Jean-Marc-Nicolas.G Les Anachorètes Le temps modifié.

Le temps modifié.

Dans un espace sombre et impénétrable, deux silhouettes grandes et longilignes aux habits de noir et au visage énigmatiques semblent observer une scène sur un grand tabernacle à l’écran luminescent. On distingue bien leur visage au moment où ils s’y penchent à cause de la clarté qui s’en dégage.


Penses-tu qu’il soit nécessaire d’intervenir ?


—Nous allons devoir le faire, Kaôse, nous allons devoir.


—Redéfinissons la période de l’hôpital et examinons les conséquences puis nous aviserons.


******


…Ecoutez Docteur De Grangier, je n’y comprends absolument rien, nous étions tranquillement en train de discuter et il s’est subitement effondré, ses yeux se sont révulsés, je l’ai alors placé en position de sécurité pour qu’il n’avale pas sa langue puis, j’ai appelé les secours voilà tout…


Je sais que le Docteur De Grangier va poser sa main sur la mienne et va me dire.


Pierre ne vous inquiétez pas vous êtes désormais en sécurité, demain vous serez admis dans mon service à la maison Blanche de Haute Ville.


*******


Je me trouve dans la chambre de la clinique psychiatrique, je ne comprends pas ce qui s’est passé. Il y a Carole qui me veille, elle est assise sur un fauteuil, à coté de mon lit, puis elle s’aperçoit que je la regarde et sort précipitamment de la chambre.


Docteur ! Docteur ! Pierre est réveillé.


Carole et le Docteur De Grangier se précipitent dans ma chambre, d’autres internes suivent.


Pierre comment vous sentez vous ? vous m’entendez ?


Oui je vous entends, Je vais bien.


—Chéri tu ne te réveillais pas, je me suis beaucoup inquiétée. Tu as été empoisonné par le Professeur Bernard, il a été démasqué et il est dans les locaux de la police depuis mercredi.


—Mais comment depuis mercredi ? Je suis là depuis quand ?


—Tu es ici depuis une semaine mon amour.


—Depuis une semaine ?! Mais j’étais dans le service des urgences il y a à peine un instant !


—Non Pierre, c’étais samedi dernier et nous sommes samedi, c’est votre état qui vous donne l’impression que le temps n’est pas passé. Vous avez subi l’injection d’un puissant narcotique qui a été mis au point par un type qui s’appelait Weller et utilisé par les professeurs Bernard et Thaubh. Ce narcotique a été employé, notamment pour des expériences destinées à modifier le niveau de conscience de leurs patients. Vous êtes alors en état cataleptique très prononcé. L’année dernière à Vancouver deux de leurs patients, ont été plongés dans le même niveau de conscience que le vôtre, mais eux, n’ont toujours pas repris connaissance. Ils flottent dans une réalité inconnue sans doute entre le vide et le néant. Ecoutez, Pierre, je vous propose de vous reposer ici, quelques jours, juste le temps de faire les dernières analyses de sang. Cette drogue n’a pas amélioré votre état de santé. Au contraire ! Puis vous pourrez rentrer chez vous.


Le Docteur De Grangier se tourne vers Carole.


Je peux vous voir un instant Carole ?


Une fois les deux femmes dans le couloir de la clinique…


Je dois vous dire ce que je pense, je suis très inquiète de son état de santé. Cet homme souffre d’une schizophrénie aiguë doublée d’une paranoïa évolutive. Il pense qu’il est ballotté entre deux mondes, qu’il rencontre des créatures fantasmagoriques que même l’écrivain le plus prolifique ne serait pas en mesure d’imaginer. Qu’il est menacé parfois la nuit par une bête terrifiante ! Il n’a plus la notion du temps. Vous comprenez qu’il est hors de question de l’Héberger chez vous. Sa pathologie est trop lourde, et vous devez penser à sa sécurité avant tout. Nous devons avoir le souci de le protéger. Il y a quelques jours lorsqu’il est venu me voir à mon cabinet, il avait des hématomes sur les bras et la gorge. Et je n’ai pas souhaité aller voir plus loin.


Un lourd silence se pose là, entre les deux femmes, elles se regardent de manière grave. Puis Carole reprend.


Vous pensez que Pierre s’inflige des souffrances physiques ?


—Oui, j’en suis persuadé.


La voix de Carole se met à trembler, son regard se trouble de larmes qui s’écoulent très vite le long de ses joues. Elle renifle, le Docteur De Grangier lui passe un mouchoir.


C’est terrible Docteur, j’avais enfin rencontré l’homme de ma vie, je commençais, en secret à faire des projets. C’est un homme bon, vous savez, et c’est trop rare de nos jours pour ne pas le souligner. Mais pour quelle raison s’inflige-t-il une telle épreuve ?


—Cet homme doit supporter un immense chagrin, il considère qu’il est responsable de la mort accidentelle de sa femme et de sa fille. Son esprit ne peut se résigner de ce drame, et il s’est produit comme une déconnexion de l’acceptable. Le monde Noir, comme il l’appelle, est un monde de souffrance qu’il s’est créé, il considère que c’est à cet « endroit » précisément qu’il doit subir son chagrin. Vous comprenez ? Mais là où cela devient dangereux, et c’est ce que je veux vous faire toucher du doigt, c’est qu’il estime devoir subir des tourments sous forme de supplices ou de tortures ! C’est la raison pour laquelle je dois insister pour que vous compreniez bien son état de santé.


Carole semble résignée, les deux mains sur son visage !


Très bien Docteur agissez pour le mieux. De mon côté, je sais qu’il a encore ses parents, je vais m’efforcer de les contacter.


—Oui mais je sais qu’ils s’étaient éloignés les uns des autres, ses parents l’ont tenu responsable du décès de sa femme et sa fille. Ce ne sera pas simple.


—Je ne savais pas, il ne m’en avait rien dit…


*******


Nous arpentons les dédales de l’édifice qui semble sans fin, je pense à Carole qui semble tant affectée par mon état, elle me manque, je pense aussi à ce salop de Professeur Bernard, il a été arrêté mais au fait à quoi voulait-il en arriver en m’inoculant son narcotique ? Et mes parents ? On ne se voyait plus beaucoup ces dernières années. Mon père m’a toujours tenu responsable de la mort de ma femme et de sa petite fille.

» Un chef de famille responsable prend en charge sa famille ! Il ne la laisse pas rentrer seule, tard le soir »

Peut-être a-t-il raison, si j’avais récupéré Stella et Freïne chez ma belle-mère ce soir-là, peut être que ?


...Milène me ramène au présent.


Tu es songeur mon petit Pierre, je n’aime pas te voir triste, à quoi penses-tu ?


—A tout et à rien, à ma vie dans le monde lumineux comme tu l’appelles. Mes parents, ma fille, ma femme.


—Tu es mariée ?


—Non plus maintenant, j’ai perdu ma femme et ma petite fille dans un accident de voiture il y a cinq ans déjà.


...

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7 commentaires

Leoden

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Il y a 6 ans

la je m'avoue vaincu, plus j'avance ,plus je sombre dans le monde noir et plus je me dis que ce monde a aussi ses nuances. comme je l'avais imaginé Carole prend plus facilement le coté des médecins que de croire son amoureux... petite pause et j'y retourne. ^^

Sand Canavaggia

-

Il y a 6 ans

Au terme de ma relecture j'ai des frissons comme si je la lisais pour la première fois, bien que les derniers chaps étaient nouveaux… Je me sens encore comme une balle à rebondir avec Pierre dans trois espaces, les émissaires, puis Carole et finir par Milène. A ce stade je me demande, Est-ce que les émissaires vont lui permettre de fermer ces portes dans le temps ? Ce qui pourrait lui permettre de rester là ou il le souhaite. Est-ce que la force de son amour pour Carole éteindra ses douleurs et lui permettra l'équilibre ? Est-ce que la compression de ces espaces ne va pas être rétabli nous dévoilant un Pierre qui n'aura aucuns souvenirs de tout cela, vivant avec Carole, équilibré, avec peut-être des enfants dans son quotidien que je ressens plutôt triste ? Est-ce que Milène va être une aide contre Guerda et les autres assaillants du monde noir ? NB : Une écriture déliée, facile à lire, très vivante, expressive des moindres mouvements de l'histoire. Je n'ai qu'une chose à te souhaiter c'est une bonne continuation de ton écrit et le plaisir pour moi de continuer à te suivre dans ton monde. Merci de ce partage.
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