Fyctia
Chapitre 9 : La bande
C’est d’abord le brouhaha qui me saisit. Des verres qu’on trinque, qu’on repose, qu’on remplit. Puis vient l’odeur. Un mélange de tabac froid, de bière qui colle au parquet, de whisky sec et de parfums masculins et féminins fleuris, boisés et musqués.
A droite de l'entrée, un bar long de plusieurs mètres en bois foncé est orné de guirlandes lumineuses. Contre le mur courent des étagères remplies de bouteilles d'alcools différents. Un immense sapin de Noël trône au fond du pub, près d’un poêle fermé et de deux gros fauteuils de cuir usés.
Nous traversons une arche en pierre qui donne sur une pièce plus petite. Plusieurs vingtenaires installés sur des fauteuils autour d’une table ronde nous font signe. D’un bond, Anthony se lève et s’avance vers nous à grandes enjambées.
— La fameuse Clara ! Si tu savais comme j’avais hâte de rencontrer. Linh ne fait que de nous parler de toi, j’en suis presque jaloux parfois, déclare-t-il avec un sourire franc et sincère. Je peux ? demande-t-il en ouvrant les bras.
Je n’hésite pas un seul instant à l’enlacer. La gentillesse et la simplicité qui se dégagent de lui sont telles que je lui fais immédiatement confiance.
— Guys, je vous présente la seule et l’unique femme de ma vie ! s’écrie Linh. Présentations ! continue-t-elle en désignant un jeune homme au teint mat, assit à côté de la chaise laissée libre par Anthony. Will, l’amoureux d’Anthony. Ensuite, la belle rousse c’est Margot. A côté d’elle on a Harry. Troisième membre de l’autre coloc et sosie officiel de Thimothée Chalamet, ironise-t-elle en pointant son index vers un garçon aux yeux rieurs. Voilà le crew au complet ! Enfin presque, Amelia nous rejoint dans quelques minutes.
Ne sachant trop quoi faire, je souris à chacun d’entre eux tout en essayant de dissimuler le malaise qui me gagne. Ils me regardent tous avec avidité, curieux d’en savoir plus sur moi. Je détourne le regard en sentant mes joues s’empourprer et pose mon manteau sur une chaise vacante.
— Au fait, les premiers arrivés n’étaient pas censés payer leur tournée ? déclare Linh. Je ne vois nulle trace de ma bière préférée sur cette table. Shame on you !
— Je n’en ai aucun souvenir ma belle, lui sourit Anthony.
— C’est comme ça que vous accueillez ma Clara ?? réplique Linh faussement agacée. Bien, puisque c’est comme ça ! On va aller chercher de quoi étancher notre soif darling.
Sur le chemin menant vers le bar, nous croisons Amelia qui entre dans le pub. Nous jouons des coudes pour accéder au comptoir qui colle déjà. Linh fait signe à James, le barman tatoué et musclé au visage doux. Il lui décoche un clin d’œil à faire pâlir n’importe quelle fille. Enfin, sauf Linh.
— Enfin ! Je me demandais quand j’aurai l’honneur de servir la plus jolie fille de la soirée.
— Garde tes compliments pour plus tard James. La plus jolie fille de ce bar a soif et voudrait offrir une bière à sa meilleure amie qu’elle n’a pas vu depuis des lustres, précise Linh en désignant Clara.
Le dit James paraît un instant décontenancé par son audace, avant de leur demander quelles bières elles souhaitent.
— Surprend-moi, répond-elle effrontément.
Parfois, j’aimerais avoir ne serait-ce qu’une once de l’assurance de Linh. Nos caractères sont si différents que je me demande parfois comment on peut être si proches. Une sorte de Ying et de Yang dans lequel les deux parties s’équilibrent pour former un tout harmonieux.
Cette fois, James répond sur un ton très professionnel, comme il parlerait à n’importe quelle cliente :
— La nouveauté. Bière de Noël. Une bière blonde relevée aux épices : curcuma, cannelle et gingembre.
Linh acquiesce et reprend son ton badin :
— Oui, du gingembre, c’est exactement ce qu’il me faut.
Le barman hausse un sourcil entendu et nous en sert trois pintes.
— Voilà pour mesdames. Enchanté de te rencontrer au fait, poursuit-il à mon l’intention. J’espère que tu n’es pas comme ton amie. Une seule fille comme ça dans ce monde, c’est largement suffisant !
— Je prends ça pour un compliment James, répond l’intéressée. Merci pour les bières.
— Il va quand même falloir régler ma jolie. Je t’aime bien, mais je ne vais pas risquer mon job pour tes beaux yeux.
Linh sourit. Cette fois d’un sourire franc et sincère, sans minauderie.
— A plus tard, déclare-t-elle en laissant un billet sur le comptoir, avant de s’éloigner sans se retourner.
De retour, je reste debout et lève ma pinte :
— J’aimerai porter un toast. Je voudrais vous remercier de m’accueillir dans votre bande et j’espère que… enfin que…
Je sens la main de Linh se poser sur mon épaule, comme pour me donner du courage.
— J’espère qu’on passera de bons moments tous ensemble ces prochaines semaines et que je serai à la hauteur de votre accueil, je réussis à articuler dans un souffle.
— A Clara ! enchaîne Anthony.
Et nous trinquons à l’unisson dans un joyeux bruit de verres qui claquent et de sourires qui réchauffent le cœur.
Nous entamons notre deuxième verre lorsqu’Harry s’exclame :
— Eh ! On se fait une partie de fléchettes ?
— Evidemment, c’est la tradition ! Dès qu’il y a un évènement important ou que nous ne sommes pas d’accord sur un sujet, on s’affronte aux fléchettes, poursuit Margot à l’intention de Clara. Crois-le ou non, mais on a réglé bien des problèmes de cette façon ! Bon, ça peut être des choses ridicules, comme qui paye la prochaine tournée ou le petit-déj, mais parfois ça nous a sauvé de certaines crises.
— Tu veux dire comme la fois où tu étais persuadé que je ne pourrais pas gagner en ayant bu trois pintes ? s’esclaffe Harry.
Margot lui lance un regard noir, puis se radoucit quasiment instantanément. Je suis stupéfaite de la complicité qui règne dans le groupe. Ils ont probablement des difficultés, mais ils sont plus que tout soudés par une amitié très forte.
— Allez, on se la joue en solo ! reprend Linh en se dirigeant vers le jeu, son verre à la main. Quel est le gage du perdant ?
— Du café et des croissants pour demain matin, je sens que la soirée va être longue, répond Harry, son accent anglais cognant avec charme sur le mot « croissant ».
La partie commence. Je me sens bien dans cette ambiance chaleureuse et même les musiques de crooners de Noël qui passent par l’enceinte du pub ne me dérangent pas tant que ça. Les éclats de rire se mêlent au brouhaha de gens qui rentrent et sortent du bar dans une joyeuse mélodie. Je ne pense plus à rien et l’étau qui bloquait ma gorge depuis des jours se desserre un peu.
Au bout de plusieurs parties, il faut se rendre à l’évidence. Je suis bonne dernière et de très loin.
— Désolée la nouvelle, mais après recalcule, il s’avère que tu es bien placée pour nous ramener le petit déj demain ! assène Harry, ses boucles brunes dansant autour de son visage. On se rejoint chez vous à neuf heures les filles ?
***
De base ce chapitre faisait 11000 caractères, j'ai dû faire des coupes et j'espère que ce n'est pas trop déstabilisant :)
16 commentaires
Beryl L
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Il y a 2 jours
Mapetiteplume
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Il y a 10 jours
Emilie Hamler
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Il y a 10 jours
Passions-Fictions-Laëti
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Emilie Hamler
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petites.plumes
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Il y a 16 jours
Emilie Hamler
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Il y a 16 jours