Fyctia
Chapitre 5
À chaque intervention du Doc, il pointe le menton vers le haut et joint ses mains au niveau du bas ventre, comme s’il voulait se mesurer à moi, se confronter sur une thématique dont je ne maîtrise pas les tenants et les aboutissants.
Ses deux disciples n’ont pas pipé mot depuis tout à l’heure. D’ailleurs je n’ai toujours pas entendu le son de cloche de François le kiné. Vas-y, encourage-moi bordel ! Dis-moi qu’on va bosser dur ensemble, qu’au moins toi tu es confiant, que tu penses pouvoir rapidement me faire marcher comme avant.
— Je crois comprendre, mais je suis quand même un peu largué. Hmm (tiens, ça faisait un moment que je ne m’étais pas raclé la gorge !), disons que votre théorie est bonne Doc, en quoi ça va m’aider précisément ?
— Oui, eh bien, dans votre cas, nous pourrions nous appuyer sur la suggestion pour créer de nouveaux souvenirs et réenclencher votre système de stockage. Le fait d’éveiller la partie de votre cerveau qui s’occupe de trier et ranger les informations que vous recevez, pourra peut-être, je dis bien peut-être, permettre de faire ressortir celles que vous aviez « archivées ».
Il accompagne sa dernière phrase de guillemets virtuels avec ses doigts, puis reprend :
— Pour illustrer mes propos, je vous propose une rapide démonstration… regardez-nous, Marianne, François et moi. Regardez-nous bien.
Je m’exécute, je les dévisage à tour de rôle. Je dois dire qu’à part le beau petit minois de Marianne, ce n’est pas une partie de plaisir que de regarder un vieux pédant et un kiné qui souhaite ma mort.
— Bien, maintenant, si je vous disais que nous nous connaissons depuis de nombreuses années, que répondriez-vous ?
Tandis que les trois duellistes d’en face attendent une réaction de ma part, comme si j’allais dégainer le premier, moi, je suis réellement paumé.
— Je répondrais que c’est possible, mais que je ne me rappelle pas de vous.
— C’est ça ! hurle-t-il l’index en avant, ne manquant pas de me faire sursauter. Mais maintenant, si je m’approche de vous (c’est ce qu’il fait et c’est flippant !) et que je vous certifie que nous nous connaissons depuis de nombreuses années …
Sérieux ? Il attend que je lui réponde quoi ? Je sèche.
— Avouez-le Jonathan, me dit-il avec une allure qui n’inspire pas la confiance, avouez-le, vous êtes en train de vous demander si oui ou non, nous nous sommes déjà rencontrés auparavant.
Non non ! Je me demande surtout quand est-ce que vous allez vous éloigner toi et ta mauvaise haleine.
— Oui, c’est vrai, j’y pense.
— Voilà ! s’exclame-t-il comme victorieux d’une bataille. J’en parlerai à notre psychologue pour éventuellement vous proposer des exercices qui vont dans ce sens. Bien sûr, ce sera à elle de décider de quelle manière elle souhaite vous accompagner dans cette épreuve.
Ouf ! Il retourne enfin à sa place et me libère un semblant d’espace vital.
— Et la psychologue, je pourrai la voir quand ?
— Très bientôt. En ce moment, elle intervient dans une autre structure, parce qu’elle est très prisée, très compétente, très efficace.
Je l’espère ! Parce que là, on dirait qu’il m’en fait l’article comme s’il était secrètement amoureux d’elle et que l’objectivité n’était pas au programme.
— Dacodac. Et c’est quoi, la prochaine étape ?
— D’abord, je vais procéder à quelques examens rapides pour nous assurer que tout fonctionne normalement au niveau cérébral (Ouais, sauf ma mémoire !), puis je vous laisserai entre les mains de François pour commencer la rééducation (Oh non, pas lui !).
— Dacodac Doc.
Le Docteur ne m’a toujours pas décroché le moindre sourire, il est froid et distant. C’est peut-être qu’il ne m’aime pas, ou bien s’agit-il simplement de sa personnalité ? Flegmatique et un brin hautain ? Soit ! François le kiné, lui, a toujours envie de me voir pendu sur la place publique, c’est tout du moins l’impression qu’il me donne. Pour finir, Marianne, qui se caractérise par une ambiguïté indescriptible. Tantôt ignorante, désintéressée, tantôt petite fille timide qui n’ose pas me dire que je lui plais. Un coup elle me regarde du coin de l’œil avec un rictus à peine dissimulé, un coup elle tourne la tête d’une manière presque méprisante. Va savoir !
Il n’y a rien de pire que de se sentir autant seul dans l’univers. Sans souvenir, sans passé, sans savoir qui je suis. En même temps, ce n’est pas comme si je pouvais regretter de n’avoir rien vécu au cours de ma vie car j’ignore totalement ce que j’ai vécu ou non.
On va rester sur cette idée. Oui, on va être optimiste et se dire que ce n’est qu’une phase temporaire. Que je recouvrerai bientôt la mémoire.
Mais bordel, il y a tant de questions, avec au premier plan cet endroit et ces professionnels de santé, étranges, peu rassurants. Sont-ils les meilleurs que je puisse avoir pour mon rétablissement ?
Perdu dans mes pensées, quelque chose m’interpelle soudainement …
Le Doc avait raison, le doute s’installe et je commence à me demander si je n’ai pas déjà rencontré ces gens auparavant !
31 commentaires
Marie Andree
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Il y a 10 mois
Jay H.
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Il y a 9 mois
clecle
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Il y a 10 mois
Jay H.
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Il y a 10 mois
Le Mas de Gaïa
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Il y a 10 mois
Jay H.
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Il y a 10 mois