Fyctia
Les chasseurs d'âmes.
Devant moi, un paysage de ruines et de désolation. Des vestiges d’anciens monuments aux styles mélangés. Puis des bâtiments encore debout mais éventrés aux ouvertures béantes, des fenêtres dépouillées de leurs boiseries et de leurs huisseries ne conservant que leurs ouvertures maçonnées.
A leurs pieds, des décombres, fait de pierres, de gravas et de ferrailles tordues. Ailleurs ça et là des temples encore habillés de leurs colonnes corinthiennes, plus loin des temples mais au style hindous, flanqués de milliers de statues grimaçantes, et s’étirant vers le ciel noir des flèches de pierres sculptées comme de la dentelle de Calais.
Certains bâtiments de style Art-déco noircis, encore fumants. Partout il n’y a que ruines et malheurs, je perçois des plaintes et des gémissements entrecoupés parfois de cris qui proviennent de toutes part.
Je marche sur une avenue grise parsemée de véhicules carbonisés des automobiles de toutes les époques. Ces carcasses calcinées et ces ruines dégagent quelque-chose de pathétique, je continue à arpenter cette large avenue et je me demande ce qu’il a bien pu se passer ici ?
Où suis-je ? Quel est ce monde ? L’ambiance dégage une forme de désespoir où l’amour n’existe pas. Tout à coup au loin, j’aperçois des hommes et des femmes qui sortent précipitamment d’un bâtiment grisâtre, une bâtisse cyclopéenne de forme parallélépipédique. Il se dessine sur le côté une rampe qui la gravit jusqu’à son sommet.
Mais sur sa façade au milieu d’un jardin noircis aux multiples arbres calcinés, ces gens effrayés semblent fuir quelque-chose. Tout à coup, des êtres aux formes physiques ingrates et aux cris animal, ces choses noires et informes aux contours imprécis sortent du bâtiment à la poursuite de ces pauvres « bougres » pour les renverser au sol et déchiqueter leur corps en morceaux !
Les corps disloqués continuent à crier d’horreur et de douleur ! Une femme parvient à se soustraire du terrible supplice, elle m’aperçoit et se met à courir vers moi en criant.
— « Monsieur, je vous en supplie, aidez-moi, je vous en prie, sauvez-moi ! «
Elle est assez jeune mais malgré son visage avenant, elle est couverte de crasse et ses vêtements sont en lambeaux. Elle s’agenouille à mes pieds et s’accroche à ma jambe. Elle pleure et sa voix est cassée à cause de ses cris et de sa peur, elle me supplie de l’emmener.
Je vois que certaines formes noires l’ont aperçue et commencent à se diriger vers nous. Plus elles approchent, mieux je les perçois. Elles ressemblent à des êtres d’apparences grossières, effrayantes, la peur me paralyse, je suis saisi comme à la gorge.
J’essaie de me défaire de l’étreinte de cette femme qui s’accroche à ma jambe en rebroussant chemin mais je me déplace péniblement car son poids me ralentit dangereusement. Là, tout près, ces créatures aux traits grossiers à la peau couverte de pustules, aux yeux enfoncés dans le creux de leurs orbites, arrivent à notre hauteur.
Ils tiennent en laisse des créatures qui ressemblent vaguement à des gargouilles, elles ont de longues dents plantées sur leur mâchoire inférieure dépassant de leurs babines telles des lames acérées et courbes. Leur glotte laissant découvrir leur tube digestif pour s’enfoncer plus bas dans leur poitrine. Leur gorge apparaît ouverte et béante, leurs yeux sont dépourvues de pupilles laissant juste apparaître des orbites blanches sans expression. Elles lâchent des sons qui s’apparentent à des gloussements hideux mélangés à ce qui pourrait ressembler de loin à des aboiements étouffés
Soudain, une de ces créatures enfoncent farouchement ses dents dans la jambe de la femme puis une deuxième dans le flanc de son ventre puis c’est la curée, toutes ces créatures, genres de chiens de chasse s’acharnent sur cette pauvre inconnue. Puis les Êtres aux formes grossières s’emparent de la femme, lui déchire tout ce qu’elle porte et la soulève en l’air d’un seul bras, l’exposant tel un trophée de guerre !
La pauvre femme est désormais entièrement nue, une main grossière la soutenant par les reins elle est exagérément cambrée.
Tant et si bien que ses seins semblent disparaître dans la cambrure générale de son corps meurtris, le grossier personnage aux multiples pustules tourne sur lui-même pour exposer sa prise à ses congénères
D’autres lui écartent les jambes comme pour l’offrir en sacrifice sexuel et un cinquième s’empare de son vagin avec sa grosse bouche, l’embrasse ardemment, goulûment. J’entends ce bruit significatif comme lorsque mon père mangeait sa soupe sans aucune discrétion.
Puis la femme a un orgasme, je suis stupéfait ! Elle crie de plaisir, se contorsionne, un râle rauque de délectation sort de sa gorge et ses yeux mi-clos ne laissent percevoir qu’un trait blanc
D’un seul coup, subitement ! Ils arrachent les membres de son corps, prennent chacun l’une de ses parties ! La tête tombe lourdement sur le sol puis roule jusqu’à mes pieds. Elle est toujours vivante ! Son râle de plaisir continue à se faire entendre, ses yeux hagards clignent de bonheur et sa langue lèche ses lèvres en un mouvement rotatif.
Les monstres repartent, ils m’ont ignoré même s’ils m’ont vu, leur cri rauque, saccadé à cause de leur marche lourde, ils s’éloignent de moi. Puis la femme m’adresse la parole.
— « Tu veux que je te suce chéri ? » -Une longue langue sort de sa bouche pour toucher mes pieds. –
Je l’enjambe et je reprends ma marche. Au détour d’un temple gréco-romain en haut des marches de son haut escalier, un homme est en feu et semble ne jamais se consumer.
Il gémit à la fois de souffrance et de plaisir.
Je comprends qu’ici il n’y a rien à espérer, tout n’est que désarrois, peur et souffrance. L’ambiance est lourde, elle m’imprègne de son tissu ambiant.
Je ressens toujours cette peur insoutenable mais je suis également triste, profondément triste. J’aperçois au loin des êtres humains qui se consument lentement, ils conservent encore leur forme humaine mais ils semblent être composés de cendres agglomérées.
Pris d’une curiosité malsaine, je décide de continuer à arpenter ce monde apocalyptique mais tout à coup, je me sens aspirer vers l’arrière. En quelques secondes, je me retrouve dans mon lit sur l’esplanade au sommet du grand escalier. La bête immonde aux dix pattes velues s’approche de moi.
— « Tu as vu maintenant ? Si tu ne veux pas y être prisonnier à jamais, tu devras me nourrir des autres. »
J’ouvre les yeux, ma chambre est intacte, j’entends le chant des oiseaux, la lumière du soleil filtre à travers les interstices des persiennes, dessinant des fentes lumineuses sur mon lit et sur le mur du fond. Je me lève, dans la salle de bain, je me regarde à la glace, j’ai une mine épouvantable, mes paupières sont boursouflées et mon teint est gris. Je me rase, je prends une douche, je m’habille, je prends rapidement mon café et dévale les escaliers du vieil immeuble haussmannien quatre à quatre. Mon bureau est à un quart d’heures seulement de chez moi et je m’y rends tous les jours à pied.
12 commentaires
Leoden
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Il y a 6 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Madi nina
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Sand Canavaggia
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Carmin
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Carmin
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Il y a 6 ans