Fyctia
L'interrogatoire
Delouche saisit Gaspard par les épaules tandis que Lola essayait de calmer le dragon en prenant son cou. Manoarc’h effectuait des cercles au-dessus de la forêt.
– Vous n’avez pas le choix, tenta Gaspard. Les dragons communiquent entre eux à des fréquences que n’entendent pas les humains. Elle sera là dans quelques minutes.
– Tu crois qu’elle nous fait peur ? grommela Delouche.
– Tu crois que son dragon est aussi malingre que celui-ci ? attaqua Gaspard.
– Delouche éloigne Altar d’ici. Appelle Gros sel, tu auras besoin de sa force ! En attendant, attache notre ami !
Gaspard eut beau tenter de s’extirper de la chaise, il reçut un violent coup de poing sur le côté du crâne. Il tenta de se relever, reçut un second coup et s’effondra en voyant Altar se débattre désespérément. L’espoir de rejoindre Mathilde s’éloignait.
Lorsqu’il reprit ses esprits. Il n’était plus à la charbonnière. On l’avait attaché dans une pièce aux murs en bois. Plus aucun dragon ne chantait. Debout, à quelques pas derrière lui, Lola lui annonça :
– Gaspard, tu m’ennuies. J’étais prête à te relâcher, mais à présent, j’ai de sérieux doutes sur ton implication dans cette affaire. Fais bien attention à ce que tu vas me répondre. Je trouve étonnant que tu files proposer tes services aux Doryphores juste au moment où les Compagnons de la Marjolaine font parler d’eux. Qui t’a envoyé là-bas ? C’est Boëldieu ? C’est ton grand-père ?
– Laissez mon grand-père en dehors de ça !
– Sois heureux que je ne laisse pas ton grand-père en dehors de ça. Sans lui, j’aurais fait un exemple de toi depuis longtemps. Car, vois-tu, je suis d’accord avec toi, tous ceux qui vendent des œufs ou des meubles aux Doryphores participent à leur pouvoir.
– Vous n’êtes pas les compagnons de la Marjolaine ! s’écria Gaspard.
Il n’était certain de rien. Il ne savait pas qui étaient ces « compagnons », ni quel rapport ils pouvaient avoir avec Boëldieu ou son grand-père, mais il était sûr d’une chose : tant qu’on penserait qu’il pouvait appartenir à un groupe puissant, il avait une chance de s’en sortir vivant.
– Non, mais nous souhaitons les rencontrer, annonça Lola. Réponds à ma question. Qui t’as envoyé là-bas ?
– Je n’ai pas le droit de le dire.
– Que fais-tu pour Boëldieu ?
– Je dessine les plans des meubles qu’il ne peut plus dessiner lui-même, expliqua Gaspard.
– Tu dessines les meubles parce qu’il ne peut plus le faire.
– Sa main tremble… L’alcool.
– Sa main tremble pour dessiner, mais elle ne tremble pas pour découper du bois ? Tu me prends pour une idiote ?
– J’ignore qui découpe ses meubles, concéda Gaspard. On me paye pour dessiner.
– On te paye ! gronda Lola. On te paye ! Tu n’as que l’argent en tête. Nous nous battons pour l’honneur !
– On se bat toujours pour ce qu’on n’a pas ! persifla Gaspard en se rappelant le propos d’un célèbre corsaire.
Lola n’ajouta rien. Elle resta silencieuse. Qu’attendait-elle ? Où étaient passés les autres ? Quelqu’un frappa à la porte et Delouche entra, piteux.
– Le dragon s’est échappé ! annonça-t-il.
– Quoi ? s’énerva Lola.
– Gros sel…
– Tais-toi ! Sais-tu seulement combien nous aurions pu tirer de cet animal ? Tu crois que les fusils et les mitrailleuses sont gratuits ?
– Je suis désolé… poursuivit Delouche. Avec Pierre, nous aurions pu …
– Pierre a peur des dragons ! lança Lola. Tu le sais bien.
La femme marqua un temps et se plaça devant Gaspard. Elle le regarda dans les yeux. Elle venait de comprendre quelque chose.
– Tu n’as pas peur des dragons ? l’interrogea-t-elle.
– Non. Pourquoi ? Je devrais ?
– Ton cousin… murmura Lola avant de suspendre sa phrase.
– Qu’y a-t-il ? s’impatienta Gaspard. Tu me prends pour mon cousin ?
– Delouche ! ordonna Lola. Va voir si Pierre est revenu avec Marco. Ne lui dis rien à propos de l’animal. Je m’en chargerai. Dis à Gros sel et Tarpin de tout nettoyer pour effacer le passage du dragon. On organisera une battue pour le chercher.
Delouche ne demanda pas son reste et fila immédiatement hors de la petite cabane.
– Alors, vous allez faire quoi de moi ? demanda Gaspard. Il est temps de négocier, vous ne croyez pas ?
– Tu as du cran pour un garçon de 17 ans, annonça Lola. Ça ne m’étonne pas. J’avais vu ça quand tu étais tout petit.
– Qui êtes-vous ? D’où me connaissez-vous ?
– Moins tu en sais, mieux ça vaut pour nous deux. Quand Marco sera là, nous discuterons avec lui. Je veux des garanties pour mes hommes et moi.
Gaspard se mordit la lèvre pour ne pas crier qu’il ne connaissait pas ce Marco. Il ne comprenait pas comment il allait s’en sortir. Père grand allait-il s’inquiéter ? Reverrait-il Mathilde une dernière fois avant de mourir ? L’attente parut interminable. Les poignets de Gaspard le brûlaient, là où la corde le serrait. Quand Delouche vint le détacher, il se releva d’un bond, mais Gros sel le retint.
– Si tu dis quoi que ce soit, grogna la brute, je te crève !
On poussa Gaspard sur le seuil de la cabane. C’était une maisonnette de braconniers, avec des collets prêts à l’emploi étalés sur un banc. Elle était entourée de chênes verts et d’érables, couverts de mousse. Lola, sortie la première, rejoignit un homme de taille moyenne. Il avait des cheveux bouclés noirs, de petits yeux rieurs et une moustache finement taillée.
– Ainsi, voici notre Gaspard. Viens mon garçon. Je te ramène à ton grand-père.
– Nous exigeons… commença Lola.
– … rien du tout ! la coupa l’homme. Vous enlevez ce garçon. Vous nous vendez un dragon qui n’existe pas… Soyez déjà heureux que je n'aille pas trouver le marquis.
– Toi ? s’exclama Lola. Trouver le marquis ? C’est une blague ?
– Si les gamins que tu as hypnotisés n’étaient pas aussi jeunes, je n’hésiterais pas une minute ! Vous méritez largement le feu dragon ! Votre inconscience met en péril notre œuvre ! Et puisqu’on aborde ce thème, vous devez arrêter de poser ces ridicules inscriptions sur les murs.
– Nous n’y sommes pour rien ! s’indigna Lola.
– Tant mieux ! releva l’homme. Restez à distance et contentez-vous de refaire le monde autour d’un verre.
Lola resta interdite. L’homme s’avança vers Gaspard, épousseta ses vêtements, posa son doigt sur un des bleus.
– Allons mon garçon, hâtons-nous ! Je crois que ta tante a préparé une poule au pot pour ce soir.
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LuizEsc
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