Fyctia
Chapitre 4 : La proposition
13 novembre 2022, Rennes.
La porte d'entrée claque avec fracas lorsque Clara rentre ce soir-là, en pleurs. Henri Cat, venu l'accueillir, prend la poudre d'escampette, ses petites pattes dérapant sur le carrelage. Alertée par le bruit, Henriette accourt, décontenancée.
— Ma chérie ! Enfin que se passe-t-il ? Explique moi, demande-t-elle, inquiète. S'il te plaît, viens t'asseoir dans le salon, je vais te préparer une tasse de chocolat chaud avec du miel et de la cannelle.
A croire Henriette, il n'y a pas un problème qui ne pouvait être résolu avec un chocolat chaud et des biscuits. Avec peine, Clara s'installe dans le canapé en détournant le regard des cartons de boules et de guirlandes que sa grand-mère a ramené de la cave pour décorer l'appartement.
— Il ne manquait plus que ça, marmonne la jeune fille.
Depuis la cuisine, elle entend des bruits de casserole et bientôt, la délicieuse odeur sucrée du chocolat vient lui chatouiller les narines, aussitôt suivie par celle de la cannelle, son épice préférée. Puis, Henriette vient déposer un plateau rempli de douceurs sur la table basse.
— Bien. Maintenant que nous sommes en condition, raconte moi tout s'il te plaît, lui intime la vieille dame.
Clara attrape une des tasses du plateau et sa chaleur réchauffe petit à petit ses doigts engourdis par le froid. D'un geste brusque, elle avale une grande gorgée de la boisson chaude qui lui brûle la langue. Merde. Enfin, elle prend une grande inspiration et fait le récit de sa journée, entrecoupé parfois de sanglots. Henriette écoute attentivement, tout en fourrant de temps en temps un biscuit de Noël dans les mains de Clara, qu'elle avale sans broncher.
— Oh, je suis navrée ma chérie… Tout ceci n'est pas juste, tu méritais tout autant ce poste. Et qu’est-ce que c’est que cette façon de faire ? S’entendre sur quelqu’un en interne et publier une offre d’emploi malgré cela ? C’est cruel de faire espérer les gens comme ça.
Clara hoche la tête, les yeux dans le vague.
— Le pire, c’est qu’il m'a proposé de me reprendre en tant que surveillante de salle. Je ne dois être bonne qu’à ça…
— Ecoute moi attentivement. Ta valeur ne réside pas dans ce que les autres pensent de toi, ou de l'image qu'ils ont de toi. Tu verras au cours de ta vie que la seule personne que tu dois satisfaire, c'est toi-même. Je sais que c'est difficile. Tes parents ne t'ont jamais vraiment écouté, ni soutenu, ni valorisé…
Henriette touche un point sensible et Clara retient à nouveau ses larmes. Parler de ses parents est toujours aussi difficile. Même après tant d’années, elle attendait toujours leur approbation et leur soutien et n'avait pu empêcher le trou béant du manque se former dans sa poitrine.
Elle lève les yeux vers Henriette, qui la fixe avec un amour sincère.
— Il n'y a que toi mima.
— Bonté divine ma chérie, ne dis pas des choses pareilles ! Tu as des amis merveilleux !
— Bien sûr, des amis qui diminuent d'années en années comme la banquise, ironise Clara, un rire cynique s'échappant de sa gorge. Un jour ils sont là et puis sans que tu t'en rendes compte, ils disparaissent aussi vite que la neige au soleil.
— C'est ce qui s'appelle le passage à l'âge adulte Clara, répond Henriette d'un ton grave. Ce moment charnière où tu décides quel chemin prendre. Et certains ne prendront pas la même direction que toi.
— Ouais bah c'est de la merde, soupire la jeune fille d'un ton las.
La vieille dame plisse les yeux d'un air malicieux, ces rides creusant sa peau comme autant de sillons marquants le temps et les épreuves de la vie.
— Dis, tu l'aimes toujours papi ? demande soudain Clara, les yeux posés sur le portrait de son grand-père.
Henriette reste songeuse quelques instants, comme si elle entrait dans une bulle de souvenirs.
— Bien sûr. Même s'il n'est plus à mes côtés depuis quinze ans, il me manque tous les jours et je le ressens à chaque instant, dit-elle, les yeux brillants. Comme un lien invisible qui me relie à lui. Un lien éternel.
Secrètement, Clara espère un jour rencontrer LA personne et ressentir un attachement aussi grand que ses grands-parents avaient l'un pour l'autre. Le visage de Gabriel lui revient en mémoire.
Soudain, son téléphone vibre et rompt ce moment suspendu. Elle embrasse tendrement sa grand-mère sur la joue avant de s'isoler dans sa chambre.
— Enfin c'est pas trop tôt, j'étais bientôt sur répondeur ! la houspille Linh, qui se trouve visiblement dans une rue illuminée de décors de Noël, vêtue d'un magnifique manteau rouge et d'un béret bleu marine.
— Linh, y a pas de répondeur sur WhatsApp, affirme Clara en riant. Attends, c'est bien un chant de Noël que j'entends là ?
— Yes darling, je fais mes achats de Noël sur Oxford Street ! Tu verrais le monde. Je suis certaine que tu adorerais, se moque Linh avec un clin d'œil.
— Plutôt rester coincée avec ce job pendant dix ans, ironise Clara.
— Oh oh, que pasa ? demande sa meilleure amie, soudain inquiète.
Au fur et à mesure de son récit, le visage de Linh passe de la stupeur à l’incompréhension.
— Je suis sincèrement désolée darling… souffle-t-elle d'une voix douce lorsque Clara met un point final à son monologue. Ce musée ne te mérite pas, Henriette a raison. Qu'est-ce que tu vas leur répondre pour le nouveau contrat ?
— Pour être honnête, je n'ai même pas réfléchi à cette question, avoue Clara. J'ai jusqu’à mi-janvier pour donner une réponse. Mais si tu savais comme je suis épuisée Linou…
— Je sais... Et je suis énervée contre ce système qui laisse des gens talentueux comme toi sur le carreau… Je te jure, c’est différent ici. Regarde moi, je n'avais que mon Master en poche et trois pauvres stages sur mon CV et maintenant je suis journaliste chez « Basics »… souffle-t-elle, ses tâches de rousseur dansant sur son visage fin.
Après quelques secondes de silence, Linh reprend, les yeux brillants d’excitation :
— Je viens d'avoir une idée qui peut peut-être te remonter le moral. Paul a fini son stage et retourne en France pour les fêtes. Tu pourrais prendre sa place à la coloc quelques jours ?
Clara se fige un instant. Passer quelques jours à Londres pendant la période de Noël pour une fille qui déteste ces fêtes, c’est un peu suicidaire sur les bords. Et en même temps assez tentant, surtout que Linh lui manque terriblement. Après quelques instants, Clara se reprend. Il est inenvisageable pour elle de laisser Henriette seule pour Noël. L'autre argument, et non des moindres, est le prix du billet - exorbitant - de l'Eurostar à cette période. A moins de vendre un rein, mais elle n'était pas désespérée à ce point !
— Alors alors, qu'en dis-tu ? s'impatiente Linh, le sourire jusqu'aux oreilles.
— J'adorerais venir te voir, ça, c'est certain Linou. Mais je ne peux pas laisser Henriette seule pour les fêtes…
— Oui, je comprends Clar', ne t'inquiète pas, souffle-t-elle avec un sourire triste. Au fait, je t'ai pas dit, tu sais, le beau barman du QG ? déclare soudain Linh en changeant de sujet.
16 commentaires
Soäl
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Il y a 10 jours
Mapetiteplume
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Il y a 21 jours
Nina Fenice
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Il y a 24 jours
Nina Fenice
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Il y a 24 jours
Emilie Hamler
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Il y a 24 jours
Nina Fenice
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Il y a 24 jours