Fyctia
Chapitre 1-1
Samedi 8 avril 2023, 10h17. Au commissariat.
Je récupère mon café instantané dans la machine et retourne à ma place dans l’open space du commissariat. Bartolomé et Julia discutent entre eux. Leur sujet de conversation a l’air extrêmement sympathique puisque je vois Julia balancer sa tête en arrière toutes les deux minutes en explosant de rire. Ils ne se cachent même pas de prendre une pose. Bien que je les adore car ils me rapportent souvent des anecdotes intéressantes sur leurs collègues, les citoyens ont besoin de nous et nous ne pouvons nous permettre de faire du zèle. D’autant plus qu’ensuite, nous sommes insultés d’être qu’une bande de fainéants se croyant au-dessus des lois. Même si ce n’est pas tout à fait faux pour certains et je ne donnerai pas de nom, nous ne sommes pas tous des feignasses qui se trimballent avec une boîte de donuts dans la main comme peuvent le montrer les séries policières américaines. Alors avant que ce ne soit le commandant Bernard qui arrive et qui leur colle un blâme, il est préférable que j’intervienne pour les remettre sur le droit chemin, comme une maman avec ses enfants.
— Bart ? Julia ? Je pense que vous devriez reprendre votre travail. La pause est terminée et il me semble, juste comme ça, qu’on a encore beaucoup de boulot avant de coincer ce braqueur.
— Oui Roxane, on est désolés, on se remet au travail ! répond Bart pour Julia et lui-même.
— D’ailleurs, Bart, où en est l’enquête sur le braquage d’hier ?
— Eh bien… On ne va pas se voiler la face… Mais on n’a toujours rien. Il est vraiment très discret, très fort. Il n’a pas laissé un seul indice sur le lieu du crime. Il a plutôt préféré nous laisser une belle provocation avec sa couleur fétiche.
— Comment ça ? Je n’ai pas été mise au courant.
— Le braqueur a laissé sur le mur gauche de la salle d’exposition de la photographe, un tag, comme à son habitude, mais cette fois-ci, il a écrit : « Pas vu, pas pris », reprend Julia.
— Donc il est en train de se foutre de notre gueule, parce qu’on est trop lent et qu’on est pas foutu de l’attraper et vous, au lieu d’essayer de le coincer, vous vous amusez, assis sur vos bureaux. C’est bien ça ? Je résume plutôt bien la situation ou vous avez quelque chose à ajouter ?
Ils baissent leur tête et retournent chacun à son bureau pour travailler. Je n’aime pas spécialement les reprendre, mais je n’ai pas envie non plus que Nicolas leur passe un savon. D’autant plus que lorsqu’il s’énerve, il devient con et j’aimerai, pour une fois, passer une journée dans le calme. Je suis alors satisfaite lorsque je relève la tête de mon ordinateur dix minutes plus tard, de constater que les deux brigadiers soient toujours en train de travailler sérieusement. En passant en revue sur les anciennes affaires de braquage, je remarque un homme qui attire mon attention : Léonard Belleville, un homme de 28 ans qui depuis, son adolescence, commet des vols en tout genre, passant de sachets de bonbons, à des parfums, puis à des bijoux ou encore des véhicules. Il est sorti de prison, il y a à peine trois mois et il avait été incarcéré pour un braquage en bijouterie. Son premier vol à main armée s’est soldé d’un échec et il vient de sortir de prison. Son profil pourrait être le bon. Seul bémol : tout ce qui est volé n’a pas de grande valeur. Le braqueur doré ne vole que des caisses de commerçants qui n’ont pas d’objets de grande valeur. Je ne sais pas si c’est le genre de Belleville de voler la caisse d’une boulangerie-pâtisserie. En même temps, tous les braquages sont de plus en plus violents, peut-être qu’il s’échauffe, qu’il s’entraîne. Ce ne serait pas impossible et dans ce cas, il prépare un très gros casse. Lorsque le commandant Bernard sera de retour, je lui en parlerai. C’est une piste largement plausible et au moins on pourrait en suivre une, puisque depuis un mois, ce braqueur doré nous fait tourner en bourrique. Ce qui a en plus, le don de mettre en rogne le commandant et cela ne présage jamais rien de bon pour l’équipe qui risque à tout moment de recevoir les foudres de son chef.
En approfondissant mes recherches, je me rends compte que Belleville a un passif d’artiste de rue avec sa bande de potes qu’ils appelaient « Boy’s art ». Même si cela ne constitue pas une preuve, il est clairement nécessaire d’apporter cette information à l’enquête. Il en devient plus suspect. J’imprime le rapport d’adolescence de Belleville et l’ajoute au dossier à son nom. C’est à ce moment que décide de revenir le commandant. Rien qu’en regardant la mine qu’il affiche, je sens que j’ai bien fait de jouer à la raclette.
— Bon ! Il va falloir qu’on m’explique ! Je viens d’apprendre par le bécétiste Ricard que non seulement le braqueur a recommencé, mais qu’en plus, il s’est payé le luxe de se foutre de la boîte ? Alors, si je comprends bien, je pars deux jours à 100 km d’ici pour gérer une intervention avec la CRS parce qu’on a retrouvé la planque de Gilbert Lanot et en gros, vous vous faites pisser dessus par un petit voyou qui pète plus haut qu’il n’a le cul. Dites-moi si je résume mal, mais je suis légèrement énervé par ce que l’on vient me dire à peine mon pied posé dans l’enceinte du commissariat, bouillonne le commandant.
Bon, bah au moins, c’est dit. Je suppose qu’il n’a pas tout à fait tort. Bien qu’en réalité, s’il était aussi facile que ça de retrouver les criminels ou les délinquants, notre boulot serait bien plus amusant. À coup sûr, Bernard redoute l’appel du procureur de la République. Je dois bien avouer que je n’aimerai pas être à sa place puisqu’il est plutôt du genre strict et sans cœur. Même si l’équipe ne se résume pas aux brigadiers et aux gardiens de la paix, c’est surtout à eux que Bernard donne un coup de pression. Les voyant tous se recroqueviller dans leur coquille comme des escargots qui craignent un danger, je me décide à intervenir pour proposer ma piste. En espérant que cela suffise pour apaiser le courroux du gorille.
— Commandant ? Je crois que j’ai une piste. J’ai simplement fouillé les archives mais beaucoup d’éléments coïncident entre l’enquête et mon suspect.
— Super ! Voilà quelqu’un qui bosse, ça fait plaisir de constater qu’il n’y a pas que des plantes vertes dans cette équipe. Vas-y expose-nous ton idée.
Je me lève et récupère le dossier que j’ai constitué depuis plus d’une heure et demie. Je m’avance vers la vitre et colle la tête de Belleville avant d’écrire son nom en rose en-dessous, puis j’expose tous les autres documents autour de sa tête en les reliant aux éléments de l’enquête avec des points d’interrogation.
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La raclette : à une époque, c’était le brigadier chargé de te surveiller sur ton point pour te sanctionner si tu n’étais pas à ta place ou que tu discutais avec une personne.
Le bécétiste (le BCT) : gardien de la paix reçu au concours de brigadier, mais qui n’a pas encore pris le grade.
La boîte : la police, autres termes employés : la famille, la maison.
4 commentaires
Dystopia_Girl
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Il y a 2 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
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Il y a 2 ans
Lullolaby
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Il y a 2 ans
Zoé Sonobe (zizogoto)
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Il y a 2 ans