Chris Aargann Le Serment des Anges Vendredi 20 août, 20h (3/3)

Vendredi 20 août, 20h (3/3)

Louis sentit l’inquiétude monter en lui, le submerger et l’étreindre de ses bras puissants ; parfois l'esprit pressent les choses avant même de les comprendre et il en était sûr : Claire avait des ennuis! Maintenant que le sien était en charge, il s’empressa de contacter le portable de sa femme. Avec un peu de chance, et même si elle n’avait ni appeler, ni laisser de message, elle serait joignable.


Dix secondes plus tard, Louis pianotait sur son propre téléphone le numéro de son épouse. Le temps sembla comme suspendu lorsqu’une sonnerie se fit entendre dans la pièce toute proche: leur chambre à coucher. Le cœur de Louis battait à son paroxysme, au rythme entraînant de la Chevauchée des Valkyries, un air de Wagner qu’affectionnait tout particulièrement Claire. Louis se moquait souvent d’elle, à chaque fois que son portable recevait un appel en fait, et ne manquait pas de lui rappeler que ce prélude était utilisé par le parti nazi en guise de propagande. Ce que Claire balayait d’un geste, rétorquant en retour que la svastika était bien à l’origine un symbole porte-bonheur sans aucune connotation aryenne.

Cette anecdote aurait dû faire sourire le jeune homme mais c’est au contraire avec un léger tremblement de la main droite qu’il raccrocha. Il se dirigea d’un pas rapide vers le fond de la maison, franchit le seuil de sa chambre et vit le smartphone de Claire, posé sur le lit conjugal. Claire sans son portable, dehors à cette heure-ci, sous des trombes d’eau. Rien ne collait.

Pour essayer de se rassurer, il appela toutes les connaissances auxquelles il pût penser: amis, collègues, voisins… susceptibles de posséder une quelconque information, mais rien, tout le monde s'étonnait de cette absence impromptue : ce n'était pas son genre.

C’est Marc, un collègue, qui lui conseilla d’appeler la police.

- Tu risques quoi? Passe leur un coup de fil. Tu expliques la situation, tu leur dis bien que tu t’alarmes sûrement pour rien mais que tu ne parviens pas à la joindre. Tu verras bien ce qu’il te réponde. Appelle la gendarmerie et laisse toi guider. Et tiens moi au courant surtout.

- Ok, ça marche, merci Marc.

- Pas de souci, et t’inquiète, elle ne va probablement pas tarder à rentrer. A plus.

- A plus.


Louis se doutait déjà du résultat : personne ne se déplacerait ni ne se donnerait la peine d’effectuer quoique ce soit, surtout à une heure aussi tardive! Mais tant pis, ça ne coûtait rien d’essayer, Marc avait raison. Et puis Claire allait bientôt franchir le seuil de leur maison et son absence aurait une explication totalement rationnelle, et Louis aurait l’air un peu stupide d’avoir fabulé de la sorte.


Il composa rapidement le numéro et au bout de deux sonneries, une voix féminine lui répondit.


- Gendarmerie de Bayas. Que puis-je faire pour vous ?

-Bonsoir madame, Louis Manier, je vous contacte car je viens de rentrer à mon domicile et mon épouse est introuvable. Je suis arrivé depuis peu mais les lumières étaient allumées, un café était renversé sur le sol, elle ne répond pas à mes appels...

Louis parlait vite, d’une voix peu assurée, envahie par le stress.

-Calmez-vous monsieur, je vais d’abord vous posez quelques questions et nous allons essayer d’éclaircir la situation.

- Oui bien sûr, désolé.

- Il n’y a pas de mal, je comprends. Vous dîtes que votre femme aurait dû être chez vous à votre retour. Elle n’a pas laissé de mot, un message, texto ou autre?

-Non, rien de tout ça. J’ai également contacté des proches mais il n’y a aucune trace d’elle.

- Très bien, et vous avez mentionné un café renversé n’est-ce pas?

- Oui, exactement, sur le tapis. Plus les lumières allumées, ça fait beaucoup je trouve.

Louis commençait à s’impatienter même s’il s’attendait à ce genre d’interrogatoire de routine.

L’employée des forces de l’ordre reprit:

- Ecoutez monsieur Manier, rien ne justifie, pour le moment, une intervention de notre part. J’entends votre inquiétude mais je vous propose de laisser passer quelques heures. Essayez de vous détendre et je vous rappelle demain matin, à la première heure. Si vous n’avez toujours aucune nouvelle de votre épouse j’en référerai à mes supérieurs et, si les événements l’exigent, une enquête sera ouverte.

Louis savait au fond de lui que c’était la marche à suivre, en tout cas la plus raisonnable. Il bredouilla un «c’est entendu» de circonstance mais sa voix trahissait une émotion qu’il ne pouvait refréner.

Il raccrocha. Il resta quelques instants figé, comme tétanisé, et puis se reprit rapidement. Rester à ne rien faire ou se morfondre ne changerait rien et si Claire avait besoin de quelque chose c’était avant tout que son mari soit confiant et à même d’agir. De quelques manières que ce soit.

Louis alla se servir un verre pour se donner un coup de fouet. Il s’affala sur le canapé, bien décidé à réfléchir à la marche à suivre, les yeux rivés sur la tache de café. Il préféra ne pas l’éponger, après tout si la police devait intervenir autant qu’il y ait des traces susceptibles de les orienter. Il aperçu la feuille, à moitié imbibée, et déchiffra les premières lignes: encore une énigme à laquelle avait dû s’atteler Claire en l’attendant. Encore une preuve de l’étrangeté de l’instant. Tout indiquait que Claire était présente chez eux juste avant l’arrivée de son mari. Qu’est-ce qui avait bien pu la faire sortir de la maison, par ce temps qui plus est? Ou qui?

Cette dernière question fit froid dan le dos du jeune homme. Il essaya bien de se reprendre en se disant qu’il regardait bien trop de séries américaines à la télé. Mais rien n’y fit, les interrogations étaient bien présentes, les réponses totalement vouées au silence.

Le temps, lui, s’écoulait au rythme des secondes égrenées par la pendule du salon. Inexorablement. Et avec lui, l’espoir d’une explication rationnelle et surtout rassurante, s’estompait peu à peu. Il imaginait Claire dans le brouillard, perdue, sa silhouette disparaissant, dévorée par la brume. Louis ferma les yeux.

Tu as aimé ce chapitre ?

18 commentaires

Chris Aargann

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Il y a 6 ans

Pas d'inquiétude, Claire a beaucoup de ressources!

Landry

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Il y a 6 ans

Très bon premier chapitre, j'aime beaucoup la façon dont tu nous mènes l'histoire. La disparition subit de Claire est poignante et le vide que ressent Louis est très bien décrit. On angoisse déjà quant au sort de Claire : est-ce elle qui meurt dans le prologue, ou non ? Dans tous les cas, dans les mains d'un tel monstre, on craint le plus terrible des sorts pour la pauvre jeune femme.

Chris Aargann

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Il y a 6 ans

Merci ! Pour le changement de point de vue, je corrigerai ça très vite. Quant à la folie, elle est partout et nous guette à chaque page...

Caro Handon

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Il y a 6 ans

Encore un très bon chapitre qui se lit avec facilité :) Je me pose des questions sur cet enlèvement. Est-ce la fille tuée dans le prologue est Claire ? Mmh ce serait trop facile et en même temps pourquoi chercher compliqué ? La folie me guette ^^ Sinon, je rejoins Kriss. Un changement de point de vue en plein milieu d'un chapitre est assez perturbant à la lecture.

Chris Aargann

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Il y a 6 ans

Je prends note, merci!

Kriss F Gardaz

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Il y a 6 ans

Deux légères remarques sur ce chapitre en 3 parties: * J'aurais coupé au moment où Claire disparaît, avant que tu ne passes au point de vue de Louis. * Vu la situation, Louis a-t-il vraiment besoin qu'on lui suggère d'appeler la police? Cela reste subjectif. Je poursuis. :)

Isolée

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Il y a 6 ans

Il y a un petit truc récurent dans ton écrit, c'est juste un conseil, mais tu devrais plus souvent qualifiés les actions en amont. Par exemple tu dis : Louis parla à l'officier pendant 10minutes, ça voix témoignait de son horreur. Et ça marche. Mais je pense qu'il vaut mieux dire : Horrifié, la voix tremblante, Louis parla à l'officier pendant dix minutes. Dans le deuxième on peut directement imaginer la tête et l’intonation de Louis pendant qu'on lit ses paroles! Ca s'imagine mieux à mon sens

Chris Aargann

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Il y a 6 ans

Merci pour toutes ces remarques. Elles devraient m'aider lors de la relecture !

MICHEL DELARCHE

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Il y a 6 ans

Bien écrit, avec quelques coquilles à corriger ("*dan ") Un détail: le N° de tél de son épouse devrait être en mémoire dans son répertoire, donc pas besoin de le "pianoter". Pour la Chevauchée des Walkyries, l'épouse pourrait avoir riposté en évoquant Apocalypse Now... L'attitude de la police semble ici un peu légère; au minimum, surtout si aucun vêtement d'extérieur n'a disparu, on devrait suggérer à votre héros de venir déclarer une "disparition inquiétante" (c'est la terminologie officielle) qui sera prise en main-courante au commissariat afin de servir ensuite de base au déclenchement d'une enquête et de fournir une photo récente et une description de la personne concernée; tous les flics savent qu'en cas de disparition inquiétante d'une personne, les toutes premières heures suivant la disparition sont cruciales. D'ailleurs, les procédures d'alerte en cas de disparition des enfants sont maintenant bien rodées, même si elles n'ont aucun équivalent en cas de disparition inquiétantes de personnes majeures (et les majeurs retrouvés sains d'esprit sont laissés libres de rentrer chez eux ou non.)

Chris Aargann

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Il y a 6 ans

Merci, c'est corrigé dans la version définitive.
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