Fyctia

J’ai une envie irrépressible de vomir.

Rendre mes tripes directement sur le macadam rien qu’en entendant ces maudits chants de Noël braillés dans tout le marché. Et comme si ce n’était pas suffisant, l’odeur écoeurante du vin chaud m’attaque les narines, m’empêchant presque de respirer.

Quelle horreur !

Mais je tiens bon pour Harvey, qui serre ma main avec enthousiasme, les yeux brillants devant chaque stand décoré comme si le but ultime était d’être le plus kitch possible.

Je grimace et maudis Coraly de toutes mes forces tout en élaborant un plan machiavélique pour me venger.

Son petit bout de chou que j’aime d’amour avait soi-disant besoin de cadeaux, mais visiblement, ce n’était qu’une excuse pour m’envoyer dans cet enfer illuminé et bondé.

— Tatie ! Tatie !

Je baisse les yeux vers la tornade miniature qui me tire la main à travers les étals.

— Qu’est-ce qu’il y a petit monstre ?

— Je peux avoir une gaufre ?

Je fronce les sourcils, puis prend un air faussement désolé avant de secouer lentement la tête.

— Il est bientôt l’heure de manger. Ta mère ne veut pas que tu grignotes entre les repas, murmuré-je en me baissant à sa hauteur, profitant de l’occasion pour lui ébouriffer les cheveux.

Il grimace et esquive immédiatement, visiblement outré qu’on touche à sa précieuse tignasse.

Puis lentement, Harvey prend une moue qui ne me dit rien qui vaille. Il croise les bras sur sa petite poitrine, l’air beaucoup trop sûr de lui pour un gosse de six ans.

— Maman t’oblige bien à m’amener ici alors que tu détestes Noël, c’est une bonne vengeance, non ?

Je ferme les yeux une seconde, abasourdie. Comment un môme de six ans peut-il être aussi intelligent ? Et surtout aussi malin ?

Puis, la réponse me frappe comme une évidence : il est le fils de sa mère et le neveu de sa tante.

Ce gamin a grandi entouré de deux soeurs complètement frappées, qui hurlent plus qu’elles ne parlent, qui tombent plus qu’elles ne marchent droit, et qui manipulent tout et n’importe quoi pour obtenir ce qu’elles veulent. Ajouter à ça un bon mélange de la génétique et voilà le résultat :

Harvey et notre portrait tout craché. Malin, rusé, futé et complètement détraqué du cerveau.

— J’ai vraiment faim, insiste-t-il, sa moue dramatique toujours vissé sur le visage. Je vais tomber si je ne mange pas.

Un rire m’échappe malgré moi.

— N’essaie pas de m’entourlouper, petit monstre. Je suis la reine du drama, soufflé-je en plissant les yeux, tentant un regard sévère.

Spoiler alert : ça ne marche absolument pas.

Quelques secondes passent, puis un sourire en coin s’étire lentement sur mes lèvres.

— Si je t’achète une gaufre avec plein de Nutella et de chantilly, tu promets de le dire immédiatement à maman, d’accord ?

Harvey plisse les yeux, méfiant.

— Elle va crier.

Je hoche la tête.

— Oh oui, elle va me hurler dessus. Et c’est justement le but, petit monstre.

Harvey me fixe un instant, puis hausse les épaules avec un naturel déconcertant.

— D’accord.