Fyctia

Harvey s’arrête à chaque stand.

À. Chaque. Putain. De. Stand.

Et moi, pauvre victime consentante, je me retrouve à acheter des peluches ridicules qui, d’ici une semaine, finiront abandonnées dans un coin de sa chambre. Mais impossible de lui dire non.

Sa bouille rebondie est une arme de destruction massive. Un simple regard suppliant et je fonds comme une guimauve, incapable de résister.

Résultat ? Mon porte-monnaie hurle à la mort, mes pieds réclament la liberté, et mes talons menacent à tout instant de me tordre la cheville.

— TATIE !

Harvey beugle si fort que je grimace, persuadée que mes tympans viennent d’exploser.

Avant même que je ne capte ce qui se passe, il me traîne jusqu’à une file d’attente interminable.

— LE PÈRE NOËL ! hurle-t-il en sautillant. IL Y A LE PÈRE NOËL !

Je suis à deux doigts de m’écrouler par terre et de pleurer toutes les larmes de mon corps.

Sur tout ce fichu marché de Noël, il a fallu qu’un type se déguise en Père Noël et fasse croire aux gosses qu’il va exaucer tous leurs voeux s’ils avouent avoir été sages cette année.

Quelle arnaque !

Et comme si ça ne suffisait pas, la file d’attente interminable me donne déjà de l’urticaire.

Je jure solennellement de me venger de Coraly pour m’avoir fait subir cette abomination.

Inspirant profondément, je m’accroupis devant Harvey, prête à négocier.

— Écoute-moi bien, petit monstre. Tu ne poses pas de questions et tu me laisses gérer, d’accord ?

Harvey fronce les sourcils, sceptique. Il sent clairement que je mijote un truc pas net. Mais contre toute attente, il hoche la tête.

Sans perdre une seconde, je l’attrape et le hisse dans mes bras. Grosse erreur. Il pèse une tonne. J’ai sous-estimé la bête. Je vais mourir écrasée sous le poids de mon propre neveu.

Je serre les dents, remonte la file comme une reine, et bouscule au passage quelques personnes sans aucun scrupule.

— Poussez-vous, poussez-moi, laissez passer !

Harvey bien calé dans mes bras, j’ignore royalement les protestations outrées autour de moi.

Arrivée tout devant, je le repose sur ses pieds et me retourne vers la foule, accueillie par une avalanche de regards assassins.

Si les yeux pouvaient tuer, je serais déjà six pieds sous terre.

Heureusement —ou malheureusement, selon le point de vue—, ça ne marche pas comme ça.

Je gonfle le ventre, affiche une mine pitié-sur-moi et lâche indignée :

— Quoi ? Vous voyez bien que je suis enceinte !

Silence. Regards en biais. Quelques sourcils levés.

J’enchaîne avant que quelqu’un ne réagisse :

— Vous n’allez quand même pas laisser une pauvre femme enceinte et son enfant attendre trois heures dans le froid ? Ça ne prendra que deux… ou vingt minutes !

Les gens soupirent, grognent, mais personne ne me dégage. C’est le principal !

Harvey me tire par la manche, me forçant à baisser les yeux vers lui. J’exagère mon rôle de fausse future mère en posant dramatiquement une main sur mon faux ventre arrondi, tout en me penchant vers lui.

— Mais tatie, t’es même pas enceinte.

Je lui adresse un clin d’oeil.

— À partir de maintenant, appelle-moi maman, petit monstre.

Une dizaine de minutes plus tard, c’est enfin son tour. Il grimpe sur les genoux du Père Noël, les yeux pétillants, pendant que je me transforme en paparazzi survoltée, mitraillant la scène sous tous les angles avant d’envoyer une avalanche de photos à sa vraie mère, alias ma soeur.

Harvey descend du fauteuil, tout fier d’avoir confié ses plus grands souhaits à ce pauvre gars en costume rouge, et je me tourne vers la sortie, prête à fuir ce marché infernal.

Mais au moment où je m’apprête à déguerpir, une voix rocailleuse qui me semble familière m’arrête :

— Et vous, madame, quel miracle aimeriez-vous pour Noël ?