Fyctia

Il refuse que je démissionne ?

Il ose par-dessus tout, modifier mon contrat et me nommer officiellement son assistante personnelle ? Très bien. Il va voir de quel bois je suis faite.

Et surtout, il va découvrir à quel point je peux être la pire des garces.

Contrairement à lui, je n’ai rien à perdre. Pas un rond en poche —plus fauchée encore qu’un SDF—, aucune famille à part Coraly et Harvey qui la prunelle de mes yeux et surtout, je n’ai aucune limite.

Un rire m’échappe en croisant mon reflet dans le miroir de la salle de bain.

Ce matin, j’ai troqué mes éternelles tenues professionnelles —celles qu’il exige pour l’image de l’entreprise— contre un accoutrement, disons, rocambolesque.

Et ce qui rend la chose encore plus savoureuse ? Une réunion de la plus haute importance se tient dans nos bureaux, avec tous les plus grands dirigeants avec lesquels l’entreprise travaille.

Je me tourne de profil et ajuste ma robe en cuir d’un geste satisfait. Une robe beaucoup trop courte. Ajoutez à ça, une paire de cuissardes à talons, en cuir également —Pretty Women style— et on obtient la tenue parfaite pour foutre en l’air son image de grand PDG inébranlable.

Je risque de choper une pneumonie ou une merde dans le genre, mais franchement ? Ça ne vaut rien comparé à l’humiliation qui l’attend devant ses actionnaires.

Mon plan est parfaitement rodé, ficelé comme un morceau de viande sur l’étal d’un boucher.

Je suis arrivée dix minutes en retard, pile pour éviter le tyran diabolique qui me sert de patron. Tranquillement accoudée contre le mur de la petite cuisine du bureau, je savoure mon café en admirant le ciel gris par la fenêtre.

J’attends deux ou trois minutes, juste assez pour pour être sûre que tout le monde soit bien installé dans la salle de réunion. Ils ne se doutent pas une seule seconde de ce qui les attend.

Une Mélody hystérique. Une Mélody déchaînée. Une Mélody habillée comme une provocatrice prête à foutre un bordel monstre.

Si monsieur perd ses actionnaires, il n’aura qu’à s’en prendre à lui-même. Il n’a pas voulu de ma démission. Il a voulu me pousser à bout, telle une cocotte-minute sur le point d’exploser, mais il a sous-estimé la bombe à retardement que je suis.

— Mélody, c’est quoi cette tenue ? s’égosille Lise, les yeux écarquillés.

Un rire m’échappe.

— Oh, ça ? soufflé-je d’un ton faussement innocent. Rien du tout. Juste une petite surprise pour le connard qui me sert de patron.

D’un geste délibérément lent, je repose ma tasse dans l’évier, puis me redresse.

— Tu m’excuses deux secondes ? Je crois que Monsieur Mullins m’attend en salle de réunion.

Lise prend un nouvel air horrifié et se plante devant moi, bras écartés, comme une gardienne de prison prête à m’empêcher de commettre une une énorme connerie.

— Mélody, tu vas te faire virer ! Arrête tes bêtises !

Un rire s’échappe de ma gorge, sombre et complètement barré.

— C’est justement le but. Il veut pas de ma démission ? Très bien, il va morfler.

D’un mouvement souple digne d’une gymnaste —ou d’un chat psychopathe—, je l’évite et me dirige d’un pas presque guilleret vers la salle de réunion.

À travers la vitre, j’aperçois une dizaine d’hommes en costards, installés autour d’une immense table ovale. Tous bien droits, concentrés, prêts à parler chiffres et stratégies pendant d’interminables heures.

Sans frapper, j’ouvre la porte et fais mon entrée comme si je débarquais sur le podium Victoria’s Secret. Appelez-moi, Adriana Lima.