Fyctia
Chapitre 4 partie 2
— MÉLODY !
Je n’ai pas le temps de faire deux pas que le tyran se matérialise devant moi comme un démon invoqué par mes pires cauchemars.
Je me liquéfie sur place, vidée de toutes mes couleurs —et vu ma carnation d’hiver, je dois être aussi transparente que Casper—.
— Deux heures de retard ! Je peux savoir la raison ?
J’hésite sincèrement à répondre “vous” et enchaîner avec un “d’ailleurs, où avez-vous rangé votre costume de Père Noël?”, mais mon instinct de survie reprend le dessus.
— Ma voiture est tombée en panne, tenté-je avec un aplomb douteux. D’ailleurs…
— Vous n’avez même pas le permis ! Vous osez me mentir en plus ?
Il me coupe sèchement, et sous l’impact de sa colère, quelques mèches brunes s’échappent de son chignon négligé.
— Alors c’est peut-être…
Je n’ai même pas le temps de trouver une excuse potable qu’il m’attrape par les épaules, me fait volt-face et m’oblige à contempler l’horreur absolu : une pile de cartons qui s’élève jusqu’au plafond, aussi bancale que la Tour de Pise après un tremblement de terre.
— Vous avez la journée pour ranger tout ça. Par ordre alphabétique et chronologique. Et que ça saute !
Je pensais m’en sortir. Je pensais avoir une micro chance d’avoir une étoile au-dessus de ma tête. Mais non.
Le karma m’a repérée, et il se fout de ma gueule.
Je ne compte même plus les heures passées à trier ces foutus vingt-et-un cartons. Oui, vingt-et-un. J’ai eu la brillante idée de les compter, et depuis, mon moral frôle dangereusement les - 10 000.
J’ai envie de pleurer de rage, de rire sous l’effet des nerfs et de hurler à m’en décrocher les cordes vocales. Mais je ne fais rien. Rien du tout.
J’obéis, docile comme un chien bien dressé.
Parce que je veux survivre à cette journée, il faut que je tyran oublie que j’existe. Et surtout, qu’il oublie tout ce que j’ai pu dire la veille en le prenant pour un Père Noël de supermarché.
— MÉLODY !
Je ferme les yeux. Inspire. Expire. Je serre les poings pour me contenir.
Reste calme. Ne fais pas ta cinglée.
Il faut que je sois normale.
N-O-R-M-A-L-E.
Le pas aussi traînant qu’un escargot en fin de vie, je me dirige vers le bureau du tyran pour la cent-dix-huitième fois.
Oui, j’ai compté. Et honnêtement, j’aurais dû m’abstenir, parce que maintenant, je sens mon cerveau se fissurer un peu plus à chaque aller-retour.
Je me suis faite la promesse de tenir bon. Même quand j’atteindrai la deux-centième fois. Je ne céderai pas. Il en va du peu de santé mentale qu’il me reste.
— Oui ?
Il ne daigne même pas lever la tête de ses papiers. Comme si je n’étais qu’un détail insignifiant. Un poussière sur son bureau trop bien rangé.
— Arrêtez tout quelques minutes et allez-moi récurer les toilettes.
Pardon ?
Il se passe un truc bizarre dans mon cerveau. Un court-circuit. Un pétage de plomb imminent.
J’avais réussi à contenir ma folie jusque-là, à la refouler bien loin, à l’enfermer dans un coffre-fort.
Sauf que là… elle explose.
— Alors-là, vous pouvez aller vous faire foutre !
6 commentaires
Mapetiteplume
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Il y a 12 jours
Mily Black
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Il y a 25 jours
ElisaCB13
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Il y a un mois