Fyctia

Cette fois, mon futur-ex-patron daigne enfin lever les yeux vers moi. Noirs. Intenses. Étonnés.

Ouais, étonnés, mec, tu peux l’être.

D’un pas déterminé, menaçant même, je m’avance jusqu’au bord de son bureau —ce foutu bureau que je rêve de lui envoyer à la tronche—

Je pointe un doigt accusateur vers lui et j’éructe, d’une voix qui ne me ressemble pas :

— Vous avez un sérieux problème, là-haut !

Je tapote ma tempe pour être sûre qu’il pige bien.

— Non, mais sérieusement, qu’est-ce qui ne va pas dans votre foutu vie de merde pour que vous ressentiez le besoin d’emmerder celle des autres ?

Il arque un sourcil, mais je suis lancée. Trop tard pour m’arrêter. La bombe est lâchée.

— Papa ou maman n’ont pas été assez gentils avec vous ? C’est une vengeance personnelle sur le monde ?

Aucune réaction. Juste son regard perçant braqué sur moi.

— Vous n’avez pas eu votre purée de carottes étant gamin, et depuis vous vous acharnez sur les autres ?

Je pose une main sur ma poitrine, dramatique à souhait.

— Et quand je dis “les autres”, je veux dire moi !

Mon souffle est court, mon coeur tambourine dans ma poitrine. J’humecte mes lèvres devenues sèches à force de crier sur ce satané homme qui ressemble à s’y méprendre au diable.

Il ouvre la bouche, toujours impassible. Aucune émotion. Comme si mes coups de gueule lui passaient au-dessus de la tête. Comme toujours quand il s’agit de moi.

— C’est bon, vous avez fini ?

J’ouvre la bouche, la referme, puis la rouvre, sous le poids de son culot. Mais vous savez ce qui est encore plus lourd ?

Ma folie et mon énervement mélangés.

— Non, ricané-je en secouant la tête. Je démissionne. Trouvez-vous une autre chargée de communication ! Ah, parce que oui, mon job, c’est ça ! Pas d’être votre putain d’assistante personnelle parce que vous êtes incapable de faire deux pauvres photocopies !

Cette fois, il a une réaction. Une vraie.

Lentement, très lentement, il secoue la tête en signe de négation. Puis, sans me lâcher du regard, il se lève, contourne le bureau et s’arrête juste devant moi. Beaucoup trop près.

— Oh non, vous n’allez pas démissionner.

Sa voix est calme, presque douce. Mais je ne suis pas dupe.

— Vous allez sagement revenir demain matin, comme tous les autres jours. Vous allez serrer les dents, hurler votre folie sur les toits si ça vous chante, mais vous allez rester ici.

Un frisson d’agacement me parcourt l’échine.

Il tend une feuille sous mon nez, la faisant jouer entre ses doigts.

— Comme vous me l’avez si gentiment demandé hier soir, j’ai rectifié votre contrat.

Il marque une pause. Juste pour me torturer un peu plus plus.

— Vous êtes officiellement mon assistante personnelle.

Un rire mauvais franchit mes lèvres. Quelle pourriture ! Quel monstre ! Que le diable prenne des notes, parce que quand j’arriverai en enfer, plus rien ne fera peur.

— Vous refusez ma démission ? soufflé-je, hautaine.

Je croise les bras sur ma poitrine et ancre mes yeux dans les siens.

— Très bien.

Je me penche légèrement vers lui et murmure, un sourire carnassier aux lèvres :

— Par contre, attendez-vous à me virer dans les prochains jours, parce que croyez-moi…

Je le toise de bas en haut et articule, un brin sadique :

— Je vais faire de votre vie un véritable enfer.