Fyctia
Chapitre 8: Rhum & confidences
9 décembre, Londres.
L'appartement est encore plus grand que ce que j’avais imaginé. L'entrée donne directement sur un salon lumineux et décoré dans des tons chauds. Des plaids douillets et des coussins moelleux sont posés négligemment sur la canapé d'angle, non loin d'une table basse couleur crème sur laquelle trône une bougie à la cannelle.
Une grande porte-fenêtre habillée de rideaux en velours beige donne sur une arrière-cour calme et encerclée d'immeubles similaires. Des guirlandes lumineuses courent de meubles en meubles et des plantes tombantes donnent à la pièce une touche végétale harmonieuse.
Pour être honnête, je m'attendais à trouver un appartement de post-étudiants aux murs couverts d'affiches de festivals à moitié décollées, aux photos punaisées de manière embrouillée et meubles chinés ici ou là et mal assortis. Au lieu de ça, j’ai l'impression d'avoir plongé dans un magazine de déco pour jeunes cadres branchés.
— Whouah... Qui a fait la déco ? C'est magnifique !
— C'est l'œuvre d'Anthony. Il est décorateur d'intérieur, répond Amelia.
Anthony est l’ami le plus proche de Linh outre-Manche. Lui aussi est français et a grandi à Rennes, mais il aura fallu attendre que tous les deux s’installent à Londres pour se rencontrer. Anthony vit dans un appartement en face de celui de Linh et Amelia, avec Harry et Margot.
— Tu rencontreras la bande ce soir, poursuit Linh. Tu passeras ta première soirée au QG ! Le programme c'est planches apéros, bières à gogo, tournoi de fléchettes. Tu vas adorer et les autres vont t'adopter très vite ne t'en fais pas, essaye-t-elle de me rassurer. Tu devrais bien t'entendre avec Margot ma biche, vous vous ressemblez beaucoup.
Je souris faiblement. J’ai hâte de les rencontrer tout en étant anxieuse. Je n’ai jamais vraiment réussi à me faire une place dans des groupes d'amis déjà constitués. Au collège, j’ai souvent été la dernière roue du carrosse, celle qu'on accepte parce qu'elle est l'amie de Linh, mais qu'on laisse de côté sans même s'en apercevoir. Invisible.
— Bon, passons aux chambres !
Je pose mon sac dans la chambre de Paul, parti en France pour les vacances de Noël afin de retrouver sa famille et sa petite-amie. Ce dernier a dû partir avec la quasi-totalité de ses affaires, car il ne reste plus que quelques chemises dans le dressing et un livre sur la table de chevet.
— On ne sait pas trop s'il reviendra, précise Linh devant mon expression étonnée. C'est quelqu'un de très solitaire et je crois qu'il avait un peu le mal du pays you see. Je te laisse t'installer tranquillement, je vais nous préparer un golden latte. Je t'aime ma biche, souffle-t-elle à mon oreille en me serrant dans ses bras. Je suis heureuse que tu sois là.
Il faut savoir que je ne suis pas du tout une personne tactile et je déteste les gens qui vous touchent le bras en vous parlant, ou pire, ceux qui s'approchent à quelques centimètres de votre visage pour vous adresser la parole. Je vis cela comme une agression, mon espace vital est primordial pour que je me sente en sécurité.
Sûrement un truc hérité de tes parents, m’avait un jour dit grand-mère. Mais avec Linh, c'est différent. Au contraire, ces gestes me rassurent et témoignent du lien particulier qui existe entre nous, que je n’ai avec personne d’autre. Quand vous grandissez avec une personne, vous connaissez tout d’elle. Ses défauts, ses rêves, ses souvenirs d’enfance et ses hontes adolescentes.
Après avoir défait le peu d'affaires que j’ai emporté : quelques vêtements, le livre offert par mes collègues, mon carnet que je trimballe partout et mon appareil photo argentique, je rejoins les filles dans le salon. Henri Cat est sorti de sa cachette et trône fièrement sur un des fauteuils moelleux, tel un roi qui aurait conquis un nouveau royaume. Il se laisse approcher et caresser par Amelia, une véritable victoire.
— Alors ma biche, des nouvelles de tes parents ? demande innocemment Linh tout en me servant un golden latte dans une tasse noire.
Au contact du liquide chaud, le visage de Chandler Bing apparaît, suivi d'un « Oh my goooood ». Un sourire s'étire sur mes lèvres pour s'effacer presque aussitôt. Je jette un coup d'œil à mon portable.
— Nope ! dis-je, avec une amertume que j’aurai préféré cacher.
— Un problème ? tente de comprendre Amelia.
Linh me jette un coup d’œil interrogateur et j’acquiesce d’un signe de tête. Si je veux réussir à m’intégrer, je dois être honnête.
Elle entreprend alors un monologue en anglais dans lequel elle retrace dans les grandes lignes ma situation familiale. Petit à petit, je m’enfonce plus profondément dans le canapé et mes doigts crispés s'accrochent à la tasse telles les griffes d'un chat.
— Oh je suis désolée, reprend Amelia à mon intention, visiblement sincère.
Elle se lève d'un bond et fouille dans un des meubles en bois clair du salon pour en sortir une bouteille de rhum blanc à moitié entamée. Sans prendre le temps de demander, elle verse quelques gouttes d'alcool dans les trois tasses. Puis, elle lève son mug et nous l’imitons aussitôt.
— A la famille. Celle qu'on choisit.
A l'unisson, nous trinquons avant d'avaler cul sec le breuvage. Je ne sais pas si c'est la chaleur du liquide, de l'alcool ou les paroles d'Amelia, mais un sentiment d'apaisement et de bien-être vient se lover au creux de mon ventre.
***
En arrivant devant le Drunken Duck situé à quelques pas des deux colocs, je suis surprise par le nombre de jeunes londoniens stationnant debout avec leur pinte de bière à la main. Amelia m’explique que la majorité des bars de Londres sont trop petits pour contenir la foule qui se presse après le travail pour décompresser. Les gens ont alors pris l’habitude de boire leur verre devant le pub.
Cet amas de personnes m’empêche d’apercevoir l’intérieur. Seule l’enseigne est visible, ancienne et émoussée. The Drunken Duck, écrit en belles lettres gothiques, côtoie un Daffy Duck visiblement éméché, tenant une Guinness dans sa main palmée.
Linh me prend la main et se fraye un chemin sans difficulté parmi les badauds, en saluant certains de la main et en faisant des hugs à d’autres, tout en me présentant. Après quelques minutes qui me paraissent interminables, Linh pousse enfin la lourde porte du pub.
Alors que pensez-vous d'Amelia et Linh ? :)
Ne vous inquiétez pas, il s'agit bien d'une histoire d'amour. Mais pour moi, l'amour se retrouve aussi dans l'amitié, d'où mon parti pris de décrire sa rencontre avec un nouveau groupe.
Soyez patient.es, le love interest ne va pas tarder ;)
20 commentaires
Beryl L
-
Il y a 2 jours
Emilie Hamler
-
Il y a un jour
Passions-Fictions-Laëti
-
Il y a 16 jours
Emilie Hamler
-
Il y a 16 jours
loup pourpre
-
Il y a 17 jours
Emilie Hamler
-
Il y a 16 jours
petites.plumes
-
Il y a 17 jours
Emilie Hamler
-
Il y a 16 jours