callmefaby Léon Décembre 2014

Décembre 2014

— Je ne veux pas aller à Chioni cette année, annonce Maman.


Elle est assise à la table de la cuisine, les cheveux en bataille, les yeux bouffis. J'ai à peine posé mon sac à dos dans l'entrée qu'elle me lâche cette bombe. Et moi, j'ai treize ans, et je ne sais pas quoi faire quand je vois ma maman pleurer.


Elle pleure beaucoup depuis que Papa est parti.

Moi, je n'ai pas réussi.


— Pourquoi?


C'est Léon qui pose cette question, derrière moi, encore accroupi alors qu'il défait ses lacets. Je le regarde et mes yeux sortent presque de leurs orbites. Il est sérieux? Il sait très bien que mes parents divorcent. Je ne lui parle que de ça en ce moment.


Et Léon, il n'est pas stupide.

Un peu naif, un peu rêveur, mais pas idiot.


Alors pourquoi est-ce qu'il pose cette question à Maman? C'est évident: Chioni a trop de souvenirs pour elle. Elle verra Papa partout: quand on ira prendre le petit-déjeuner et elle devra commander un seul café noir, quand on se battera avec mes soeurs pour choisir l'activité suivante, et elle devra nous calmer à elle seule. Quand elle devra s'endormir sur le grand lit double dans le chalet 5 où elle aura froid.


— Léon, je préviens, et j'espère que comme souvent, il comprendra en un regard ce que je veux dire.


Mais non.


— Est-ce que c'est parce que John n'est plus là? renchérit Léon et sa voix prend ce ton qu'il utilise seulement avec Lina quand elle pleure, ou quand il a sauvé un oisillon la semaine dernière.


Mon estomac se serre comme à chaque fois.


Maman hoche la tête, et ses yeux brillent. Léon s'approche doucement d'elle, et il s'assied, posant ses mains sur les siennes. Elle hoquète, et je veux disparaitre.


Je ne comprendrai jamais comment Léon est aussi à l'aise avec les adultes.

Et encore moins avec les adultes qui pleurent.


J'ai l'impression que même moi, je ne sais plus comment parler avec Maman ces derniers temps.


— Tu sais, Léon commence alors, prudent et doux et toutes ces choses qu'un ado de treize ans n'est pas. Toutes ces choses que je ne suis pas. Je pense que ces vacances te feront du bien. Mam et Ma' disent qu'elles viendront cette année, et qu'elles ont déjà tout prévu.


Maman renifle, mais elle sourit.

Je n'avais jamais remarqué qu'elle était vraiment, vraiment, belle quand elle souriait.


— Vraiment? demande-t-elle.


J'entends dans sa voix qu'elle sait déjà ce que les mamans de Léon ont prévu. Après tout, elles sont amies depuis presque dix ans elles aussi.

Mais elle joue le jeu, comme elle le fait souvent quand il s'agit de nous faire plaisir.


Léon hoche vigoureusement la tête.


— Vraiment.


Et je ne sais pas si c'est Léon.

Si ce sont Maria et Charlotte.

Si ce sont les 's't'eu plait, s't'eu plait, s't'eu plait' des jumelles.

Si c'est mon sourire timide après cette conversation.


Mais Maman nous emmène à Chioni cette année.

Et toutes les années qui suivent, flanquées de Maria, Charlotte et Léon.


Et je ne peux m'empêcher de dire que cette année-là, Léon a sauvé Maman.

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4 commentaires

Nora Rosen

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Il y a 10 jours

Mignon, ce petit souvenir. Léon semble avoir une sorte de pouvoir magique, en effet, on comprend Sacha de s'en émerveiller.

callmefaby

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Il y a 9 jours

Oui Sacha en est fou amoureux le pauvre
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