Fyctia
L'antre de la bête.
Je sens la bête immonde s’approcher, je n’ose pas la regarder, alors je garde les yeux fermés. Je pense qu’en gardant les paupières closes elle finira par disparaître.
Mais il n’en est rien, elle continue à s’approcher, s’approcher ! Je l’entends, elle dégage un bruit au son guttural, quelque chose d’inhumain, quelque chose d’effrayant.
Sa respiration saccadée, rauque et grasse me fait penser à un magma de mucosités. En même temps, cette chose semble gémir comme si elle souffrait de mille maux.
Même si je ne la vois pas, je devine à l’entendre qu’elle se déplace aisément à un rythme discontinu tel un film aux images saccadées, elle s’appuie sur le sol mais également sur les parois des murs et du plafond.
La gravitation n’a aucune prise sur elle, elle semble se mouvoir tel un caméléon s’agrippant sur plusieurs prises à la fois.
Elle s’approche encore, je l’entends déglutir comme lorsque la bête dégurgite de plaisir avant de dévorer sa proie.
Elle est désormais très proche car je sens le matelas de mon lit se déformer par l’appui d’un de ses membres.
Elle semble s’appuyer également sur les étagères de ma bibliothèque car livres et bibelots tombent au sol. Ils se fracassent, se disloquent en plusieurs morceaux, quant aux livres, ils se déchirent.
Mais le son de ce fracas semble ralentir comme dans un film. Tout en se hissant sur le lit et en grimpant sur la bibliothèque, cette chose démoniaque s’agrippe sur les rideaux de ma fenêtre, j’entends ses griffes déchirer le tissus. La chose est désormais tout prêt de moi.
Je sens son souffle saccadé, son haleine fétide qui occupent toute la pièce et envahissent mes narines.
Son odeur est insupportable, son effluve démoniaque me fait penser à ce que dégage une viande putride lorsqu’elle est en décomposition avancée.
Je m’efforce alors de respirer par la bouche afin de ne plus être obligé de sentir cette odeur épouvantable.
Mais à ce moment précis, je sens sa langue visqueuse se poser sur ma lèvre inférieure puis tenter de forcer le barrage de ma mâchoire pour essayer de s’enfoncer au fond de ma gorge. Je résiste mais je vais faillir, lorsque ses grandes mains longues comme des racines, m’étreignent la gorge et se resserrent subitement.
J’ouvre alors ma bouche pour prendre plus d’air ! La langue visqueuse de la bête s’enfonce profondément au fond de ma gorge. J’ai la plus grande difficulté à respirer, mon cœur s’accélère et je me sens défaillir.
C’est alors que la bête immonde se met à parler, je l’entends distinctement dans ma tête, elle m’ordonne d’ouvrir les yeux. Si je n’obéis pas, l’étreinte va se resserrer de plus belle !
Mais ma peur de la regarder est encore plus forte que celle de mourir.
Cette chose était venue à plusieurs reprises au cours de mon enfance puis ses visites avec le temps s’étaient espacées pour ne devenir que très rares ces dernières années.
Jusque-là, j’ai gardé les paupières fermées, je sais qu’en procédant ainsi elle finira par disparaître ! Mais jusqu’alors, jamais sa présence n’a été aussi réelle, aussi forte, aussi douloureuse !
L’air me manque, mon cœur frappe dans ma poitrine à un rythme de plus en plus élevé, ma respiration siffle, je suis pris de vertige, je me dis que je vais mourir car je ne me réveille pas.
Au fait est ce que je dors vraiment ?
La voix continue à me dire la même chose, toujours rauque et gutturale :
— « Regarde-moi ! Tu dois avoir le courage de me regarder ! »
Je n’en peux plus, je suis comme une loque, un pantin désarticulé, je suis mort ! J’ouvre alors les yeux et aussitôt la langue de la bête se retire du fond de ma gorge, ses mains osseuses et désarticulées lâchent prises.
Je tousse, je crache, mes yeux sont embués, à travers mes larmes je distingue la silhouette de la chose ! Elle est énorme, gigantesque, elle occupe toute la pièce !
Elle possède une multitudes de membres et son crane s’incline à droite puis à gauche, elle m’observe avec curiosité, une réflexion qui lui est propre. Elle considère l’être que je suis, elle juge mon comportement et mes réactions.
Sa tête large et plate ne semble pas avoir d’yeux mais uniquement une mâchoire béante dans laquelle est plantée une multitude de dents acérées, longues et fines. Ses multiples bras et mains s’articulent dans tous les sens.
Je réalise que ce doit-être ainsi un démon !
Effrayé, apeuré, presque paralysé, je peux à peine sortir quelques mots.
— « Vous êtes un démon ? C’est ça, vous êtes venu m’assassiner ? »
— « Un démon ? Je ne vois pas ce que tu veux dire ! Qu’est-ce qu’un démon ? »
— « Des êtres venus de l’enfer ! »
— « L’enfer ? Qu’est-ce que l’enfer ? Il se situe où cet enfer ? C’est un pays ? Une région ?... »
— « Que me voulez-vous ? »
De toute ma vie, je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi hideux, d’aussi effrayant. Je suis pétrifié, je finis par réaliser que je suis sans doute mort ! Mais en même temps, je respire toujours, il y a ces odeurs fétides et ma gorge me fait encore mal. Comment pourrais-je souffrir si je suis mort ?
Ma chambre se met subitement à disparaître, les murs ainsi que le plafond comme si une gomme invisible effaçait toute la pièce dans laquelle je me trouve. A la place du plafond apparaît un ciel noir composé de nuages du gris foncé à l’anthracite.
A travers ces nuages ocres de formes lourdes laissent transparaître des flashs lumineux comme un orage lointain qui ne cesse pas.
Je suis désormais sur mon lit, posé sur une esplanade au sommet d’un escalier s’étalant au-delà de ma vision. Ses centaines de marches s’enfoncent au cœur d’une brume aux nuances de bleu-gris.
Je descends de mon lit et mes pieds nus ressentent l’humidité des dalles qui pavent le sol. La bête apparaît à nouveau, elle est derrière moi, me prend le bras et le serre à la limite de la douleur. Elle m’indique par l’une de ses pattes poilue, la direction du grand escalier.
— « Tu dois prendre l’escalier et descendre les marches. Tu dois voir ce qu’il en est ! »
En même temps, je sens sa main serrer mon bras et ses griffes acérées s’enfoncer dans ma chair. Je ressens la douleur mais en même temps, une forme de plaisir indéfinissable !
Mes sentiments sont mitigés, je suis à la fois habité par la peur de l’inconnu et par une forme de curiosité malsaine.
Je me mets à descendre les marches, d’abord lentement puis plus vite ! J’arrive à la hauteur de cette brume épaisse et inquiétante. Curieusement celle-ci s’écarte devant mon passage et me dévoile l’espace dans lequel je pénètre.
Au loin j’entends les orages qui ne cessent de gronder, les pesants nuages noirs se déplacent lentement, à travers leur voile sombre, des éclairs de lumières spontanés disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus. Ils se forment à un rythme convulsif. J’arrive aux dernières marches…
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Lolitta Maë
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Il y a 6 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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MiXado
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Madi nina
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Il y a 6 ans