Jean-Marc-Nicolas.G Les Anachorètes Le temple des âmes perdues.

Le temple des âmes perdues.

Nous pénétrons dans une vaste salle ponctuée d’une multitude de fauteuils rouges, sales et vieillis. Au-devant, une scène et des rideaux cramoisis, on court vers le podium et on s’y hisse. Nous sommes visiblement dans un très vieux cinéma


Une fois sur le plateau, nous nous retournons, nous constatons que nos poursuivants sont également entrés dans la salle. Leurs bêtes de chasse ne laissaient apparaître qu’une énorme mâchoire composée d’une multitude d’épines acérées prêtent à mordre et déchiqueter.


Ces créatures n’ont pas d’yeux et pourtant elles nous voient. La femme s’écrit :


— « Vite ! Vite par-là ! »


On franchit une porte métallique coulissante, elle s’efforce de pousser le lourd vantail pour le refermer mais elle est lourde et semble figer par le temps dans sa position.


— « Aidez-moi bon sang ! « - s’écrie-t-elle. –


Je me mets à pousser, pousser, la porte commence à glisser, glisser, grincer, on pousse toujours plus fort. On entend les créatures qui arrivent près de la scène, nous poussons encore et encore cet immense panneau d’acier dont les crissements ressemblent à des gémissements et des plaintes qui font penser à une bête blessée, elle pèse des tonnes !


Mais la grosse structure semble s’être enfin libérée de l’oxydation de ses galets et poussant toujours de toutes nos forces, la lourde porte coulissante nous lâche subitement comme libérée et va se heurter contre l’embrasure.


C’est à ce moment précis que la première créature arrive sur le seuil. Elle tente de le franchir et se fait écraser dans un bruit de craquement d'os par le lourd vantail coulissant. La femme rabat promptement la manette de fermeture clôturant la fixation.


Au sol, se répend les viscères de l’Artride, nous nous regardons soulagés. Nous sommes en nage. Derrière la porte massive, nous entendons les cris de colère et les grincements des griffes sur la porte métallique !


— « Je m’appelle Guerda, et toi ? »


— « Je m’appelle Pierre. Mais Guerda c’est un nom de quelle origine ? »


— « D’origine allemande. » - Me répond-elle. –


— « Ah ! Vous êtes allemande, vous n’en avez pas le type ! «


Elle se met à rire.


— « Pourquoi ? Par ce que je ne suis pas blonde aux yeux bleus ? Venez, ne restons pas là ! « - Me dit-elle. –


— « La porte en fer ne les arrêtera pas indéfiniment. Je connais un lieu où nous serons en sécurité. »


Elle me prend la main et m’entraîne vers un long corridor, sombre, à peine éclairé par de faibles néons crasseux qui scintillent en crépitant, certains s’éteignent puis s’éclairent tour à tour.


Nous passons plusieurs portes qui semblent donner accès à des loges prévues pour les artistes. Au bout du couloir, Guerda pousse la lourde porte métallique et nous nous retrouvons à nouveau vers l’extérieur sur l’arrière du cinéma.


Au moment où nous sortons, on entend un bruit assourdissant.


— » C’est la porte en métal de l’intérieur qui s’est fracassée. ». - Me dit-elle. -


— « Ils arrivent. Ne restons pas là. « - Rajoute-t-elle. –


Nous reprenons notre course folle, arpentant les rues, trouées ça et là par des crevasses. Nous longeons des immeubles éventrés, nous nous hissons difficilement sur les tapis de gravats entravant souvent les avenues.


Nous devons alors gravir péniblement chaque talus de décombres pour redescendre de l’autre côté pris dans une glisse dangereuse accompagner par le dévalement d’un tas de débris.


De nombreux squelettes parsemant le sol, jalonnent notre trajet, puis nous arrivons devant un temple grec.


— « Vite ! » - Me répète-t-elle. –


On monte les marches du monumental escalier, de part et d’autre sur deux podiums, deux immenses lions, l’air menaçant, semblent monter la garde. Puis nous passons entre les colossales colonnes cannelées de style dorien, poussons une porte de bronze cyclopéenne puis la refermons.


— « Voilà ! ici nous sommes en sécurité, du moins pour un moment. « -Me dit Guerda. –


J’aperçois d’autres personnes, certaines semblent perdues, leur regard dans le vide, d’autres, enchaînées semblent prier à genoux.


— « Que font ces gens ? »


— « Ils prient pour se faire pardonner. Viens ! « - Répondit Guerda. -


On passe derrière un mur pour pénétrer dans une salle aux multiples colonnes.


— « Je suis épuisée. » - Dit Guerda en s’asseyant sur une banquette. -


Elle se gratte les jambes puis la tête et me regarde.


— « Je pense que tu as besoin de prendre un bain, tu ne crois pas ? « -Lui dis-je. -


Elle se met à rire.


— « Mon pauvre Pierre, il n’y a pas d’eau ici, il n’y a pas d’eau tout simplement. C’est comme le ciel il n’est jamais bleu, comme les arbres ils n’ont jamais de feuilles. »


— « Jamais ? «


— « Jamais. «


— « Il n’y a pas de papillons, pas d’herbes, pas de joie là, le bonheur n’existe pas ? Mais d’ailleurs « là » c’est où ? « - Remarque Pierre. -


— « C’est nulle part, ce n’est pas un endroit même si tu le perçois ainsi, c’est le fruit des pensées conçue par des vibrations produites pas des hommes ! «


— « Je ne comprends pas ! «


— « Ici c’est un monde de souffrance créé inconsciemment par nous, par notre débauche, par notre méchanceté et par la cruauté de certains d’entre-nous. Le pire est que ce monde est nulle part et que tous ceux qui ont fait du mal se retrouvent prisonnier dans celui-ci. Il y a dans ce lieu les pires psychopathes que la terre ait engendré. Les criminels les plus notoires, les plus cruels, les fous et les plus grands sadiques de l’histoire humaine. Nous sommes chez les Anachorètes, les moines noirs. » - Répond Guerda. –


— « Des démons ? « - Répondit Pierre. –


— « Pire que des démons. Ici ce n’est pas l’enfer, c’est pire ! «


— « Mais merde ! Je dois rentrer, je ne peux pas rester là ! «


— « Tu vas rester encore un peu de temps car sortir maintenant serait risqué pour toi ! Et puis je n’ai pas eu l’occasion de te remercier ! Tu m’as sauvée la vie mon petit Pierre ! «


— « Oui c’est vrai, je t’ai sauvé la vie. »


Elle se met à rire, je ne comprends pas ! Elle rit aux éclats, ne s’arrête pas.


— « Pourquoi ris-tu ? « Lui dis-je. -


— « C’est toi qui me fais rire ! Tu m’as sauvée la vie ! « - Me répète-t-elle. –


Son corps est pris d’un tremblement et ses reins même peu proéminents se secouent sous sa robe déchirée laissant sortir ses tétons à cause d’une large échancrure. Assise, ses cuisses galbées s’écartent laissant entrevoir qu’elle ne porte pas de culotte.


Visiblement cette jeune-femme n’est pas pudique et ne semble pas farouche. Pendant cette scène, les autres personnes semblent habituées, ils se sont rapprochés de nous et se mettent également à rire aux éclats. Ils répètent en riant :


— « Il a sauvé ta vie, il a sauvé ta vie ! ! «

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15 commentaires

MiXado

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Il y a 6 ans

Ça n'a aucun rapport avec le chapitre mais j'adore les titres de ceux ci. Ils sont l'air mystérieux et en même temps descriptif de l'histoire... Ce que je trouve incroyable c'est que l'on est au 5 ème chapitre et il y a déjà eu beaucoup de choses selon moi!

Sand Canavaggia

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Il y a 6 ans

On y est le lien, fureur par la souffrance, elle l'entraîne dans un espace où vraisemblablement il ne sera pas en sécurité dans son "tu m'as sauvée la vie" et l'écho de tous les autres, je me sens coincée dans un film d'horreur. Mais si je réfléchis tu ne mets pas ces instants de façon anodine donc tu dois nous faire noter des détails, Je dirais que si Pierre est là et que ce monde est de souffrances non endeuillées c'est forcément que lui a un poids dont il ne perçoit pas forcément tous les aspects. En fait, on vit en lui dans les incompréhensions et le pourquoi je suis là ! Mais je suis sûre que ce monde a un lien direct avec son propre mental. Il y a un aspect psychologique profond à ce stade de ma lecture, tu me fais découvrir son intérieur comme une loupe qui nous dévoilerait d'un côté sa vie très commune et cette face cachée que nous avons tous finalement avec nos démons ; je peux avec cela m'y identifier si fortement que je me demande si il n'est pas dans une seconde réalité.

Carmin

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Il y a 6 ans

Hey, comment vas-tu ? Ton histoire est toujours aussi forte en images et au point où j'en suis dans ma lectur, ça me tient. J'aurais juste modifié quelques éléments deux trois trucs. En somme, presque rien. Tu voulais plus mon impression qu'une relecture, c'est toi qui vois. Perso, je trouve qu'on rentre/s'identifie mieux dans tes personnages quand c'est dans le monde réel, mais ce n'est que mon humble avis. Sinon, j'apprécie toujours le rythme, le chant qui s'émane ton texte est éloquent, bravo. Tu gères bien également l'envois des images et elles se représentes biens aux lecteurs, en tout cas, pour moi ça fonctionne. Pour le passage exhibitionniste, je le trouve trop proche de l'action, pour qu'il soit le meiux perçu, apres tu fais ce que tu veux. Je ne cherche pas à te vexer ou autre, je ne fais que donner mon point de vue subjectif. Hormis cela, ce nouveau personnage et le bienvenu. Je lirai la suite. Voilà, j'espère que tu passeras me voir également, plus, plus.

Carmin

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Il y a 6 ans

Je suis allé voir la définition du titre, c'est bien sympa. Mais là je tombe de fatigue... je te laisserai un commentaire demain

Simon Saint Vao

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Il y a 6 ans

Tu as une super écriture. Assez magique. Bravo!

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 6 ans

Ça me touche. Merci beaucoup.
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