie, et on décide de monter dans ma chambre. C’est mon endroit à moi. La seule chose que ma mère n’a pu contrôler. Mon père avait été ferme sur ce sujet, j’avais le droit de la décorer comme je le voulais. Elle représente mon âme d’artiste. J’ai accroché mes photographies, mais aussi celles d’artistes qui m’inspirent. Ma préférée surplombe mon lit king size. Elle se nomme « Larmes de verre », par Emmanuel Radnitsky, connu sous le nom de Man Ray. Elle expose une partie du visage d’une femme, des larmes sous les yeux. Quand je la regarde, j’ai l’impression de me voir, emprisonnée dans cette vie que je n’ai pas choisi, sans aucun moyen d’y échapper, seule et triste. Un jour, j’aurai le courage de prendre ma vie en main. En tout cas, je l’espère. Emma s’installe sur mon lit et commence à lire. Marc s’assoit à côté de moi, et je lui montre mes derniers clichés sur mon ordinateur. J’aimerais développer mes photos dans une chambre noire, le rendu est tellement plus authentique. Mais ma mère ne sait même pas que j’ai un appareil photo. Sinon, elle me ferait remarquer que c’est une activité futile et inutile. Attention, ne vous méprenez pas, nous avons pleins d’œuvres d’art dans la maison. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai découvert la puissance de l’art, tout ce que l’on peut transmettre avec une image. Mais ces peintures ne sont là qu’en représentation, pour les apparences. Marc me fait certaines remarques pertinentes sur mon travail, et je décide d’essayer une de ses idées. Je prends mon appareil et me cache sur le palier de l’étage. De là où je suis, j’ai une vue imprenable sur la salle de réception et les invités. Je commence à prendre quelques photos, puis Travis se retrouve devant mon objectif. Il danse avec une femme, aussi grande que lui. De loin, ils ont l’air intime. Je règle mon objectif et capture l’instant avec plusieurs clichés, jouant sur les ombres et la profondeur de champ comme me l’a suggéré Marc. Je zoome ensuite pour ne cadrer que le visage de Travis, et je prend quelques photos supplémentaires. Quand je les télécharge sur mon ordinateurs, je laisse volontairement celles du visage de Travis sur l’appareil photo. Je les regarderais plus tard, quand je serais seule. Vers minuit, Emma et Marc vont se coucher. Ils sont logés dans la même aile que la mienne, comme Travis. Je m’endors en rêvant de lui, de son sourire mystérieux et de ses beaux yeux verts.