J’ai beau cherché, je ne trouve vraiment personne à qui j’aurais pu me confier en toute transparence sur la réalité de mon état. J’avais des collègues, une petite amie, quelques connaissances et une mémé, mais personne en qui j’avais suffisamment confiance pour me permettre de m’alléger de mes pensées les plus sombres. C’est triste. N’avoir absolument personne sur terre avec qui partager sa détresse, quelle énormité ! Forcément j’ai tout gardé en moi et ça a fini par exploser. Je me revois à cinq ans. Je suis un petit blondinet qui marche fièrement à coté de sa maman pour se rendre à l’école. Soudain nous croisons mon camarade de classe Benjamin qui se rend lui aussi à l’école accompagné de sa maman. Et là, la magie opère, dans nos yeux s’allument des étincelles de joie, nos bras s’ouvrent naturellement l’un à l’autre. Tout est simple, sans artifice et dénué de tout but, nous nous abandonnons simplement à la joie de nous voir. Comment ce petit garçon pur et innocent a-t-il pu grandir et devenir le monstre qui a tiré sur deux de ses collègues ? Mon avocat a tout résumé par cette simple phrase prononcée avec tout le sérieux et la gravité dont un avocat est capable. Le sourcil droit levé, l’œil accusateur, il a déclaré : « Le rejet, ça vous bouffe un homme ».