Jean-Marc-Nicolas.G Les Anachorètes Nouvelles de la presse.

Nouvelles de la presse.

C’est dimanche matin, je me réveille, Carole n’est plus dans le lit. Je l’entends dans la salle de bain à côté prendre sa douche. Je pense à cette nuit… Et quelle nuit ! Une nuit mouvementée, une nuit cauchemardesque.


Carole pénètre dans la chambre, les cheveux mouillés et un peignoir blanc croisé, serré par une ceinture.


— « Bonjour mon amour ! Alors bien dormi ? Mis à part l’interruption de 2h15 ! « - Carole éclate de rire. –


Elle s’allonge de tout son long sur moi.


— « Tu es un sacré loustic ! Je n’en ai jamais rencontré des comme toi. «


Et tout en me parlant, elle m’assaille de baisers sur tout le visage. Puis elle s’arrête et m’observe un petit moment, nos regards se croisent, j’admire ses yeux vert émeraude.


— « Bon ! Tu te prépares ? La salle d’eau est libre, pendant ce temps je m’habille et on se rejoint dans la cuisine. «


— « Très bien. Mais c’est quoi ce bruit qui vient d’en bas ? «


— « C’est Betty, ma femme de ménage. Elle a eu la gentillesse de venir aujourd’hui, même un dimanche. Je ne pouvais pas laisser la maison ainsi. »


Elle se lève et me tire du lit avec ses deux mains, puis en me tapotant gentiment les fesses tout en éclatant de rire…


— « Allez mon petit vampire ! Va vite à la salle de bain ! «


Après ma douche, je m’habille et je descends au rez de chaussée rejoindre Carole. Le bruit de l’aspirateur a cessé, j’entre dans la cuisine où les deux femmes discutent à voix basse.


— « Tiens voilà mon homme. Betty, je te présente Pierre. Nous travaillons dans la même agence immobilière…depuis deux ans déjà ? «


— « Oui, un peu plus de deux ans. «


— « Enfin bref ! Depuis un peu plus de deux ans, ce Monsieur me fait languir. Il ne voit rien, ne s’aperçoit de rien, il vit dans son monde ! «


— « Ma pauvre Carole, je ne sais plus si je vis dans mon monde ou si c’est mon monde qui m’habite. «


Je ne sais pas trop quoi répondre, les deux femmes m’observent d’un regard convenu, avec de l’appétit dans leur expression, un rictus sur leurs lèvres comme pour souligner une forme d’entente entre femmes.


Je dois dire que Betty qui doit avoir à peu près le même âge que Carole est aussi jolie qu’elle, mais c’est un type de femme différent. Ses cheveux courts bruns-roux et tout bouclés, barrés par un fichu lui donnent un charme fou.


Je regarde de chaque côté, des bouclettes torsadées retomber délicieusement le long de ses joues. Elle a des pommettes saillantes, un large visage habité par deux grands yeux clairs, une bouche bien dessinée aussi appétissante qu’un fruit rouge !


Une machine à tomber amoureux, à devenir un pantin.


— « Viens t’asseoir là mon chéri ! Betty a préparé du thé noir. Il n’aime que le thé noir Betty et moi évidemment ! »


Les deux femmes se regardent de connivence avec un petit sourire entendu. Betty me sert le thé avec une rondelle de citron. Décidément Carole est bien observatrice depuis que je prends mon thé à l’agence. Elle me tend une petite assiette de viennoiserie.


— « Tiens Betty nous a fait des croissants, ils sont tout chauds. »


Un silence court et gênant s’installe, pendant lequel on entend le bruit des petites cuillères qui tintent contre la paroi des tasses.


— « Ce matin il y a un marché au centre-ville, si tu veux on peut s’y rendre ? «


— « Oui, je veux bien, les marchés ont quelque-chose d’apaisant. »


Carole reprend.


— « Il y a un poissonnier, s’il a des bars, je te les fais en croûte, c’est ma spécialité ! «


Encore un peu intimidé par la présence des deux jeunes femmes, j’acquiesce juste de la tête.


En chemin, vers le marché, nous nous arrêtons au tabac presse, pour y prendre le journal comme à mon habitude. Puis nous promenons au travers des étals jusqu’au camion du poissonnier.


— « Ah c’est parfait ! Il y a des bars. «


— « Et cette petite dame qu’est ce que je lui sers ? «


Elle tend son index en direction des poissons.


— « Je veux ces deux bars. Là ! «


Puis elle continue, pendant que le poissonnier écaille et vide les poissons.


— « Tu sais Betty et moi allions dans la même école primaire. Cette école-là, tu vois ? »


Elle m’indique l’établissement en hochant de la tête. Je feins d’être surpris alors que je suis préoccupé par bien d’autres choses.


— « Oui, tu sais elle n’a pas eu ma chance, son milieu est plus modeste que le mien. Même si son père était contremaître à l’usine de papa. Mais un jour, un drame a frappé cette famille, son père est mort accidentellement dans la filature. La tragédie a bouleversé tout le monde, toute la ville suivait le corbillard, Betty avait alors seize ans. Même si sa mère a reçu des indemnités confortables, papa s’est cru obliger d’aider cette famille. Il a soutenu Betty pour ses études de marketing. Pour exercer son métier il aurait fallu qu’elle parte à Paris mais elle ne le souhaitait pas. Ici, il n’y a pas beaucoup d’emploi intéressant, alors, j’ai préféré l’employer à temps complet. »


Tout en discutant nous arrivons devant une terrasse de café, sous l’ombre des peupliers.


— « Parfois le dimanche matin, je viens là, je m’assois et j’observe les gens qui passent. »


En écoutant Carole, je déplie le journal local et d’un œil discret, je parcours la première page quand tout à coup je tombe sur un article surprenant.


« Hier, un événement inexpliqué s’est produit, le train de banlieue numéro 6 de samedi matin a comme disparu des écrans de contrôle pendant douze minutes. Il a toutefois marqué aucun retard car il est arrivé à l’heure. »


Puis plus bas, je remarque un autre article.


"On signale la disparition de quatre jeunes-hommes du quartier des Batignolles."


"Hier quatre jeunes gens ont disparus mystérieusement, les caméras de surveillance les ont bien enregistrés lors de la prise des billets puis sur le quai, juste au moment où ils montaient dans le train. Mais ensuite, il n’y a plus aucune trace de ces quatre personnes sur les caméras de contrôle !"


" La gendarmerie mène son enquête."


Je pense logiquement si on pousse le raisonnement jusqu’au bout que ces hommes sont bien montés dans le train mais n'en sont jamais descendus. Puis plus loin en deuxième page je peux lire.


" La rame N°6 doit-être envoyée en atelier, l’équipe technique a décelé une fragilité de la superstructure du plancher supérieur et de sa toiture sur l'un de ses wagons. "


Je commence à penser que les expériences que je vis depuis quelques jours deviennent très inquiétantes car visiblement elles n’affectent plus uniquement ma personne.


La réalité du monde noir interfère de plus en plus dangereusement avec notre monde.

Il est temps que j’en parle au professeur Bernard.

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7 commentaires

Sand Canavaggia

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Il y a 6 ans

Bon, les jeunes ont bien existé mais pas dans le souvenir des voyageurs, le journal en parle et Pierre se dit que les mondes ont un pouvoir sur son présent et influe de façons étrange sur tout le monde. Des disparus que l'on ne retrouvera jamais, un lien avec des disparitions d'aujourd'hui et en lisant je me dis que tant nous avons cela sans le voir...lol ;) Par contre en plus de ces indices c'est un chapitre que je nomme "respiration", il aère d'un coup l'effroi ressenti dans les précédents avec la quiétude d'un petit-déj en amoureux et une balade sur le marché.

RichardMalk

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Il y a 6 ans

Je suis revenu pour encourager cet écrit, nouveau sur la plate-forme, je n'avais pas compris les votes pour chaque chapitre, j'ai mis du temps ! je reviens pour mon plaisir de lecture bien décidé à liker vos chapitres. Merci pour ces chapitres qui nous poussent aux questions sur ce nous et la réalité des choses. Le dernier lu nous montre une vie commune comme nous l'avons tous, une belle performance d'écriture qui rebondit d'une situation à l'autre.

Léa_B

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Il y a 6 ans

Drôle de situation après tout ce que j'ai lu ! Ca surprend, coupe un peu le fil et je suis per due dans le "normal" alors que ça devrait me rassurer !

Dariane

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Il y a 6 ans

C'est absolument génial, j'attends les chapitres comme une illumination ! Je pars dans les brumes noires et je m'y sens trop bien. Allez Carole c'est bien mais quand est ce que l'on retrouve le monde de nos terreurs ? Arrrg.

Sand Canavaggia

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Il y a 6 ans

Ah ! Un chapitre Fraîcheur !! On se sent presque bien là. J'aime beaucoup l'ambiance, étonnante. Toujours très accro de cette écriture rythmée et vraiment beaucoup de personnalité.

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 6 ans

Merci beaucoup,Pierre passe également de bons moments quelquefois
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