Fyctia
Coquillage 5 (partie 1)
Quand on entre dans une librairie, la première chose à faire est de respirer le doux et merveilleux parfum des livres.
C'est une expérience unique : chaque livre possède une senteur particulière, et lorsqu'on est plongé dans un lieu rempli de livres, on a l'impression que l'air est un concentré de chacune de ces senteurs, ce qui est tout simplement... étourdissant.
Après l'euphorie du premier moment, on attaque son rayon le moins apprécié. C'est celui où l'on passera le moins de temps, alors il vaut mieux s'en débarrasser. Pour nous, ce sera celui des livres en anglais.
Ce n'est certainement pas que nous détestons l'anglais, c'est juste que nous savons parfaitement que nous n'en achèterons pas, puisqu'il n'y a rien de mieux que de savourer les mots de la langue française.
Nous passons donc en revue les nouveautés de nos lointains voisins américains, anglais ou australiens, avant de nous précipiter au rayon scolaire, beaucoup plus intéressants. La seule chose que nous aimions à l'école, c'étaient les nouveaux livres que nous obtenions chaque année. À l'approche de la rentrée, nous...
- Diana !
Les trois Diana - Diana lectrice, Diana passionnée et Diana optimiste - ne forment plus qu'une personne, et je remarque Jo, qui se trouve debout à ma gauche, un air agréablement surpris plaqué sur son charmant visage.
Je cligne plusieurs fois des yeux, le temps de trouver la réplique idéale dans ce genre de cas.
-Jo, quelle incroyable surprise !
- Pas si incroyable, je dirais. On aime tous les deux les livres.
Je ne pourrais pas être plus d'accord avec lui. Pourtant, je n'arrive pas à trouver une bonne réplique.
Il me détaille de la tête aux pieds, puis s'exclame :
- C'est vraiment ton style, en fait !
Je regarde mes vêtements, comme si j'avais oublié ce que je m'étais mise sur le dos. Mes baskets. Mon jean gris. Mon T-shirt "Mosquino".
Je sens mon cerveau se braquer. Je n'ai pas envie de débattre sur mes préférences vestimentaires. Je n'ai pas besoin d'un nouveau regard critique.
Surtout pas venant de lui.
Mais Jo ne me regarde pas avec sévérité. Il n'a même pas l'air sérieux. Il est amusé.
Et je comprends que je n'ai pas besoin de construire un mur de protection avec Jo. Tout est dans le flow.
- Tu croyais quoi ? Que je me donnais un air au bureau ? je demande en prenant un pose fière.
- Exactement. En fait, je t'imaginais bien dans une longue robe à fleurs.
-Je ne porte pas de robe.
-C'est bien dommage. Tu ne te rends pas compte à quel point tu as de la chance d'avoir un si large choix de vêtements. Tu ne devrais pas te limiter aux jeans.
-C'est mon style, et il me plaît, je lance en répétant la réplique d'un personnage de roman.
Sur ces mots, je me détourne théâtralement de lui et me concentre sur les dictionnaires illustrés. J'en prends un que je feuillette.
Concentration impossible.
À coté de moi, Jo semble observer les livres de géographie de CM2. Je me demande s'il a aimé ses années d'école.
- Je peux t'offrir une robe, si tu veux.
Je tourne doucement la tête et apprécie la mine surprise de Jo.
- Et en quel honneur ? me demande-t-il en essayant visiblement de ne pas éclater de rire.
Je remets le dictionnaire à sa place et me tourne complètement vers lui.
- Pour te consoler du peu de choix de vêtements que tu as, en tant qu'homme.
-Oh, tu sais, de nos jours, je n'ai pas trop à me plaindre. Nous, les hommes, on n'a pas seulement les chemises et les T-shirts : on a aussi les sweats, les gilets, les tuniques...
-Les boubous.
-Les boubous aussi. Tu vois qu'on est plutôt gâtés.
-Je vois ça. Je n'ai donc plus aucune raison de t'offrir une robe.
-À la place, tu peux m'offrir un livre.
Je regarde autour de moi. Il y a du choix. Mais nous avons beaucoup parlé de livres, au bureau, alors je dois avoir quelques indices pour en choisir un qui lui plaira.
- Ça devrait pouvoir se faire.
Je lui fais signe de me suivre et en profite pour jeter un oeil à sa tenue.
Pour une personne qui critique, il est plutôt classique : chemise bleue à carreaux blancs et pantalon bleu, avec des baskets montantes. Je dirais presque qu'il est ma version masculine.
- Puis-je avoir ton avis si critique sur ma tenue ? demande-t-il sur le ton de la plaisanterie.
-Oh... Je me demandais... si tu portais des boubous.
Il réfléchit un instant, puis hoche la tête.
- Je dois en avoir quelques-uns à la maison, mais je ne me souviens pas en avoir porté récemment.
- Tu devrais les porter pendant le weekend. Tu ne te rends pas compte de la chance que tu as d'avoir un si large choix de vêtements.
-Touché. Ok, j'arrête de te harceler pour la robe.
-Merci, dis-je en faisant une petite révérence.
-Il ne reste plus que la jupe.
Mon esprit cherche à toute vitesse le représentant masculin de la jupe.
-Dans ce cas, je plaiderai en faveur du kilt.
-Hum... Pourquoi pas ? Une boutique à me proposer ?
-De nos jours, tu peux te faire livrer depuis l'autre bout du globe.
-Pas faux.
Je me sens fière de cette petite victoire. Maintenant, je peux me concentrer sur le plus grand défi.
- Classique ou contemporain ? je demande en regardant les deux rayons devant nous.
-À toi de choisir. Mais attention : tu n'as droit qu'à une chance pour choisir mon livre parfait, m'avertit-il avec tout le sérieux du monde.
-Et le proverbe "c'est l'intention qui compte " dans tout ça ?
-L'intention ne compte pas. Seul le résultat compte.
-Je suis d'accord.
Je choisis le rayon "contemporain". Il y a plus de chances de trouver un livre qu'il n'a jamais lu, et c'est le domaine dans lequel je me sens le mieux.
C'est à ce moment-là que je l'aperçois.
4 commentaires
François Lamour
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Il y a un an
blondie.64
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Il y a un an
JUSTINE MG
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Il y a un an
Jeanne Carré
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Il y a un an